« Divas » : un hommage vibrant aux femmes de l’âge d’or de la chanson arabe
Pour l’occasion, l’Institut du monde arabe à Paris s’est transformé en salle de spectacle. Rideaux de velours rouge, scène surélevée et surtout des voix qui résonnent des haut-parleurs. Ce ne sont pas des voix quelconques. Elles retentissent dans le cœur des amoureux du monde entier, du Caire à Beyrouth, en passant par Alger et Paris.
La Syrienne Asmahan, la Libanaise Fairuz, Warda l’Algérienne et Oum Kalthoum, l’astre égyptien, ont fasciné partout dans le monde. Musiciennes d’exception, actrices et militantes, elles ont contribué à une révolution artistique et politique qui marque encore aujourd’hui l’histoire du monde arabe.
Dans sa nouvelle exposition, « Divas : d’Oum Kalthoum à Dalida », l’Institut du monde arabe interroge les trajectoires personnelles de ces icônes de la musique arabe des années 1940 à 1970, mais également leur influence dans l’histoire politique, sociale et culturelle de la région.
Les pionnières
Avant de rendre hommage à ces femmes, l’exposition redonne leurs lettres de noblesse aux pionnières féministes et intellectuelles arabes des années 1920-1930, qui ont permis l’émergence des grandes divas arabes et révolutionné les arts dans la région.
Oubliées du grand public, ces femmes ont impulsé dans leur société un regard nouveau qui s’est retrouvé dans les arts. Ainsi, l’exposition évoque les parcours de figures féministes arabes telles que les Égyptiennes Hoda Chaararoui ou Ceza Nabaraoui, qui ont toutes deux participé au panarabisme et aux luttes d’indépendance dans un contexte de décolonisation.
Elles sont notamment les auteures de la revue féministe L’Égyptienne, un des premiers périodiques féminins et féministes du pays.
Leur pensée novatrice ouvre la voie à des créatrices précoces dans le Proche-Orient des années 20-30. Ainsi, c’est grâce à l’engagement d’une femme, la réalisatrice et productrice égyptienne Aziza Amir, que le premier film muet égyptien voit le jour en 1927. Intitulé Laila, celui-ci raconte les déboires d’une jeune femme orpheline dans l’Égypte rurale des années 1920, livrant une critique acerbe de la condition féminine.
Cette première partie de l’exposition met également en lumière les premières divas, méconnues pour la plupart du grand public. Mounira al-Mahdiyya, première actrice musulmane d’origine égyptienne à apparaître sur scène, et Badia Masabni, danseuse libano-syrienne et fondatrice de lieux de spectacles fréquentés par la société mondaine du Caire.
Leurs avant-gardisme et modernité inspireront les grandes divas des années 1940-70.
Des divas profondément politiques
Arrivent alors les quatre plus grands monuments de la chanson arabe : Fayrouz, Oum Kalthoum, Warda et Asmahan, auxquelles est consacrée la seconde partie de l’exposition.
Dans une ambiance petit boudoir, lumière feutrée et velours rouge, le spectateur pénètre dans des cabines individuelles qui racontent chacune la vie de ces chanteuses d’exception.
Parmi les pièces les plus touchantes de l’exposition, les robes de scènes d’Oum Kalthoum, les objets personnels de Warda et une création sonore de lettres adressées à Fayrouz par ses fans. Le tout témoigne de la féerie d’un âge d’or perdu, d’une atmosphère glamour et céleste, qui continue à vivre à jamais dans le cœur des mélomanes du monde entier.
Loin de s’en tenir au strass et aux paillettes, ces quatre chanteuses ont activement contribué aux luttes anticoloniales qui secouaient alors les pays de la région.
Ainsi, impossible de ne pas mentionner Warda, farouche militante de l’indépendance algérienne, qui chantait fièrement « Ya habibi ya mujahid » (ô ami, ô combattant), ou encore « Kulluna Djamila » (nous sommes tous Djamila), en hommage à Djamila Bouhired, révolutionnaire algérienne torturée par l’armée française.
Une aura intacte
Les figures des divas exercent toujours la même attraction de nos jours. La dernière partie de l’exposition est consacrée aux créations contemporaines et à leurs hommages aux divas d’hier.
Lamia Ziadé, Shirin Neshat, Nabil Boutros... ces créateurs arabes revendiquent haut et fort l’héritage d’Oum Kalthoum, de Hind Rostom ou d’Asmahan dans leur art.
À la fin, le visiteur est assailli par un parfum de nostalgie. Un pincement au cœur à la vue des clichés de Stéphan Zaubiter, photographe spécialisé dans le cinéma, et notamment cette photo qui montre un homme seul dans un cinéma du Caire en 2010.
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