La conseillère en communication de Jean Castex travaillait à embellir l’image de MBS en France
Encore une fois, la solidité des relations entre le régime saoudien et l’establishment français se confirme. Selon le site d’investigation Mediapart, « l’actuelle conseillère communication du Premier ministre Jean Castex, Mayada Boulos, a mené une opération de lobbying pour l’Arabie saoudite lorsqu’elle travaillait au sein du pôle ‘’influence’’ de l’agence Havas, de 2016 jusqu’à son recrutement à Matignon à l’été 2020 ».
Mayada Boulos, 39 ans, fille d’un journaliste et écrivain communiste égyptien ayant dû s’exiler en Irak puis en France avant de revenir dans son pays avec sa famille, a été le numéro deux de la célèbre agence Havas, dont le contrat portait sur « le développement du site touristique d’al-‘Ula, au nord-ouest de l’Arabie saoudite », selon les déclarations de la conseillère com’ de Castex à Mediapart.
« Il s’agissait de faire connaître un site historique et culturel, ses monuments et les activités – notamment la découverte du désert et la création à venir d’un musée – que la région pouvait offrir aux touristes étrangers dans le futur », a-t-elle expliqué, en ajoutant que les « sujets diplomatiques ou régaliens ne faisaient pas partie de la mission [qui lui avait été confiée] ».
Havas assume
Mediapart assure que Mayada Boulos a « démarché plusieurs personnalités françaises, y compris politiques, pour qu’elles soutiennent le projet. La communicante explique par ailleurs que ‘’le client mandatant Havas n’était pas l’État d’Arabie saoudite’’ mais la fondation Misk, créée en 2011 par [le prince héritier] Mohammed ben Salmane en personne dans sa stratégie d’influence à l’international ».
Mayada Boulos a déclaré à Mediapart « prendre soin », en tant que conseillère en communication du Premier ministre, « de ne pas traiter de sujets qui ont fait l’objet d’une mission dans le cadre de [ses] fonctions chez Havas ».
« À l’inverse, le Premier ministre n’a visiblement pas trouvé problématique de recruter pour sa communication une conseillère ayant participé à blanchir l’image de la dictature wahhabite », commente Mediapart.
Le site d’investigation estime que « l’engagement aux côtés du régime saoudien a toujours été assumé chez Havas », citant une déclaration du vice-président de l’agence, Stéphane Fouks : « L’affaire [du journaliste assassiné Jamal] Khashoggi ne remet pas en cause notre contrat avec l’Arabie saoudite. La politique de la chaise vide n’a jamais été la nôtre. Nous préférons être du côté des réformateurs et faire des choses utiles. »
Les belles affaires saoudiennes des géants de la communication
Mediapart cite d’autres acteurs du secteur parisien de la communication adhérant au même « pragmatisme ». Par exemple, le géant de la communication Publicis a signé plusieurs contrats avec Riyad, sans que cela gêne sa première actionnaire, la philosophe Élisabeth Badinter, si prompte à dénoncer « l’islamisme politique ».
« Durant deux ans, Publicis a ainsi organisé des rencontres dans des palaces parisiens entre des journalistes et le ministre des Affaires étrangères, Adel al-Joubeir, ou le porte-parole de la coalition au Yémen, Ahmed al-Asiri. Ou encore relayé des communiqués de la diplomatie saoudienne sur l’embargo contre le Qatar, la guerre au Yémen ou les ventes d’armes а destination de Riyad », dévoilait en 2018 le magazine Challenges.
Citons encore l’agence Image 7, d’Anne Méaux, ancienne conseillère de François Fillon pendant la présidentielle, à qui l’Arabie saoudite a fait appel. Ou encore la société Steele & Holt, qui œuvrera à l’amélioration de l’image du royaume en France, société dirigée par Sylvain Fort avant son départ pour l’Élysée de 2017 à janvier 2019.
Interrogé le 1er mars par Russia Today France, Benoît Muracciole, vice-président de l’ONG Action sécurité éthique républicaine, a déclaré que « les Saoudiens avaient payé les agences Publicis et Havas pour éviter que l’on parle en mal de ce qui se passe au Yémen ».
Les accointances Havas-MBS ne sont pas récentes. Il faudrait rappeler ici la biographie du prince héritier, signée en 2018 par la célèbre journaliste Christine Ockrent… une des dirigeantes de Havas !
Pour Mediapart, « au-delà de la question de l’influence saoudienne, la situation de Mayada Boulos fixe une nouvelle fois l’attention sur le rôle des communicants de l’ombre, qui défendent des intérêts privés ou de puissances étrangères un jour, avant de basculer le lendemain du côté de la puissance publique ».
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