Coupe du monde 2022 : pour les Pharaons d’Égypte, le Qatar est encore loin
Où sont passés les Pharaons d’Égypte, septuples champions d’Afrique ? Alors que l’écrasante majorité des sélections africaines ont profité du report des éliminatoires de la Coupe du monde 2022 au Qatar de juin à septembre pour disputer deux à trois matchs amicaux, les coéquipiers de Mohamed Salah sont déjà en vacances.
Comment un sélectionneur peut-il s’offrir « le luxe » de faire l’impasse sur une date FIFA (période pendant laquelle les clubs sont obligés de libérer les joueurs pour les sélections nationales, cette année du 31 mai au 15 juin) et ne pas regrouper ses joueurs, quand tous les techniciens déplorent le manque de temps et de fenêtres pour travailler avec leurs joueurs ?
Mieux, l’absence de matchs amicaux peut s’avérer dangereuse pour l’Égypte dans la course à la qualification pour la prochaine Coupe du monde 2022. Sixième au classement mensuel de la FIFA, derrière le Maroc, l’Égypte est pratiquement assurée de ne pas intégrer le top cinq.
Un cercle qui permet à ses membres d’éviter les grosses cylindrées du continent, mais aussi et surtout de recevoir à domicile lors de l’ultime match barrage disputé en aller-retour et qui déterminera les cinq représentants africains au rendez-vous du Qatar 2022.
Surtout que les deux nations qui devancent l’Égypte dans ce classement – le Maroc et l’Algérie – ont fait un carton plein en remportant leurs matchs, alors que la dernière sortie des triples champion d’Afrique consécutivement (2006, 2008 et 2010) remonte au 29 mars, en éliminatoire de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2021 au Cameroun, face au Comores (4-0).
Entre-temps, le sélectionneur des Pharaons, le très expérimenté Hossam al-Badry, dont l’objectif assigné est de qualifier l’Égypte au prochain mondial, avait programmé au moins une rencontre début juin face au Burundi, un match finalement annulé.
Le poids d’une CAN ratée à domicile
En perte de vitesse sur le plan sportif, avec une élimination précoce en 2019, dès les huitièmes de finale de « sa » CAN face à l’Afrique du Sud (0-1), l’Égypte a vu aussi son influence prendre un sacré coup au niveau de la Confédération africaine de football (CAF), instance dont elle accueille le siège au Caire depuis 1957, date de sa création.
La sortie prématurée des coéquipiers de Mohamed Salah du grand rendez-vous continental a plongé la fédération égyptienne de football (EFA) dans la crise.
Le très influent président à l’époque, Hany Abo Rida, alors membre du conseil de la FIFA et du comité exécutif de la CAF, a été obligé de démissionner sur le champ, tout comme l’ensemble des membres de son bureau.
La sortie prématurée des coéquipiers de Mohamed Salah du grand rendez-vous continental a plongé la fédération égyptienne de football (EFA) dans la crise
Une situation qui a poussé la FIFA à installer un comité de normalisation chargé d’organiser des élections. Un processus retardé par la pandémie de COVID-19.
L’instance mondiale n’a d’autre choix que de prolonger le mandat du comité de normalisation jusqu’au 31 juillet, tout en installant cette fois-ci à sa tête l’ex-vice-président de l’EFA et bras droit de Hany Abo Rida, Ahmed Mohamed Megahed Osman.
Entre le véto des autorités égyptiennes quant à un retour d’Abo Rida à l’EFA – même s’il a réussi à sauver son siège au conseil de la FIFA au mois de mars – et la priorité donnée à l’équipe olympique qualifiée pour les prochains jeux de Tokyo (du 23 juillet au 8 août 2021), les Pharaons sont quasi certains d’hériter d’un gros morceau en cas de qualification au match barrage des éliminatoires de la Coupe du monde, au mois de mars 2022.
Interrogé sur la question, un confrère égyptien qui a préféré garder l’anonymat explique à Middle East Eye : « En vérité, c’est un peu la débandade depuis la dernière CAN ici chez nous. Certains ont vendu du vent aux autorités du pays en affirmant qu’en organisant la compétition, l’Égypte avait de grandes chances – pour ne pas dire qu’elle était assurée – de garder une nouvelle fois le trophée sur les bords du Nil.
« Mais lorsque l’équipe a été sortie dès les huitièmes de finale par l’Afrique du Sud, il n’y avait plus personne. Tous ont jeté l’éponge et quitté le navire, on a assisté à une démobilisation générale. »
Ce qui explique peut-être que les Pharaons soient relégués au second plan, loin derrière les deux grands clubs rivaux du Caire, Al Ahly et Zamalek.
Les deux équipes ont animé la dernière finale de la Ligue des champions disputée au mois de novembre 2020 au Caire et remportée par Al Ahly (2-1).
Une rivalité qui justifie aujourd’hui que la priorité soit donnée au championnat alors qu’il reste moins de dix journées à jouer et que la CAF presse les associations membres pour qu’elles transmettent leurs représentants en Ligue des champions et en Coupe de la CAF.
Une absence qui passe mal
Cependant, l’absence des Pharaons, qui va se prolonger jusqu’au mois de septembre, une période charnière et délicate pour les joueurs, tout juste sortis d’une longue période de préparation d’avant-saison avec leur club, ne fait pas que des heureux.
Ahmed Shobair, ex-gardien international d’Al Ahly reconverti en animateur d’une émission sportive très suivie en Égypte, a rapidement dégainé sur son compte Twitter : « Qu’avons-nous gagné de la trêve internationale ? Nous n’avons joué ni en championnat ni à l’international ! L’Algérie a joué trois matchs progressifs dont le dernier avec la Tunisie et la plupart des pays, la même chose. Cependant, nous avons tenté de finir le championnat, mais malheureusement, nous n’avons rien fait. »
Une attaque en règle contre le sélectionneur Hossam al-Badry, à qui de nombreux « Ahlaoui » ne pardonnent pas son « infidélité » après avoir accepté de driver l’autre club cairote, ENPPI, et d’avoir pris la présidence du nouveau club Pyramids FC, dans lequel un cheikh saoudien avait mis beaucoup d’argent avant de se retirer.
Versée dans le groupe F des éliminatoires de la Coupe du monde 2022, en compagnie de l’Angola, du Gabon et de la Libye, l’Égypte, grande favorite de la poule, doit pourtant se méfier.
Interrogé par FIFA.com juste après le tirage au sort, le sélectionneur des Pharaons restait sur ses gardes.
« Chaque équipe a progressé grâce à ses joueurs basés à l’étranger. Je me souviens qu’après avoir remporté la CAN 2010, nous n’avons pas réussi à nous qualifier pour la prochaine édition malgré le fait d’avoir joué contre des soi-disant équipes faibles », analysait Hossam al-Badry, successeur de l’Argentin Héctor Cúper.
« Nous avons actuellement des joueurs de qualité basés en Europe, nous visons donc d’abord à dépasser cette phase de groupes et à atteindre les barrages. Ensuite, nous ferons un pas de plus vers la réalisation de notre rêve de qualification pour la Coupe du monde et pour rendre tous les Égyptiens heureux. »
Même si les trois adversaires de l’Égypte dans le groupe F ont aussi choisi de faire l’impasse sur la dernière date FIFA, beaucoup plus pour des considérations financières – incapacité à trouver un sparring partner (partenaire d’entrainement) ou problèmes logistiques liés à la pandémie –, les Pharaons, mondialistes en Russie en 2018, en quête d’une double participation historique en phase finale de la Coupe du monde en 2022, pourraient payer cash tous ces errements dans les mois à venir.
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