Zainab Fasiki, un combat contre la hshouma
RABAT – Mi-projet artistique, mi-initiative éducative, la série de bande dessinée Hshouma, agrémentée d'un site internet, se veut une tentative d'ébrécher les tabous liés au genre, à l'éducation sexuelle, aux violences faites aux femmes.
À travers des dessins accompagnés de courts textes en darija (dialecte marocain) et en anglais, Zainab Fasiki explore les thématiques frappées du sceau de la hshouma (le honteux, le prohibé).
« Depuis mon adolescence, on m'a toujours dit que c'était hshouma de faire telle ou telle chose. Ce mot était très compliqué pour moi. Il m'a toujours freinée. J'ai donc décide de l'utiliser pour combattre les tabous », confie Zainab Fasiki à Middle East Eye.
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Le choix du noir et blanc s'explique par « la neutralité physique de n'importe quelle couleur de peau, mais aussi pour que ce soit facile à lire, même pour les gens qui ont des difficultés à distinguer toutes les couleurs ».
Quant aux pupilles révulsées de ses héroïnes, la dessinatrice explique : « Je dessine souvent les femmes ainsi car ça me rappelle comment la société les traite : comme des statues. Mais aussi parce que ces femmes sont fortes et rien ne peut les arrêter lorsqu'elles veulent faire valoir leurs droits ».
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À 24 ans, cette ingénieure en mécanique garde un souvenir vif de « certaines situations discriminantes vécues aussi bien à l'école que lors de stages, ou à la maison ».
Le dessin « était un moyen d'oublier cela ». « J'ai commencé à dessiner vers l'âge de 4 ans. Vers 16 ans, j'ai appris le dessin digital, par moi-même dans ma chambre », raconte-t-elle.
Depuis quelques années, elle publie ses dessins sur les réseaux sociaux. « Grâce à cela, j'ai reçu plusieurs propositions et invitations à des festivals. C'est là où j'ai décidé de dédier ma carrière à ce que j'aime faire : le dessin et la défense des droits des femmes. »
« Mes dessins concernent ces thématiques car j'en étais toujours victime : harcèlement dans l'espace public, discrimination familiale – vis-à-vis de mes frères – et durant mes études ».
Zainab se remémore la posture de déni dans laquelle s'inscrit son entourage vis-à-vis du harcèlement et des discriminations, ordinaires, minorées, intériorisées par nombre de femmes. « Quand j'ai commencé à parler de ça, tout le monde me disait que ça n'existait pas, alors que c'est du vécu. Le pire, c’est que mes amies aussi. Mes dessins sont là pour confirmer ces formes de violence qui affectent des femmes chaque jour, partout dans le monde. »
« La censure artistique existe partout au Maroc »
- Zainab Fasiki, dessinatrice
Sur les réseaux sociaux, l'accueil fait aux dessins de Zainab Fasiki est mitigé : « Certains apprécient mon travail, d'autres m'insultent tout le temps ». Quant à l'attitude de sa famille vis-à-vis de son travail, « au début, c'était très difficile, mais quand je suis devenue indépendante et qu'ils ont compris l'importance du sujet, ma famille a enfin commencé à me soutenir et à me féliciter », confie-t-elle.
Encore plus difficile était l'édition de son travail, certains imprimeurs ayant parfois détruit les tirages. « Il est difficile de les convaincre d'imprimer des travaux qui comportent de la nudité. De grands magazines et des journaux m'ont contactée pour leur proposer des dessins. Mais quand je livre, ils annulent à cause du contenu. La censure artistique existe partout au Maroc. »
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