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Le véritable motif de la peur et de l’aversion d’Israël vis-à-vis du vote de l’ONU sur les colonies

Aucune mesure n’a autant montré l’engagement du régime de Sissi à servir les intérêts israéliens que l’affaire de la résolution du Conseil de sécurité

La résolution du Conseil de sécurité de l’ONU dénonçant les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés est une résolution de dernière minute.

Le Conseil l’a votée en fin de soirée le 23 décembre, dernier véritable jour de travail à l’ONU avant les fêtes de fin d’année. Il s’agissait également du dernier véritable jour de travail pour l’administration Obama avant l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump le 20 janvier.

Ainsi, cette résolution apparaît comme le dernier message d’Obama au gouvernement de Benyamin Netanyahou – un gouvernement qui a résisté à chaque tentative timorée entreprise par Washington de trouver une solution au conflit israélo-palestinien et n’a jamais hésité à manipuler la politique américaine contre le président américain, comme lorsque Netanyahou (invité par les Républicains) prononça un discours contre l’accord sur le nucléaire iranien devant le Congrès en mars 2015.

L’administration Obama a choisi, au dernier moment à Washington comme à l’ONU, d’infliger un camouflet au Premier ministre israélien, qui le méritait

Pendant ce temps, l’administration Obama a offert à Israël un accord sans précédent d’aide militaire pour un montant de 38 milliards de dollars et, pendant presque un an, a fait obstruction au projet de résolution dénonçant les colonies israéliennes.

Dans les deux cas, l’objectif était probablement de conserver le soutien des juifs américains en faveur de la candidate démocrate Hillary Clinton. Cependant, lorsque celle-ci a perdu les élections en novembre, l’administration Obama a choisi, au dernier moment à Washington comme à l’ONU, d’infliger un camouflet au Premier ministre israélien, qui le méritait.

Ceci est un aperçu de ce qui s’est passé, mais le contexte plus général de cette résolution est encore plus significatif.

Le rôle de l’Égypte dans cette affaire

L’Égypte, qui représente le bloc arabe au Conseil de sécurité, était censée être le pays traitant ce projet de résolution. Cependant, la veille du vote, la délégation égyptienne a confirmé avoir reçu ordre du président Abdel Fattah al-Sissi de retirer le projet de résolution.

Il n’est pas inhabituel que des chefs d’État interviennent ainsi dans d’importantes mesures diplomatiques, bien qu’en temps normal, ces interventions ne soient pas commentées publiquement ni rendues public. Il est clair que l’initiative égyptienne constitue délibérément une exception explicite.

En fait, la délégation égyptienne à l’ONU s’est engagée à jouer un double jeu dès le départ. D’une part, la délégation a soumis le projet de résolution pour apaiser le bloc arabe dont le soutien a permis à l’Égypte d’obtenir un siège au conseil.

D’autre part, la délégation était également convaincue que les États-Unis bloqueraient la résolution en vertu de leur droit de veto en tant que membre permanent du Conseil.

Cependant, à l’approche du vote, les Égyptiens ont découvert que les États-Unis, s’écartant de leur routine diplomatique habituelle, n’opposeraient pas leur veto à cette résolution et c’est pourquoi Sissi a ordonné à ses représentants aux Nations unies de retirer leur projet de résolution.

Après l’adoption de la résolution, l’envoyé égyptien au Conseil a tenté de manière pathétique de justifier la position et les actions de son pays. Mais ceux qui suivent ce qui se passe à l’ONU savent aisément que le principal motif à cette initiative égyptienne était de protéger les intérêts israéliens, plutôt que de défendre les droits des Palestiniens.

Depuis l’été 2013, il existe un nombre croissant de preuves d’une alliance étroite entre l’administration Sissi et le gouvernement de Netanyahou.

Le principal motif à la position égyptienne était de protéger les intérêts israéliens, plutôt que de défendre les droits des Palestiniens

Les mesures strictes de siège adoptées par le régime de Sissi contre les habitants de la bande de Gaza, ainsi que celles contre les citoyens égyptiens qui vivent dans ses zones limitrophes – y compris la destruction de leurs villes et villages au bulldozer – visaient à protéger la sécurité d’Israël.

Jamais un régime égyptien n’avait cédé sa souveraineté aérienne comme l’a fait le régime de Sissi lorsqu’il a ouvert l’espace aérien égyptien dans le Sinaï à l’armée de l’air israélienne l’an dernier.

Pourtant aucune mesure n’a autant montré l’engagement du régime de Sissi à servir les intérêts israéliens que l’affaire du projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies dénonçant les colonies juives.

C’est là que réside le paradoxe du rôle joué par les régimes arabes dans le conflit de longue date sur la Palestine. Depuis l’éruption de ce conflit, il y a près d’un siècle, les Palestiniens ont besoin du soutien arabe en raison de l’énorme déséquilibre de pouvoir en leur défaveur.

Les États arabes ont été impliqués directement dans le conflit après la création de l’État d’Israël et aussi en raison de la nature expansionniste du projet sioniste. Toutefois, sans une légitimité suffisante dans leur propre pays, ces régimes n’ont joué qu’un rôle limité dans le soutien aux Palestiniens, qui a diminué au fil du temps comme leur légitimité.

Finalement, ce manque de légitimité a poussé certains États arabes – comme l’Égypte et la Jordanie – à nouer des alliances avec Israël dans l’espoir de gagner son soutien et son appui dans la sphère internationale.

C’est ce qui se cache derrière la relation étroite entre le régime de Sissi et le gouvernement de Netanyahou : Sissi se rend compte de la fragilité du gouvernement qu’il préside et du peu de légitimité sur lequel il s’appuie.

Par conséquent, il est enclin à forger une alliance avec Netanyahou et à défendre ouvertement les intérêts israéliens comme moyen de faire appel au soutien et à la protection israéliens à Londres, Paris et Washington.

La peur et l’aversion en Israël

La réaction israélienne n’est pas moins importante. La résolution de l’ONU a engendré une atmosphère de rage, de peur et de déception en Israël, malgré la capacité des gouvernements successifs, depuis plus de sept décennies, à entraver les résolutions de l’ONU et à les rendre sans effet.

Les Israéliens ont répandu leur colère sur l’administration Obama, qui a permis l’adoption de la résolution et, selon les responsables israéliens, l’a encouragée. « L’administration Obama a non seulement échoué à protéger Israël contre cette alliance contre le pays à l’ONU », a déclaré Netanyahou, « elle a pactisé avec elle en coulisses. »

Construction en cours à Neve Ativ, une colonie illégale près de la frontière syrienne (MEE)

L’administration Netanyahou a même qualifié sa décision d’acte de trahison. Cependant, la colère ne pouvait dissimuler un sentiment d’horreur, comme l’ont exprimé les déclarations des responsables, des écrivains, des commentateurs et des personnalités israéliennes : le principal État nucléaire du Moyen-Orient, qui n’a jamais connu un tel climat de sécurité à un autre moment de son histoire, a été transformé par une seule résolution de l’ONU en un État quasi assiégé qui a l’impression que le ciel est sur le point de lui tomber sur la tête.

La colère ne pouvait dissimuler un sentiment d’horreur, comme l’ont exprimé les déclarations des responsables, des écrivains, des commentateurs et des personnalités israéliennes

Le projet d’établir un foyer national juif en Palestine est né des exigences stratégiques de l’Empire britannique au Moyen-Orient. Alors que les juifs du monde occidental considéraient le mouvement sioniste comme une organisation extrémiste d’émigrants d’Europe de l’Est, active aux frontières des communautés juives stables, la Grande-Bretagne cherchait une solution à la difficulté de concilier ses intérêts en Orient et ses engagements envers ses alliés, la France et la Russie.

La vieille garde de l’Empire britannique a repris l’idée marginale sioniste et en a fait un foyer national pour les juifs en Palestine. Ils voulaient que ce foyer juif soit lié à la Grande-Bretagne afin d’avoir un moyen de servir les intérêts stratégiques de Londres au détriment de ses alliés comme de ses concurrents.

Cette relation organique entre l’État d’Israël et l’impérialisme occidental ne s’est pas limitée au moment où le projet sioniste est né, mais s’est poursuivie tout au long des années de sa cristallisation alors qu’Israël se dressait sur ses jambes, s’étendait et se transformait en citadelle fortifiée sur le littoral est de la Méditerranée.

La Grande-Bretagne a essayé tout au long des années de l’entre-deux-guerres d’assurer l’émigration juive en Palestine : elle n’a pas déterminé la fin du Mandat britannique sur la Palestine avant d’être certaine de la capacité de la Yeshiva juive à établir son État et à sauvegarder son existence.

Au cours des décennies suivantes, la France d’abord, puis les États-Unis, ont joué un rôle vital dans la garantie de la suprématie militaire d’Israël, en renforçant ses capacités économiques et en le protégeant du droit international.

C’est ce qui fait de ce froncement de sourcils occidental face à Israël une affaire extrêmement grave du point de vue de la plupart des Israéliens, déclenchant un sentiment d’horreur, une impression d’être assiégé et un sentiment d’avoir été abandonné.

Sans relation organique avec une puissance occidentale, et sans la couverture et la protection que ces États apportent, même posséder des armes nucléaires ne donne pas de sentiment de sécurité et de réconfort.

 

- Basheer Nafi est chargé de recherche principal au Centre d’études d’Al-Jazeera.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des maisons de la colonie d’Ofra, Israël, en novembre 2016 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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