Hijab sur les terrains de foot : la classe politique française s’empare de la polémique
L’éventuelle autorisation pour des footballeuses de porter le hijab sur le terrain en France, défendue lundi devant le Conseil d’État par le rapporteur public, a été vivement critiquée mardi par la droite et l’extrême droite qui ont appelé, comme la majorité présidentielle, à légiférer si nécessaire.
Le collectif des Hijabeuses a contesté lundi devant la justice administrative l’article 1 du règlement de la Fédération française de Football (FFF) interdisant « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».
Traduction : « Le sport doit être accessible et inclusif pour chacun d’entre nous. Pour que cela inclue également les athlètes féminines musulmanes, la @FFF doit changer ses politiques pour prévenir les abus, la discrimination et l’exclusion. »
Pendant l’audience, le rapporteur public, qui dit le droit et dont l’avis est généralement suivi, est allé dans leur sens, en émettant un bémol pour le cas de la sélection nationale. Il a recommandé l’annulation de cet article et demandé que la FFF modifie son règlement.
Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, rendra sa décision d’ici trois semaines.
Mais le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est dit « très opposé » à ce qu’il donne raison au collectif. Il a dénoncé « les associations communautaristes », qui veulent donner « un coup de boutoir contre la République ». « On n’a pas à porter des vêtements religieux quand on fait du sport. »
« Le conseil d’État est une instance extrêmement sage. J’espère profondément pour la République qu’ils garderont la neutralité sur les terrains de sport », a-t-il conclu.
Mardi matin, le côté droit de l’échiquier politique appelait à légiférer sur la question.
« Le hijab dans le sport, c’est non ! Et nous ferons une loi pour faire respecter ça », a tweeté la présidente des députés Rassemblement national (RN, extrême droite) à l’Assemblée, Marine Le Pen.
« Il faut la naïveté d’un rapporteur au Conseil d’État pour écrire qu’il n’y a ‘’pas de prosélytisme, qu’il n’y a pas de provocation’’ dans le port du voile pour jouer au foot », s’est indigné le patron des députés Les Républicains (LR, droite), Olivier Marleix. Il a regretté que l’instance administrative soit selon lui « fidèle à ce qui a été son attitude en 1989 », quand la question du port du foulard à l’école s’était imposée dans le débat public.
« Il a fallu que le législateur y vienne », a-t-il rappelé à propos de la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires.
« Autoriser le port du hijab dans le sport serait une véritable régression pour le droit des femmes et une soumission honteuse à l’islamisme », a renchéri le président de LR, Éric Ciotti, annonçant le dépôt d’une proposition de loi si le Conseil d’État devait suivre l’avis du rapporteur public.
« Halte à l’entrisme des islamistes », a abondé l’ancienne candidate LR à la présidentielle Valérie Pécresse.
« Polémique estivale »
Interrogée lundi après l’audience, Founé Diawara, présidente du collectif de femmes musulmanes Les Hijabeuses, avait regretté qu’il existe « des femmes qui, chaque week-end, sont exclues des terrains parce qu’elles portent un voile ». « Tout ce qu’on veut, c’est jouer au football », avait-elle argumenté.
Avec le règlement actuel de la FFF, qui a le « monopole » sur l’organisation des matchs, a noté le rapporteur public, les joueuses portant le voile sont de facto « exclues » et doivent « renoncer à toute compétition et toute carrière ».
La FIFA autorise depuis 2014 les joueuses à évoluer en compétition internationale avec leur voile.
Pour le député de la majorité présidentielle Karl Olive, il faudra légiférer si le Conseil d’État suivait l’avis du rapporteur public. « S’il le fallait, je proposerais une loi pour que le principe de neutralité absolue prévale dans ce pays », a-t-il dit.
Des prises de position balayées par le coordinateur politique de La France Insoumise (LFI, gauche radicale), Manuel Bompard, pour qui « tout va être bon pour essayer de déclencher une polémique estivale ».
« Il y a des gens qui en ont assez d’être en permanence stigmatisés parce qu’ils veulent pouvoir pratiquer leur religion dans le respect de la loi », a-t-il déclaré.
Gérald Darmanin « pointe les musulmans du doigt » et se fait « le ministre de Marine Le Pen », a dénoncé la cheffe des députés LFI Mathilde Panot.
Par Lucile Malandain.
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