Pelé et le Moyen-Orient : « Un rêve qui se réalisait »
Edson Arantes do Nascimento, plus connu sous le nom de Pelé, s’est éteint jeudi à São Paulo à l’âge de 82 ans.
Légende du football brésilien, celui qui figure parmi les plus grands joueurs de tous les temps était hospitalisé depuis novembre en raison de la progression de son cancer.
Au crépuscule de sa carrière de joueur, au cours de laquelle il a remporté trois Coupes du monde et marqué 1 279 buts selon le décompte officiel [VA1], Pelé est devenu un ambassadeur international du football en voyageant aux quatre coins du monde pour promouvoir le ballon rond. Il a conservé ce rôle tout au long de sa vie et a même occupé le poste de ministre des Sports du Brésil à la fin des années 1990.
Il s’est rendu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord à de nombreuses reprises, notamment dans le Golfe en 1973 et au Liban quelques semaines avant le début de la guerre civile en 1975. Dans tous les pays de la région qu’il a visités, le passage du « Roi » est encore sur toutes les lèvres.
Youssef Berjawi, un journaliste sportif chevronné âgé de 75 ans, se souvient très bien de la visite de Pelé au Liban.
Celui qui venait alors de débuter sa carrière de journaliste sportif raconte à Middle East Eye qu’il a eu la chance d’assister à ce qu’il décrit comme « l’un des événements sportifs historiques les plus importants dont ce petit pays ait été témoin ».
Les tournées de Santos au Moyen-Orient
Pelé n’a jamais joué pour un club européen et a passé la majeure partie de sa carrière à Santos, au Brésil.
Au début des années 1960, son équipe dominait le football sud-américain : Santos a remporté cinq championnats brésiliens consécutifs, la Copa Libertadores à deux reprises deux Coupes intercontinentales en battant les clubs européens du Benfica et l’AC Milan.
Après avoir conquis l’Amérique du Sud, l’équipe a commencé ses tournées mondiales, avec Pelé en tête de gondole.
L’équipe a notamment effectué une tournée dans toute l’Afrique en 1967, avec un passage en Algérie. « O Rei » s’est à nouveau rendu dans le pays du Maghreb en 2014, où il a observé les jeunes étoiles montantes algériennes et prédit que l’équipe nationale créerait la surprise à la Coupe du monde prévu cette année-là. (Les Fennecs ont atteint les huitièmes de finale, où ils ont perdu contre l’Allemagne, future vainqueure de l’édition).
Pelé est également allé en Iran, où il a inscrit un triplé lors d’une victoire de Santos face à l’équipe B d’Iran au stade Azadi de Téhéran le 5 mai 1972.
Le prince héritier iranien de l’époque, Reza Pahlavi, se trouvait parmi les 60 000 spectateurs présents dans le stade récemment inauguré.
En 1973, l’icône brésilienne et son équipe de Santos se sont rendus en Égypte à l’occasion d’un match amical contre Al-Ahly au stade international du Caire.
Pelé a déclaré aux journalistes à l’aéroport du Caire qu’il marquerait deux buts, ce qu’il a fait lors d’une victoire confortable sur le score de 5-0.
« En 1973, nous avons commencé une autre année de voyages », se souvient-il dans son autobiographie. « Nous avons joué dans les pays du golfe Persique. Nous avons joué en Égypte et au Soudan, en Afrique et en Europe. »
Au Soudan, une rencontre a été organisée contre Al-Hilal à Omdourman, tandis qu’au cours de sa visite dans le Golfe, la légende brésilienne a posé le pied à Bahreïn, au Qatar et aux Émirats arabes unis.
Au Qatar, récemment devenu indépendant après une période de domination britannique, Santos a battu l’équipe locale d’Al-Ahli sur le score de 3-0 au stade de Doha, d’une capacité de 2 000 places. Le cadre était alors très éloigné des sites extravagants de la capitale qatarie et de ses environs qui viennent d’accueillir la Coupe du monde.
Une semaine plus tard, l’équipe de Santos, dans laquelle figuraient d’autres champions du monde comme Carlos Alberto, Djalma Santos et Clodoaldo, s’est rendue aux Émirats arabes unis, également devenus indépendants peu de temps auparavant. Santos a battu Al-Nasr 4-1 à Dubaï à l’occasion de la première des nombreuses visites de Pelé aux Émirats.
Au Liban, des moments d’amitié avant la guerre
Après avoir passé 18 ans à Santos, Pelé a raccroché une première fois les crampons en 1974, trois ans après pris sa retraite internationale, mais il n’a pas quitté les terrains pour autant.
En avril 1975, quelques jours avant le début d’une guerre civile de quinze ans, Pelé est arrivé au Liban dans le cadre d’une tournée internationale.
La légende brésilienne a participé à un match amical entre le club de première division libanaise du Nejmeh SC et une sélection de joueurs issus d’universités francophones.
Pelé a commencé le match en tant que gardien de but avant de jouer sur le champ et d’aider le Nejmeh SC à remporter une victoire 2-0.
À l’occasion de sa visite d’une semaine, il a dirigé un entraînement à l’université américaine de Beyrouth.
Quelques jours après son départ, des hommes armés phalangistes ont tué 30 réfugiés palestiniens dans un bus dans le quartier d’Ain El Remmaneh à Beyrouth, lors de ce que l’on appellera plus tard le « samedi noir », à l’origine de la guerre civile qui a dévasté le pays jusqu’en 1990.
Youssef Berjawi raconte que sa visite a provoqué un énorme engouement.
« Plus de 50 000 spectateurs ont assisté au grand match du Nejmeh SC. Pelé n’a joué que 15 minutes au poste de gardien de but, mais quand il est parti, on pouvait entendre le stade scander un seul mot : “PELÉ !”. Alors il est revenu et il a terminé le match », se souvient-il.
« C’était comme un rêve qui se réalisait juste une semaine avant les tristes événements qui ont marqué le début de la guerre civile. »
Pelé engagé par des producteurs turco-américains
Au début de l’année 1975, deux frères turco-américains ont contribué à convaincre Pelé de rechausser les crampons.
Ahmet et Nesuhi Ertegün, dirigeants renommés d’Atlantic Records, ont fondé le New York Cosmos en 1970.
Les deux frères, nés à Istanbul sous l’Empire ottoman, sont arrivés à Washington en 1935 après que leur père, Münir Ertegün, a été nommé ambassadeur de Turquie aux États-Unis.
Après une carrière de producteurs de musique couronnée de succès, ils ont décidé de monter une équipe de football et ambitionnaient de faire signer Pelé.
Après plusieurs tentatives, ils ont fini par attirer Pelé en juin 1975, avec l’aide du secrétaire d’État américain de l’époque, Henry Kissinger.
Sa présence a contribué à révolutionner le football aux États-Unis, qui était jusqu’alors essentiellement pratiqué par des joueurs amateurs.
Pelé a pris sa retraite pour de bon en 1977. Il est toutefois resté un ambassadeur footballistique et commercial majeur jusqu’à sa mort.
Au début de l’année, il a félicité l’équipe féminine d’Arabie saoudite pour sa toute première victoire internationale. Il y a quelques jours, il a également salué le Maroc, devenu la première sélection africaine à se qualifier pour une demi-finale de Coupe du monde.
« Je ne pouvais manquer de féliciter le Maroc pour son incroyable parcours. C’est formidable de voir l’Afrique briller », a-t-il écrit sur Instagram.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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