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Reconstruire Gaza : le « Green Cake » pourrait être le phénix naissant des cendres de Gaza

Majd Mashhrawi a développé une alternative meilleure marché au ciment, qui utilise des cendres à la place du sable, afin d’aider à reconstruire la bande de Gaza assiégée
Majd Mashhrawi tient un bloc de « Green Cake » pour démontrer sa légèreté (photo fournie par Majd Mashhrawi)

GAZA – Majd Mashhrawi porte un bloc et le pose sur la table.

« C’était l’un de nos prototypes », indique-t-elle.

Pour un œil non averti, le bloc ressemble aux autres blocs de béton gris omniprésents dans le paysage urbain de Gaza, mais pour Majd Mashhrawi (22 ans), c’est la réponse à la perpétuelle pénurie de ciment dans la zone assiégée.

Depuis ses études universitaires en génie civil à l’Université islamique de Gaza, Majd Mashhrawi cherche à développer une alternative à ce matériau tellement vital pour l’indispensable reconstruction de Gaza, victime du siège et de nombreuses guerres.

L’an dernier, elle et son partenaire, Rawan Abdulatif, ont créé le « Green Cake », une alternative au béton qui réutilise les cendres de charbon pour un coût réduit de 25 % par rapport aux parpaings de construction normaux.

Leurs détracteurs font valoir que leur produit n’a pas encore résisté à l’épreuve du temps, mais Mashhrawi a déjà des clients, attirés par son prix bon marché et sa disponibilité.

« Le ciment est comme l’eau »

« À Gaza, le ciment est comme l’eau », a-t-elle déclaré depuis son bureau situé dans la ville de Gaza.

Le gouvernement israélien a imposé un blocus à Gaza en réponse à l’élection du Hamas en 2006, restreignant les mouvements de marchandises qu’il considère comme « à double usage », c’est-à-dire les matériaux de la vie de tous les jours utilisés par les habitants mais qui pourraient également être utilisés pour construire des tunnels et des armes par les combattants du Hamas.

Majd Mashhrawi (photo fournie par Majd Mashhrawi)

Par conséquent, les citoyens de Gaza doivent obtenir l’autorisation de plusieurs organismes gouvernementaux pour importer le ciment et les autres ingrédients nécessaires à la fabrication du béton.

Ce processus a ralenti le secteur de la construction de Gaza, mis au chômage des milliers de personnes et laissé beaucoup de gens en attente des matériaux nécessaires pour finir leurs maisons à moitié terminées.

La guerre de juillet 2014 entre Israël et le Hamas, qui a détruit ou endommagé 17 000 maisons et a fait 100 000 sans-abri, selon l’ONU, n’a fait qu’exacerber ces problèmes de construction préexistants.

Fadia Najjah (60 ans) se souvient encore des pièces de sa maison de trois étages à Khoza’a, une ville de Gaza qui a été durement touchée pendant la guerre.

Deux ans plus tard, Fadia vit toujours avec sa famille de six personnes dans une maison en tôle, offerte par le Qatar et les Émirats arabes unis, dans la banlieue de la ville.

« Après la guerre, j’étais heureuse d’avoir un toit. Mais je pensais que ce ne serait que pour quelques mois », a-t-elle confié, assise dans sa maison de fortune. « Chaque fois que je vais au ministère [des Travaux publics], ils me disent que la construction a été retardée. »

Des cendres aux briques

C’est dans ce contexte que Majd Mashhrawi a réalisé que les matériaux de construction alternatifs étaient une vraie nécessité. Elle n’était pas la seule ; d’autres aussi se sont aventurés à chercher une alternative locale au ciment, mais en vain.

« Nous avons constaté que nous ne pouvons pas remplacer entièrement le ciment, nous pouvons réduire la quantité que nous utilisons dans le mélange, mais nous ne pouvons pas le remplacer », a-t-elle déploré.

Majd a commencé à examiner l’agrégat et le sable, les deux autres ingrédients essentiels à la fabrication du béton qui sont également importés depuis Israël.

« J’ai pensé qu’au lieu d’avoir trois problèmes, nous pourrions n’en avoir qu’un », a-t-elle expliqué.

Apprenant que les usines d’asphalte gazaouies produisent 80 tonnes de cendres – un sous-produit du charbon et de la combustion du bois – par semaine, elle a eu une idée.

« Nous avons réfléchi : comment pouvons-nous remplacer ces deux composants par un seul et résoudre un problème environnemental ? »

Au lieu d’enterrer les cendres dans le sable, une pratique courante à Gaza qui génère des risques environnementaux, Mashhrawi réutilise les cendres comme matériau de remplissage pour les parpaings.

Green Cake est né

Elle a ensuite réalisé une série de tests. Le premier prototype créé par Majd et son équipe a dû passer un test de résistance à la compression, crucial pour tout matériau de construction afin de s’assurer qu’il ne s’écroulera pas sous le poids de plusieurs étages.

L’équipe a également effectué des tests d’absorption de la pluie, des tests de gravité pour le poids et des tests d’incendie.

Machine semi-automatique pour blocs de Green Cake (photo fournie par Majd Mashhrawi)

Mashhrawi a commencé avec un prototype qui ne résistait qu’à 0,2 mégapascal (MPa), bien en dessous de la force requise de 3 MPa. Plusieurs versions plus tard, à 2,7 MPa, elle avait quelque chose qui fonctionnerait tout aussi bien que le béton ordinaire. Le produit fini a été nommé « Green Cake » par son équipe.

« “Green” [vert] parce qu’il respecte l’environnement, “cake” [gâteau] parce qu’il est léger », a-t-elle expliqué.

Armée d’une bourse de l’Université islamique, Majd a commencé à faire fabriquer une plus grande quantité de blocs par une usine.

En août 2016, elle a eu son premier client qui a commandé à son équipe la construction d’un mur extérieur avec 1 000 parpaings.

Mur construit à partir de parpaings Green Cake (photo fournie par Majd Mashhrawi)

« Au début, le client était hésitant », a-t-elle rapporté. « Mais lorsque cela a été terminé, il a dit qu’il ne s’attendait pas à ce que les parpaings soient si bons et si beaux. Pour moi c’était un rêve. »

Seul le temps nous le dira

Il n’y a qu’un seul test que Green Cake doit encore passer : celui du temps.

« Nous ne pouvons pas encore dire que cette chose est durable, nous le pourrons dans dix ans peut-être, puisqu’il s’agit d’un sous-produit inutilisé et que nous l’utilisons comme remplissage. Je pense qu’il sera durable parce qu’il ne réagira pas avec le ciment », a affirmé Mashhrawi.

« Le projet de Majd est tellement important », a déclaré Asim al-Nabih, un responsable de la municipalité de Gaza.

« Gaza est assiégée et la vie est très difficile, donc Majd fait quelque chose de bien parce que son projet nous apporte une alternative moins coûteuse et plus légère qui peut être fabriquée avec presque rien », a-t-il ajouté.

Majd Mashhrawi ne peut pas accepter de grands projets en raison de problèmes de financement. La municipalité de Gaza et l’Université islamique ont accepté de fournir un financement partiel, mais cela ne suffit pas.

Green Cake s’est présenté à plusieurs prix internationaux d’entreprenariat. Cependant, l’équipe peut rarement exposer le produit à des bailleurs de fonds internationaux hors de Gaza en raison des restrictions de déplacement imposées par Israël.

Majd est également confrontée à la résistance des Gazaouis eux-mêmes, car beaucoup expriment une certaine réticence à prendre le risque d’investir dans le Green Cake.

« Si vous voulez commencer une nouvelle entreprise à Gaza, il vous faut du courage », a-t-elle estimé. « Les gens ici ne changent pas d’avis facilement. Ils ont besoin de temps et c’est ce à quoi sont consacrés la plupart de nos efforts. Nous avons passé trois mois à essayer de prouver aux gens que c’est une alternative adéquate. »

Opportunité et avenir

Rappeler aux gens son faible coût a eu un certain effet. Un camion de sable, par exemple, coûte environ 200 dollars, mais pour la même quantité de cendres, les clients ne paient que 25 dollars.

« C’est très bon marché, c’est ce qui attire l’attention des gens », a-t-elle commenté.

Mashhrawi est toujours motivée par la question initiale qui a inspiré le Green Cake. Toutes les études jusqu’à présent ont prouvé qu’il n’y avait aucune alternative réelle au ciment qui soit équivalente en qualité et en durabilité, mais Majd pense pouvoir en découvrir une en utilisant des géopolymères, qui sont composés de matériaux inorganiques tels que l’aluminosilicate.

Un homme tient un sac de cendre de charbon (photo fournie par Majd Mashhrawi)

« Le ciment est fait de silicate, c’est quelque chose d’organique qu’on trouve dans la nature et qui peut durer des centaines d’années. Mais les géopolymères sont composés de composants chimiques comme le dioxyde de potassium et de nombreux alcalins, donc ils ne peuvent pas durer longtemps, mais pour l’instant ça va. Ce n’est pas aussi bon que le ciment, selon les recherches, mais dans notre situation, ça va », a-t-elle expliqué.

Mais comment le Green Cake peut-il améliorer l’avenir immédiat des Gazaouis ? Majd a l’intention d’ouvrir une usine et d’embaucher des centaines de travailleurs, ce qui représente une opportunité pour près de 43 % de Gazaouis sans emploi, selon un rapport de la Banque mondiale.

Elle espère un jour que Gaza dépendra moins des importations de matériaux de construction grâce au Green Cake.

« Le Green Cake est bon tant que nous veillons à l’améliorer constamment », a-t-elle conclu. « Nous sommes encore à ses débuts, mais je suis pleine d’espoir. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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