Le roi Salmane snobe le président Obama - à la hauteur des reproches de Netanyahou
NEW YORK, Etats-Unis – Le sommet de Barack Obama pour les dirigeants des monarchies pétrolières du Golfe, sur le lieu de villégiature du président américain, avait pour objectif de renforcer une alliance vieille de plusieurs décennies sur fond de craintes qu’un accord sur le nucléaire avec l’Iran ne renforce la position de Téhéran dans la région.
Au lieu de cela, la rencontre de deux jours avec les envoyés du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Camp David et à la Maison blanche, fait ressortir de flagrantes divisions. Absents de tout accord imminent pour accroître l’aide militaire auprès de ses alliés riches en pétrole, les acteurs clé ne se montrent pas.
Le roi Salmane d’Arabie saoudite est un des quatre monarques du Golfe à avoir manqué la séance photo avec Obama. Bien que plus silencieux que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et son dénigrement de l’accord avec l’Iran en mars, la rebuffade saoudienne est largement perçue comme étant toute aussi sérieuse.
« La décision du roi Salmane de ne pas se rendre à Washington est un signal délibéré de son manque de confiance en la politique américaine au Moyen-Orient. Les Saoudiens sont mécontents à propos de l’Iran, la Syrie, l’Irak et du Yémen », a déclaré Bruce Riedel, un ancien officiel de la CIA et du Conseil de sécurité national des Etats-Unis, mardi à Middle East Eye.
« Contrairement à Israël, ils ne veulent pas d’une dispute publique avec l’administration Obama ; ils veulent afficher publiquement leur mécontentement. Il n’y aura pas de réprimande similaire à celle de Netanyahou au président. Ils font passer leurs messages en ne participant pas à la réunion, et non pas par des batailles inconvenantes».
La décision de Bahreïn de ne pas envoyer le roi Hamed ben Issa al-Khalifa à Washington a été influencée par Riyad, a ajouté Riedel. L’absence de dirigeants des Emirats arabes unis et d’Oman est vraisemblablement plus due à leur mauvaise santé plutôt qu’à un rejet diplomatique.
Israël et les Etats du CCG s’inquiètent du fait qu’un accord cadre entre les Etats-Unis, les autres puissances mondiales et l’Iran ne puisse pas suffisamment limiter le travail d’enrichissement d’uranium de Téhéran et que la suppression des sanctions lui accorde plus de fonds pour causer plus de troubles.
Barack Obama pense que le régime d’inspection de l’accord rend la région plus sûre. Les critiques déclarent qu’il confère à l’Iran une apparente respectabilité alors qu’il permet d’accroître les approvisionnements en fonds et en armes au Hezbollah et autres forces musulmanes chiites en Irak, Syrie et au Yémen.
Avant la rencontre, l’envoyé des Emirats arabes unis aux Etats-Unis, Youssef Al Otaiba, a appelé à la mise en place d’une « garantie de sécurité » Etats-Unis-Golfe, pour contrebalancer l’agression iranienne. Cela pourrait signifier plusieurs options, de l’augmentation des ventes d’armes à un bouclier antimissile, voire même un traité de défense similaire à celui de l’OTAN.
Cependant, selon les analystes, les Etas-Unis souhaiteraient s’extirper des enchevêtrements du Moyen-Orient et pivoter vers l’Asie pendant que le CCG gère sa propre sécurité. Ils sont également conscients de la volonté de supériorité militaire d’Israël sur ses voisins arabes.
Le porte-parole de la sécurité à la Maison blanche Ben Rhodes n’a pas mentionné l’idée d’un pacte lorsqu’il s’est exprimé au sujet du sommet lundi. Au lieu de cela il a déclaré attendre « un genre de déclaration émergeant du sommet qui refléterait les positions communes des Etats-Unis et du CCG ».
Derek Chollet, conseiller à la sécurité nationale américaine jusqu’à l’année dernière, a déclaré n’attendre « aucune sorte d’arrangement de type article 5 de l’OTAN » avec les Etats du Golfe, en faisant référence à l’engagement du traité par lequel une attaque sur un Etat membre est considérée comme une attaque contre tous.
Selon le conseiller à la sécurité nationale américaine Colin Kahl, les Etats-Unis ont déjà 35 000 troupes présentes dans le Golfe, une armada navale basée à Bahreïn, des batteries de missiles et des systèmes radars. Au lieu d’une augmentation des ventes d’armes, il a réitéré l’appel lancé de longue date par Washington pour une coopération inter-CCG.
« La capacité de tout pays de la région à se défendre contre des menaces missiles fait pâle figure en comparaison avec la capacité du CCG dans son ensemble, en tant que collectif, à se défendre contre cette menace, si les systèmes étaient mieux intégrés », a-t-il déclaré aux journalistes lundi.
Selon Jon Alterman, un ancien analyste du département d’Etat américain, les Etats-Unis soutiennent les frappes aériennes saoudiennes sur les rebelles yéménites houtis soutenus par l’Iran et dissuaderaient un assaut iranien sur la péninsule arabe. Mais les dirigeants du Golfe s’inquiètent plus des intermédiaires iraniens à Beyrouth, Damas, Bagdad et Sanaa, a-t-il dit.
« Les Etats-Unis ne sont pas sur la même longueur d’onde que leurs alliés du Golfe au sujet du type d’agression iranienne qui déclencherait une réaction américaine, car les Iraniens ont tendance à agir de manière asymétrique et les Etats-Unis sont meilleurs en termes de réponse à des forces militaires conventionnelles », a-t-il déclaré à MEE.
Ces différences d’opinion marquent un point faible de l’alliance stratégique qui a survécu à des décennies de turbulence au Moyen-Orient, a dit Alterman.
« Les Etats du CCG souhaitent obtenir une réassurance de la part des Etats-Unis là où ils sont le moins capables et le moins prêts à la fournir. Ils perçoivent cela comme une tendance d’expansionnisme perse qui date de plusieurs millénaires ; les Etats-Unis ne s’engageront pas dans une bataille éthique ou sectaire sans fin », a-t-il ajouté.
« Même si nous pouvons constater des développements positifs lors du sommet, chacun repartira quelque peu mécontent. »
Pour d’autres, les fondations de l’alliance Etats-Unis – CCG étaient déjà incertaines. Les Etats-Unis épousent les valeurs de liberté et de démocratie alors que les Etats du Golfe sont régulièrement réprimandés pour leurs faibles niveaux de liberté d’expression et leur harcèlement des opposants politiques ainsi que des travailleurs migrants.
En Arabie saoudite, le bloggeur Raif Badawi purge actuellement une peine de prison de dix ans et a reçu les cinquante premiers de ses 1 000 coups de fouet après la prière du vendredi sur une place publique de Djedda au mois de janvier. Son crime : avoir mis en place un forum de débat en ligne. Le groupe de pression Amnesty International l’a qualifié de « prisonnier de conscience ».
« Le président Obama a déclaré que le gros problème pour nos alliés du Golfe n’est pas l’Iran - ce sont les populations de ces pays qui ne se sentent pas inclues dans la société et qui manquent d’opportunités », a déclaré à MEE Tarek Masoud, co-auteur de The Arab Spring: Pathways of Repression and Reform.
« Peu-être que c’est un message qu’il pourrait délivrer à Camp David. »
Traduction de l'anglais (original) par Oriane Divoux.
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