PETER OBORNE : L’opposition d’Alan Duncan aux colonies illégales a fait de lui une cible israélienne
Il n’est guère étonnant qu’un responsable politique à l’ambassade israélienne ait tenté de « faire partir » Alan Duncan.
Le ministre des Affaires étrangères, 59 ans, anobli en 2014 pour services rendus à la nation dans l’exercice de ses fonctions, fait partie de ce très petit nombre de députés conservateurs à s’être prononcés contre le programme de colonies israéliennes illégales en Cisjordanie.
La plupart des députés conservateurs ignorent le sujet ou font semblant de ne pas en connaître l’existence.
Pas Duncan. Il soulève régulièrement la question, ce qui lui vaut de devenir la cible du gouvernement israélien et de ses partisans.
En 2011, alors qu’il était ministre chargé de l’Aide à l’étranger, il a participé à une vidéo produite par le gouvernement britannique, dans laquelle il accusait Israël de perpétrer un accaparement foncier dans les territoires occupés. Suite à des pressions, Duncan fut obligé de retirer le document du site Internet de son ministère.
Trois ans plus tard, Duncan, dans un discours important au Royal United Services Institute, a remis sur la table la question des colonies en attaquant clairement la politique israélienne.
Il a prétendu que les colonies en Cisjordanie constituaient un « cocktail pervers » d’illégalité et d’occupation, suggérant que ses partisans devraient se voir exclus de la fonction publique.
Dans une déclaration incendiaire, il a déclaré : « L’approbation de cette colonisation mérite d’être mis dans le même sac que le racisme, le sexisme, l’homophobie et l’antisémitisme. Effectivement, nous estimons avec raison impropre à un emploi dans la fonction publique qui refuserait de reconnaître l’existence d’Israël : devrait être également exclu tout fonctionnaire qui refuserait de reconnaître l’illégalité de ces colonies ».
« Aucun partisan des colonies ne devrait être légitimé à se présenter à une élection, rester membre d’un parti politique dominant ou siéger à l’Assemblée nationale de n’importe quel pays. Comment accepter l’autorité des législateurs du Royaume-Uni – ou d’ailleurs – s’ils soutiennent dans un autre pays des contrevenants à la loi ? Ce ne sont que des extrémistes, à traiter comme tel ».
Duncan a ajouté que « nombre de colons sont en fait des miliciens sponsorisés par l’État. Ils défient le droit international en chassant de leurs terres les occupants légitimes et en créant une économie illégale aux frais de ceux qui ont ainsi été si cruellement déplacés ».
Il s’est aussi demandé si le lobby pro-israélien représentait correctement l’opinion publique juive traditionnelle en Grande-Bretagne.
Ce discours lui a valu les foudres du Board of Deputies of British Jews (Conseil des parlementaires juifs en Grande-Bretagne), qui l’accusent d’«un manque éhonté d’objectivité ».
Selon ce Conseil, pour Duncan « défendre d’Israël revient à accuser les gens de vouloir sa destruction ou d’être antisémites. Ceci constitue une allégation totalement injustifiée contre les institutions les plus importantes de la communauté juive britannique. Une calomnie qui jette sur elles un discrédit haineux et qui, par conséquent, doit être rétractée sans délai ».
Duncan, partisans de l'État d'Israël et de la solution à deux États
Le Community Security Trust (association créée en 1994 pour assurer la sécurité de la communauté juive au Royaume-Uni), qui traque les délits d’antisémitisme et conseille le ministère de l’Intérieur, est allé encore plus loin en l’accusant d’antisémitisme.
Ses arguments : que son discours « présentait des relents de préjugés contre les juifs/les puissances de l’argent/le pouvoir occulte/l’étranger, fleurant la vieille théorie de la conspiration antisémite. La seule différence étant que cette thèse est en ce cas dirigée contre Israël ou les pro-Israéliens, plutôt que contre les Juifs ».
Il est toutefois important de souligner que Duncan n’a rien d’un fanatique ou d’un extrémiste. C’est un politique conservateur traditionnel, partisan de l’État d’Israël et de la solution à deux États.
Il considère – point de vue partagé par nombre d’Israéliens et de juifs britanniques – que ces colonies sont un mal, un obstacle à une paix durable au Moyen-Orient.
Le Moyen-Orient n’est pas la seule question sur laquelle Duncan a démontré son courage politique. Il fut le premier député conservateur siégeant au parlement à faire son « coming out » et il a déclaré son homosexualité dès 2002 – à une époque où ce geste exigeait d’avoir les nerfs solides.
Il y a six ans, il a officialisé une union civile avec James Dunseath, qu’il a épousé ensuite. Duncan est un ardent défenseur des droits des homosexuels.
À la différence de nombre de députés modernes, il avait, avant d’entrer en politique, une expérience réelle et pointue du monde des affaires. Après ses études à l’Université d’Oxford, la Royal Dutch Shell lui a confié un poste de trader, à l’époque à Londres autant qu’à Singapour, auprès de Marc Rich (maintenant décédé, il avait fui la justice américaine et avait finalement bénéficié d’une grâce très controversée du président Bill Clinton).
Issu d’une famille de pilotes de chasse, le député Duncan obtint en 1992 le siège de Rutland (centre de l’Angleterre) et devint président de l’opposition à l’Assemblée parlementaire, sous la présidence du conservateur David Cameron. Démis par Cameron il y a deux ans, il avait perdu son poste de ministre, mais Theresa May l’a rappelé dans son gouvernement et lui a confié un poste ministériel important aux Affaires étrangères.
Plus récemment, Duncan réalisa un coup de maître en négociant un accord signant la réconciliation de l’Argentine avec le Royaume-Uni – qui avait mené contre elle une guerre en 1982 car les deux pays revendiquaient la souveraineté sur les îles Malouines, dans l’Atlantique Sud. Le Moyen-Orient ne relève pas de ses compétences ministérielles.
Traduit de l’anglais (original) par [email protected].
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