Épiphanie : qui étaient les Rois mages ?
Selon la version occidentale chrétienne de l’histoire de la Nativité, trois hommes venus de terres lointaines, guidés par l’« étoile de Bethléem », traversèrent le désert pour apporter des présents à l’enfant Jésus qui venait de naître.
Les « Rois mages », comme on les appelle aujourd’hui, constituent un élément important de l’iconographie chrétienne et sont toujours évoqués dans les prières.
Ainsi, le douzième jour après Noël, appelé Épiphanie, célèbre leur arrivée à Bethléem et la révélation de l’arrivée du sauveur sous la forme de Jésus.
Cet événement est mentionné dans l’évangile selon Matthieu du Nouveau Testament :
« Jésus naquit à Bethléhem en Judée, à l’époque du roi Hérode. Or, des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et dirent : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?“
“En effet, nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus pour l’adorer.” »
Hérode est ici le tristement célèbre roi de Judée et vassal de Rome de la tradition biblique, qui ordonna l’assassinat de petits garçons nés autour de Bethléem qui avaient rêvé que le messie juif était arrivé.
Si l’historicité du « massacre des Innocents » attribué à Hérode est généralement considérée par les universitaires comme un artifice littéraire, un roi dénommé Hérode exista bel et bien.
Moins de certitudes entourent l’identité des « mages » mentionnés dans la Bible.
Qui étaient les Rois mages ?
En farsi, le mot « mage » provient de maga, qui signifie « être grand, magnanime, libéral, généreux », des vertus dont les célèbres Rois mages semblèrent faire preuve en entreprenant leur voyage vers Bethléem.
Il pourrait également être dérivé du mot latin magice, qui signifie sorcellerie, ou du mot grec magos, qui est également la racine des mots « magie » et « magicien ».
Or les mages de l’Antiquité n’étaient pas considérés comme des alchimistes ou des magiciens, mais comme des hommes de sagesse disposant d’un statut sacerdotal. Il s’agissait probablement d’adeptes de la foi zoroastrienne, rompus à l’art de l’interprétation des rêves.
Hérodote, l’historien grec de l’Antiquité qui vécut plus de 400 ans avant Jésus-Christ, écrit dans ses Histoires que les mages étaient l’une des six tribus originelles des Mèdes, qui vivaient en Médie, un territoire qui couvrait une partie de l’Iran et de la Turquie actuels.
Les mages sont également mentionnés dans l’Ancien Testament, dans le Livre de Daniel, du nom d’un prophète juif qui vécut entre 620 et 538 av. J-C et qui était connu pour ses compétences en matière d’interprétation des rêves.
Daniel fut déporté de Jérusalem à Babylone en 606 av. J-C par le roi babylonien Nabuchodonosor II, qui confia à Daniel la responsabilité de ses astrologues, prêtres et devins, un rôle qu’il conserva après la conquête de la Mésopotamie par le roi perse Darius.
Selon la Bible, Daniel devint le « chef des mages », un terme collectif utilisé pour désigner à la fois la classe sacerdotale zoroastrienne et d’autres « mages ».
C’est ici que selon certains chercheurs, la prophétie d’un « messie juif » devint connue parmi les peuples d’Orient, comme le rapporta Daniel.
L’identité des mages qui rendirent finalement visite à Jésus six siècles plus tard est sujette à débat parmi les chrétiens. Les Églises ne parviennent même pas à s’accorder sur le nombre de mages : les Églises occidentales se contentent de trois, tandis que d’autres traditions suggèrent qu’ils étaient jusqu’à douze.
Les rites occidentaux nomment les mages Balthazar, Melchior et Gaspard, respectivement rois d’Arabie ou d’Éthiopie, de Perse et d’Inde.
Néanmoins, l’absence de documents historiques suggérant l’existence de tels individus a ouvert la porte à des spéculations sur les personnes auxquelles la Bible pourrait faire référence.
Dwight Longenecker, prêtre catholique et auteur, suggère que les mages d’Orient étaient des astrologues et des conseillers de la cour du roi nabatéen de Pétra, dans l’actuelle Jordanie.
Une autre théorie, moins populaire, suggère qu’ils arrivèrent du Yémen, une région où il y avait des mines d’or, mais aussi des espèces de boswellia et de commiphora, les arbres utilisés pour produire de l’encens et de la myrrhe, ce qui expliquerait la nature des présents apportés par ces hommes selon la tradition chrétienne.
Symbolisme et évolution
Au-delà de l’identité des Rois mages, leurs présents ont également une valeur symbolique.
L’or représente la richesse et le pouvoir et est interprété comme un signe du statut divin élevé de Jésus.
L’encens était utilisé dans le culte rituel et représente la divinité, tandis que la myrrhe était utilisée comme analgésique et pour embaumer les morts. Les théoriciens suggèrent que cette dernière symbolise la mortalité et la souffrance, des motifs qui devinrent importants dans la vie ultérieure de Jésus.
Dans son ouvrage The Star of Bethlehem: the Legacy of the Magi, Michael Molnar affirme que l’étoile de Bethléem trouve son origine dans un événement astronomique réel et qu’il s’agissait en fait de Jupiter, apparue sous forme d’étoile du matin.
Ainsi, il situe l’événement de la Nativité au mois d’avril de l’an 6 av. J-C et affirme que le périple des Rois mages dura bien plus que douze jours, s’étalant plutôt sur plusieurs mois.
Au IIe siècle, les mages commencèrent à être appelés « Rois », ce qui pourrait avoir été une manière de dissocier les mages de l’étude des étoiles, considérée comme hérétique dans le christianisme primitif, ou de toute idée fausse les reliant à la sorcellerie ou à la magie, là encore interdites dans la religion.
Les débats sur l’identité et l’existence de ces hommes dont parle la Bible se poursuivent depuis des siècles
Au IVe siècle, un auteur syrien anonyme nomma les Rois mages et les situa dans des royaumes différents : Hormizdah était le roi de Perse, Yazdegerd le roi de Saba et Perozadh le roi de Seba.
Les chrétiens syriaques avaient eux aussi leurs propres noms pour désigner les trois hommes vénérés : Larvandad, Gushnasaph et Hormisdas. Les chrétiens orthodoxes éthiopiens les nommaient Hor, Karsudan et Basanater. Les Arméniens les connaissaient sous les noms de Kagpha, Badadakharida et Badadilma.
Ce n’est qu’au VIe siècle que les Excerpta Latina Barbari – écrits à Alexandrie – nommèrent les trois hommes Bithisarea, Melichior et Gathaspa, des noms qui devinrent plus tard Balthazar, Melchior et Gaspard dans le monde occidental.
Les débats sur l’identité et l’existence de ces hommes dont parle la Bible se poursuivent depuis des siècles et ne semblent pas près de s’achever.
Mais compte tenu de leur présence dans l’une des histoires les plus largement racontées au monde, ils continueront d’intriguer les fidèles chrétiens et les universitaires pendant de nombreuses années.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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