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La France durcit l’octroi des visas à l’égard du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie

Paris a décidé de diviser par deux le nombre de visas délivrés pour l’Algérie et le Maroc, et de 30 % ceux pour la Tunisie, par rapport à 2020
Entre janvier et juillet 2021, la justice française a ordonné 7 731 obligations de quitter le territoire français à des Algériens et seulement 22 sont repartis chez eux (AFP/Philippe Huguen)

Paris a décidé de durcir les conditions d’obtention des visas à l’égard du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, qui « refusent » de délivrer les laisser-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France, a annoncé mardi le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal.

« C’est une décision drastique, c’est une décision inédite, mais c’est une décision rendue nécessaire par le fait que ces pays n’acceptent pas de reprendre des ressortissants que nous ne souhaitons pas et ne pouvons pas garder en France », a-t-il justifié sur Europe 1, confirmant une information de la radio.

L’attitude de ces pays « freine l’efficacité des reconduites effectives » à la frontière une fois les obligations de quitter le territoire français (OQTF) délivrées, a-t-il déploré. 

« Il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces ; aujourd’hui, on met cette menace à exécution », a-t-il expliqué. 

« Dans le cas de l’Algérie, entre janvier et juillet 2021, la justice française a ordonné 7 731 obligations de quitter le territoire français et seulement 22 sont repartis chez eux, soit à peine plus de 0,2 % », a révélé Europe 1.

La problématique des laisser-passer consulaires

« Et ce constat s’explique notamment par le fait que l’Algérie refuse de délivrer des laissez-passer consulaires, un document sans quoi une expulsion ne peut pas être exécutée. Cette année, sur les 8 000 demandes faites par Paris, seule une vingtaine a été obtenue. Un chiffre qui a fait bondir Emmanuel Macron à plusieurs conseils de défense cet été », poursuit la radio. 

Soulignant les visites sur ce sujet dans ces trois pays du Premier ministre Jean Castex et de membres du gouvernement, dont le ministre de l’Intérieur, ainsi que les réunions avec les ambassadeurs des pays concernés, Gabriel Attal a estimé qu’« à un moment, quand les choses ne bougent pas, nous faisons appliquer les règles ».

Emmanuel Macron, rappelle Le Figaro qui cite un conseiller de l’exécutif, « a en effet décidé de diviser par deux le nombre de visas délivrés pour l’Algérie et le Maroc, et de 30 % pour la Tunisie par rapport à 2020 ».

Sur les six premiers mois de l’année 2020, environ 63 000 visas ont été délivrés pour 96 000 demandes. Sur les six premiers mois de l’année 2021, plus de deux demandes sur trois faites par l’Algérie ont été accordées par la France. « Emmanuel Macron a donc demandé aux services consulaires du Quai d’Orsay de délivrer pour les six prochains mois 31 500 visas maximum, soit une division par deux », précise Europe 1.

« On souhaiterait que la réaction soit davantage de coopération avec la France »

- Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement français

Interrogé sur la durée d’application de cette mesure, temporaire ou pérenne, le porte-parole du gouvernement français a indiqué qu’elle avait été « décidée il y a quelques semaines » et « va être mise à exécution » pour « pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laisser-passer consulaires ».

« On souhaiterait que la réaction soit davantage de coopération avec la France pour qu’on puisse faire appliquer nos règles migratoires », a insisté Gabriel Attal.

Réagissant à cette annonce sur France Inter, le président par intérim du Rassemblement national (RN, extrême droite), Jordan Bardella, a affirmé qu’« on jugera le résultat », déplorant qu’Emmanuel Macron ne soit pas parvenu, comme promis selon lui durant sa campagne en 2017, à « 100 % d’exécution des OQTF ». La candidate du RN à la présidentielle Marine Le Pen doit présenter mardi après-midi son projet de référendum sur l’immigration.

« La France a donc choisi d'appliquer une mesure de rétorsion rendue possible par le code communautaire de Schengen », commente la radio Europe 1. « Alors que l’immigration occupe le devant de la scène politique, le chef de l’État le sait, il n’a plus beaucoup de temps avant la présidentielle. Et s’il veut corriger son bilan migratoire, il n’a pas d’autres choix que de prendre des décisions radicales. » 

Le Maroc a pour sa part regretté la décision de la France. « Nous avons pris acte de cette décision, nous la considérons comme injustifiée », a déclaré le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, lors d’une conférence de presse avec son homologue mauritanien, Ismaël Ould Cheikh Ahmed.

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