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Entre l’annonce d’une « guerre ethnique » et la dénonciation d’un crime « arabophobe », la France plus que jamais fracturée

Les réactions de l’extrême droite et de l’extrême gauche françaises au sujet de deux récents faits divers montrent combien les lignes de fracture sont profondes dans le pays
« Ce racisme anti-blanc, personne n’en parle dans la classe politique, c’est tabou », a déclaré Marion Maréchal sur BFMTV (AFP/Thomas Samson)
« Ce racisme anti-blanc, personne n’en parle dans la classe politique, c’est tabou », a déclaré Marion Maréchal sur BFMTV (AFP/Thomas Samson)
Par MEE

« Délire xénophobe », « À vomir », « Récupération ». Les derniers propos de Marion Maréchal, tête de liste du parti d’extrême droite Reconquête ! pour les Européennes de juin, ont choqué de nombreux internautes.

Mercredi 22 novembre, la vice-présidente du parti fondé par Éric Zemmour se trouvait sur le plateau de BFMTV. Invitée pour commenter l’actualité, elle s’est longuement exprimée sur le meurtre de Crépol, dans la Drôme (sud de la France). Dans la nuit du 18 au 19 novembre, Thomas, un lycéen de 16 ans, a été tué de plusieurs coups de couteau lors d’un bal communal.

« Ce racisme anti-blanc, personne n’en parle dans la classe politique, c’est tabou. Derrière ce phénomène, moi je le vois et je le redis fermement, ce qui m’inquiète, c’est que je vois aujourd’hui les prémices d’une guerre ethnique se mettre place, qui sont les prémices d’une guerre civile », a déclaré Marion Maréchal.

« Je ne la souhaite pas, je souhaite justement l’empêcher et je vous le dis aujourd’hui : si nous ne traitons pas ce sujet au-delà de la simple question policière, sous l’angle judiciaire mais aussi sous l’angle migratoire, nous verrons le cas de Crépol se multiplier par 100 dans les années à venir », a-t-elle ajouté.

L’utilisation de l’expression « guerre ethnique », tout comme le clin d’œil adressé par l’un des animateurs, Olivier Truchot, à Marion Maréchal, a provoqué des posts ulcérés sur X.

Olivier Dartigolles, ex-porte-parole du Parti communiste français (PCF), tout en reconnaissant « des tensions dangereuses, du communautarisme », a critiqué ce jeudi sur une chaîne concurrente, CNEWS, l’emploi du terme « guerre ethnique ».

« Vous savez ce que c’est une guerre ethnique ? C’est la Bosnie, le Rwanda », a-t-il rappelé en évoquant deux terribles conflits civils, le premier ayant fait près de 100 000 morts, et le second 800 000 morts dont un grand nombre de femmes et d’enfants.

De manière générale, l’extrême droite s’est rapidement saisie de la mort de l’adolescent.

Très actif sur les réseaux sociaux à défaut d’avoir des élus au Parlement, Éric Zemmour a affirmé voir dans ce drame l’expression d’un « djihad du quotidien » et d’un « racisme anti-blancs qui frappe jusque dans nos campagnes ».

Avant même que ne soient connus l’identité et le profil des agresseurs, l’extrême droite a ainsi tenté d’associer insécurité et immigration, en plein examen parlementaire en France d’un projet de loi visant notamment à faciliter l’expulsion d’étrangers sans-papiers.

« On assiste à une attaque organisée, émanant d’un certain nombre de banlieues criminogènes dans lesquelles se trouvent des milices armées qui opèrent des razzias », a de son côté dénoncé Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national (extrême droite), premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale.

Racisme et islamophobie

La gauche est de son côté restée plus discrète, préférant dénoncer l’agression au cutter vendredi 17 novembre, près de Paris, d’un jardinier d’origine maghrébine par un riverain septuagénaire qui avait auparavant proféré des insultes racistes à son encontre.

Chef de file du parti de la gauche radicale La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon a condamné une « ignoble tentative d’égorgement arabophobe », tandis que plusieurs députés de sa formation dénonçaient une agression « raciste ». L’auteur des faits a été remis en liberté sous contrôle judiciaire et sera jugé en 2024.

Au Parlement, Louis Boyard, député LFI du Val-de-Marne, qui rapporte avoir parlé au téléphone avec la victime, résident de Villecresnes, sa circonscription, a raconté aux députés ce que le jardinier lui avait dit. « Cela fait trois jours que j’ai subi un crime raciste et que personne ne parle de moi. Mais si jamais moi, Mourad, j’avais été l’agresseur, alors BFMTV et CNEWS auraient déjà été en bas de ma maison. »

« Qu’est-ce que cela dit de l’ambiance qui règne actuellement dans notre pays ? », s’est interrogé Louis Boyard en interpellant le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.  

« Il ne se passe pas une journée sans que [dans] les débats télévisés, il ne soit sous-entendu qu’il y aurait trop de musulmans dans notre pays ou qu’ils seraient incompatibles avec la République. Il ne se passe pas une année sans que vos lois sur l’immigration stigmatisent les personnes noires et arabes et les rendent responsables de tous les problèmes dans notre pays. »

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