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Un an après les attentats, Paris est délaissée par les touristes qui « ont peur »

Un an après les attentats du 13 novembre 2015, les touristes évitent toujours la capitale française. Face à une perte estimée à plus d'1 milliard d’euros, les professionnels du tourisme veulent « vaincre la peur »
À Paris, 1,8 million de visiteurs en moins ont posé leurs bagages depuis le début de l’année, comparé à la même période en 2015 (AFP)

PARIS - La statue au centre de la place de la République est comme neuve : les tags commémoratifs qui y avaient été peints depuis les attentats de janvier et ceux de novembre, ont disparu, effacés par la mairie et conservés aux archives. Plus rien, dirait-on, ne rappelle les attaques qui ont frappé la France à quelques centaines de mètres d’ici, au Bataclan, et dans plusieurs bars du quartier, faisant 130 morts et plusieurs centaines de blessés. Des cérémonies de commémoration y ont été organisées ce dimanche pour marquer le triste anniversaire.

Mais à Paris, le sentiment d’insécurité n’est toujours pas complètement vaincu.

Dans les rues, et surtout autour des principaux lieux touristiques, les dispositifs de sécurité n’ont, eux, pas disparu. Cet été encore, le vaste espace sous la tour Eiffel était librement accessible à pied. Aujourd’hui, il faut se prêter à la fouille des sacs pour se balader sous l’un des monuments les plus connus au monde.

« Parfois les touristes ont peur », raconte Lucinéia Passos, guide touristique depuis trois ans, un travail qu’elle « adore ». En quatre langues, elle s’occupe de visiteurs internationaux et français pour une des plus grandes agences de la ville, Paris City Vision. En général « 70 à la fois », car « c’est la taille d’un bus ».

« On voit la police partout, ça rassure », explique-t-elle, au pied de la tour, sous son parapluie, se protégeant de quelques gouttes de pluie. Une partie de son groupe est montée visiter, l’autre est sur un bateau mouche.

« Impact désastreux des attentats sur les chiffres du tourisme »

Les effets des attentats du 13 novembre 2015 se font toujours sentir auprès des professionnels du tourisme : le nombre de visiteurs a baissé de 8 % de janvier à octobre sur l’ensemble du territoire par rapport à la même période en 2015, avec un recul notamment des arrivés du Japon (-39 %), de Chine (-23 %), d’Allemagne (-10,8 %).

« Nous sommes forcés de constater l'impact désastreux des attentats terroristes qui ont touché notre pays sur les chiffres du tourisme », déclarait fin octobre Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, en charge du Tourisme.

À Paris, 1,8 million de visiteurs en moins ont posé leurs bagages depuis le début de l’année, comparé à la même période en 2015. Une perte chiffrée à plus d’un milliard d’euros. Dans la restauration, le chiffre d’affaires a baissé de 20 %, avec des mois juillet, août et septembre particulièrement mauvais. À Nice, l’attentat du 14 juillet a également violemment écourté l’été, pourtant essentiel à l’économie de la côte d’azur.

Sous la tour Eiffel, Lucinéia Passos reste optimiste face à la crise de son secteur : « la situation commence à s’améliorer ! » positive-t-elle. « Regardez, il y a du monde ! » En effet, quelques centaines de touristes bravent la pluie et attendent patiemment la fouille et les ascenseurs de la tour. « Aujourd’hui, il y a du monde », confirme un agent de sécurité. Entendre : ce n’est pas toujours le cas.

Jean-François Martins, adjoint à la maire de Paris, chargé du Tourisme de la ville a lancé « une stratégie industrielle pour le tourisme », un plan d’action comportant 59 actions pour accroître le nombre de visiteurs de 2 % par an.

« Ce qui pèse dans le choix [d’un voyage], c’est la sécurité, la météo et le prix, dans cet ordre »

- Jean-Pierre Nadir

Le Premier ministre Manuel Valls a aussi annoncé début novembre un plan de 42,7 millions d’euros pour faire revenir les touristes qui boudent l’hexagone. Au cœur du programme : la sécurité, au-delà du terrorisme, avec de nouvelles caméras de surveillance et des commissariats mobiles pour permettre aux touristes de porter plainte plus facilement. Tout un plan de communication pour redorer l’image, car des agressions très médiatisés de touristes chinois en Île de France, et celle de Kim Kardashian, contribunet à salir la réputation de la ville de l’amour.

« L’intention est louable, c’est une manière d’essayer », juge Jean-Pierre Nadir, fondateur du portail Easyvoyage.com, un site comparateur de prix de vols et un blog thématique sur les questions du tourisme. « Mais c’est évidemment totalement insuffisant, car le budget est insuffisant ».

Paris, dans le top 3 des destinations

En France, Paris et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) ont particulièrement souffert des attentats à Nice, au stade de France à Saint-Denis et à Paris.

« Ce sont ces régions qui pèsent sur le bilan national », explique à MEE Dominique Gobert, éditorialiste à TourMag, magazine spécialisé dans le secteur touristique. « Si on se base sur la France entière, il y a un tas de régions qui ne sont pas si touchées que ça », affirme-t-il.

Plusieurs opérateurs et régions touristiques ont d’ailleurs rapidement réagi à la baisse de la demande par une baisse des prix, qui s’associe à une campagne publicitaire qui doit « redonner à la France son aspect touristique et positif. »

Extrait de l'émission C dans l'air sur la crise du tourisme en France

Mais la baisse des prix n’est pas garant de rentabilité. Les lits se remplissent à peine. Les commerçants et les restaurateurs sont encore moins bien servis, car certains touristes enclins à dépenser viennent de moins en moins. « Les Japonais achètent beaucoup », relève Jean-Pierre Nadir.

« Ce qui pèse dans le choix [d’un voyage], c’est la sécurité, la météo et le prix, dans cet ordre », poursuit-il. « Paris est dans le top trois des destinations où tout le monde veut aller. » Mais malgré cela, de moins en moins de touristes se décident pour la capitale française.

Des causes plus profondes que les attaques

Pour ce professionnel du tourisme, la mauvaise image de Paris a toutefois des causes plus profondes que les attaques de janvier et novembre : l’insécurité, c’est surtout la « petite délinquance » et les pickpockets. Et puis l’insalubrité et les «  vendeurs à la sauvette » pèsent depuis plus longtemps encore sur les chiffres du tourisme. Paris souffrirait aussi d’un manque de compétitivité sur l’ouverture des commerces les dimanches. Finalement, c’est l’absence de métro la nuit qui consacre à Paris un désavantage crucial. « La part de la France [dans le tourisme mondial] ne cesse de baisser », affirme-t-il, et ce pas seulement depuis un an.

« Il est certain qu’on finit par oublier. Mais si on prend l’exemple de la Tunisie, où il y a eu de la violence, ce n’est toujours pas reparti. L’Égypte c’est pareil. C’est extrêmement difficile. »

- Dominique Gobert

Xan, guide touristique à Paris, cheveux longs et noirs comme sa barbe, ressemble de loin à un alpiniste avec son sac à dos de randonnée. Son groupe, une quinzaine de francophones, écoute sagement ses digressions sur Gustave Eiffel. Il n’a jamais abandonné son humour lors de ses visites, dit-il, ni radicalement adapté son programme ou le contenu de ses explications. Pas question pour lui de faire du tourisme de guerre. Une autre guide parisienne pourtant affirme déjà avoir eu des demandes de visites thématiques sur les lieux des attentats.

Xan a, lui, moins senti la baisse de la demande que l’évolution de la clientèle : moins d’Asiatiques, mais toujours autant d’Européens et d’Américains. Parfois, admet-il, certains de ses clients lui posent des questions sur la sécurité. « Surtout les Américains. » Certaines visites sont écourtées par des contrôles. Mais « c’est assez rare que ça leur pose problème », raconte-il.

« Il est certain qu’on finit par oublier », affirme Dominique Gobert. « Mais si on prend l’exemple de la Tunisie, où il y a eu de la violence, ce n’est toujours pas reparti. L’Égypte c’est pareil. C’est extrêmement difficile. »

Imprévisible donc pour lui, de prévoir quand la reprise s’installera sur la durée : « On peut demander à l’État ce qu’on veut, mais malheureusement le risque zéro n’existe pas », indique l’éditorialiste, ajoutant qu’un monde déstabilisé par une présidence de Donald Trump pourrait peser sur la volonté de voyager et « risque de ne pas faciliter les choses ».

« Les gens n’ont pas une mémoire infinie, ils vont revenir », pense Lucinéia Passos, d’un optimisme souriant, malgré la pluie et les chiffres alarmants. Car, comme elle dit, « Il faut vaincre la peur ». Le reste, lui, viendra – éventuellement.

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