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Jared Kushner au Maroc : les détails du premier vol entre Tel Aviv et Rabat

Défense, agriculture, tourisme : Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, va inaugurer mardi le premier vol direct entre Israël et le Maroc et asseoir la coopération dans plusieurs secteurs
Le conseiller présidentiel américain Jared Kushner, le conseiller américain à la sécurité nationale Robert O’Brien (à droite) et le chef du Conseil de sécurité nationale d’Israël Meir Ben-Shabbat, à bord d’un avion El Al qui transporte une délégation américano-israélienne aux Émirats arabes unis à la suite d’un accord de normalisation (AFP)
Le conseiller présidentiel américain Jared Kushner, le conseiller américain à la sécurité nationale Robert O’Brien (à droite) et le chef du Conseil de sécurité nationale d’Israël Meir Ben-Shabbat, à bord d’un avion El Al transportant une délégation américano-israélienne aux Émirats arabes unis à la suite d’un accord de normalisation (AFP)

C’est à bord d’un vol de la compagnie aérienne El Al que Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, accompagné d’une délégation israélienne et américaine, doit arriver mardi à Rabat pour le premier vol direct entre Israël et le Maroc. 

Selon The Jerusalem Post, ce vol spécial sera décoré d’une main de Fatma, des drapeaux israélien, marocain et américain et du mot « paix » écrit en anglais,  arabe et hébreu. 

Jared Kushner sera accompagné, en tout logique, par son assistant, Avi Berkowitz, envoyé spécial américain au Moyen-Orient, qui a déjà exprimé sur Twitter son enthousiasme à l’idée de « faire partie du premier vol commercial direct d’Israël au Maroc ».

Il devrait aussi y avoir à bord Adam Boehler, chef de la Société américaine de financement du développement international, ainsi que Meir Ben-Shahhat, conseiller israélien à la sécurité nationale. Ce dernier était déjà présent dans l’avion reliant Tel Aviv et Abou Dabi après l’accord de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis et menait la première délégation israélienne à Bahreïn.

« Meir Ben-Shahhat est une sorte de métaministre, en charge à la fois de la défense et des services de sécurité, qui est là pour dire au Maroc qu’il y aura des échanges en matière de renseignement et pour l’industrie de défense », explique à Middle East Eye Akram Kharief, spécialiste des questions de défense et animateur du site Menadefense.

« Quant aux rumeurs de base israélienne au Maroc, ce n’est absolument pas crédible. Ce n’est pas dans la tradition israélienne d’installer des bases à l’étranger, surtout pas dans un pays comme le Maroc, qui ne représente pas une priorité géopolitique. Israël n’a pas non plus les moyens humains de se projeter sur une telle base. En revanche, on peut imaginer que le bureau du Mossad [renseignements israéliens] au Maroc, qui n’a jamais fermé, soit renforcé par une station d’écoute, par exemple. »

Un marché pour les compagnies aériennes

Après l’annonce de la normalisation des relations entre les deux pays, jeudi 10 décembre, plutôt axée sur le volet politico-diplomatique – avec la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et la réouverture de deux bureaux diplomatiques à Tel Aviv et Rabat –, voici venu le temps des accords économiques. Ou plus exactement, du renforcement de la coopération économique, les échanges entre Israël et le Maroc se chiffrant déjà à plusieurs dizaines de millions de dollars par an. 

Même si les officiels marocains ont parfois démenti tout lien commercial avec Israël, le Bureau central des statistiques israélien est formel : sur les 22 partenaires commerciaux africains d’Israël, le Maroc figure parmi les quatre premiers pays en matière d’importations, et au neuvième rang des exportations.

Le premier investissement étranger déclaré d’Israël dans le monde arabe est le géant israélien de la technologie agricole Netafim. Ce dernier a créé une filiale pour 2,9 millions de dollars au Maroc, créant ainsi dix-sept emplois, selon fDi Markets, un service de données du Financial Times qui surveille les investissements de création transfrontaliers dans le monde entier depuis 2003. L’investissement de création désigne une entreprise établissant ses opérations dans un pays étranger à partir de zéro.

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Moulay Hafid Elalamy, le ministre marocain de l’Industrie et du Commerce, a récemment déclaré avoir reçu des appels de plus grands opérateurs israéliens de renom souhaitant venir en prospection au Maroc. « Nous avons des axes économiques forts à développer avec Israël, qui dispose d’un vrai savoir-faire. Nous avons des complémentarités à faire valoir », a-il ajouté. 

Une chambre de commerce Israël-Maroc serait en projet, avec une réunion annoncée le 25 décembre pour réunir quinze personnalités du monde des affaires.

Le marché marocain met en tout cas déjà en appétit les compagnies aériennes.

Le site israélien Globes rapporte que la compagnie El Al prévoit ainsi d’exploiter « au moins un vol quotidien » entre Tel Aviv et Casablanca. 

Le média, spécialisé dans les finances, révèle qu’en 2019, Gonen Ussishkin, le directeur général d’El Al, s’était rendu au Maroc pour rencontrer des responsables de la RAM (compagnie nationale marocaine) pour mettre en place des vols directs. 

Près de 200 000 touristes israéliens par an

Israir, une autre compagnie aérienne israélienne, aurait, toujours selon Globes, aussi tenté à l’époque de lancer des liaisons aériennes et des séjours organisés à Marrakech. Dans le cas d’El Al comme dans celui d’Israir, les propositions n’avaient pas abouti. 

Selon les estimations du PDG d’Israir, il y aurait en 2021 quelque 150 000 touristes israéliens potentiels au Maroc. Un marché qui tenterait aussi la compagnie aérienne Arkia Airlines. Avant la pandémie, le royaume accueillait chaque année entre 50 000 et 70 000 touristes juifs, pour la plupart en provenance indirecte d’Israël. 

La ministre marocaine du Tourisme, Nadia Fettah Aloui, a récemment affirmé dans un entretien au média israélien Kan 11 que le Maroc était prêt à recevoir 200 000 touristes israéliens par an. Interpellée sur l’accès au Sahara occidental, la responsable a parlé de Dakhla, ville du territoire contesté, comme d’un « endroit magnifique à visiter ».

Les médias israéliens et marocains soulignent que la coopération bilatérale entre les deux pays devrait aussi porter sur l’aéronautique, les biotechnologies et l’agriculture, où, comme le souligne Tel Quel, l’expérience israélienne dans l’exportation du cannabis pourrait être « inspirante ». 

« Si le cannabis à usage médical est autorisé depuis vingt ans, et à usage récréatif depuis 2019, Israël a commencé depuis cette année à exporter la plante. Israël compte déjà une dizaine d’exploitations agricoles dédiées, cinq usines de transformation, et les producteurs locaux commencent à exporter, principalement à destination du Canada. Selon les médias israéliens, le marché de ce produit pèserait plus de 300 millions de dollars. Quelques mois seulement après la légalisation de ce business, les entreprises israéliennes réussissent déjà à attirer des investisseurs étrangers. »

« Les produits chimiques et mécaniques, ainsi que les appareils électroniques et engins dédiés au secteur agricole, sont en tête des exportations des entreprises israéliennes vers le Maroc », rappelle Israel Valley, le site économique officiel de la chambre de commerce France Israël. « Dans la finance, les banques Leoumi et Hapoalim ont mis en place des passerelles pour les opérations d’import-export entre le Maroc et Israël, via des conventions avec plusieurs institutions financières marocaines. »

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