NSO a offert des « mallettes de billets » pour accéder au réseau mobile américain
La société israélienne NSO Group, entreprise au cœur d’un scandale d’espionnage mondial, a proposé aux représentants d’une société de sécurité mobile américaine des « mallettes de billets » en échange d’un accès au réseau de téléphonie mobile, a rapporté le Washington Post mardi, citant les révélations d’un lanceur d’alerte au département de la Justice.
Gary Miller, expert en sécurité mobile, prétend dans des révélations au département de la Justice que NSO a formulé cette offre lors d’un appel avec son employeur de l’époque, Mobileum, une société fournissant des services de sécurité aux sociétés de téléphonie mobile.
Les représentants de NSO cherchaient plus spécialement à avoir accès au réseau SS7, qui aide les sociétés de téléphonie mobile à acheminer les appels et services lorsque leurs utilisateurs parcourent le monde.
« NSO Group s’intéressait particulièrement aux réseaux de téléphonie mobile », indique Miller, ancien vice-président de Mobileum qui travaille désormais en tant que chercheur en sécurité mobile pour Citizen Lab, un farouche détracteur de NSO.
« Ils [les représentants] ont explicitement déclaré que leur produit était conçu pour la surveillance et pour surveiller non pas les gentils mais les méchants. »
Selon le récit de Miller, qui date de 2017, lorsque l’un des représentants de Mobileum a demandé comment fonctionnerait un tel arrangement, NSO aurait répondu : « On dépose des mallettes de billets dans vos bureaux. »
Dans un communiqué, NSO assure « ne jamais avoir fait affaire » avec Mobileum et que l’entreprise « ne fait pas des affaires en utilisant de l’argent liquide comme moyen de paiement ».
Le directeur général de Mobileum Bobby Srinivasan a lui aussi publié un communiqué affirmant que « Mobileum n’a pas – et n’a jamais eu – de relation d’affaires avec NSO Group ».
Des activités qui semblent « vraiment louches »
Par ailleurs, le Washington Post signale que le département de la Justice mène une enquête judiciaire sur NSO par rapport aux allégations selon lesquelles ses clients ont illégalement piraté des téléphones, citant quatre personnes au fait de l’enquête. NSO dit ne pas « être au courant d’une quelconque enquête du département américain de la Justice ».
Selon les sources, l’enquête concerne des allégations d’intrusions non autorisées dans les réseaux et appareils mobiles aux États-Unis à l’aide des technologies de NSO comme Pegasus.
Le département américain de la Justice a décliné les sollicitations du journal.
En début de semaine, un article d’investigation du New York Times indiquait que le logiciel Pegasus de NSO avait été un élément clé de la diplomatie israélienne.
NSO a été impliqué dans de nombreux scandales ces dernières années. Un déluge de critiques internationales s’est abattu sur le groupe après l’annonce selon laquelle son logiciel a été utilisé contre des dissidents politiques, des activistes et des journalistes à travers le monde.
La société affirme que son logiciel Pegasus aide à combattre le crime, mais des enquêteurs l’ont découvert sur les téléphones de journalistes et de dissidents. Elle est actuellement poursuivie en justice par le service de messagerie WhatsApp, ainsi que par le géant de la tech Apple, pour l’utilisation de son logiciel espion.
En novembre, le département américain du Commerce a placé NSO sur une liste des sociétés étrangères aux cyberactivités malveillantes, interdisant aux sociétés américaines de travailler avec elle et privant la société israélienne d’accès à d’importantes technologies américaines tels que les ordinateurs et téléphones.
Par ailleurs, le FBI a longuement interrogé un citoyen américain l’année dernière à propos d’un piratage par Pegasus, a confié une source au Post. Ce piratage présumé s’est produit alors que cette personne voyageait à l’étranger utilisant un téléphone avec une puce étrangère.
Le New York Times a rapporté que le FBI avait acquis le logiciel espion Pegasus et que NSO prévoyait d’offrir à l’agence américaine un nouveau logiciel espion, jamais vu auparavant, baptisé Phantom. Mais l’agence américaine a finalement décidé de ne pas utiliser le logiciel.
Selon le New York Times, NSO prévoyait d’offrir au FBI un nouveau logiciel espion baptisé Phantom. Mais l’agence américaine a finalement décidé de ne pas utiliser le logiciel
L’année dernière, Miller a partagé son témoignage avec Ted Lieu, membre du Congrès américain qui s’intéresse depuis longtemps à la sécurité mobile. Celui-ci a partagé des copies comprenant les révélations de Miller avec Forbidden Stories, une organisation journalistique à but non lucratif basée à Paris, qui les a partagées avec le Pegasus Project, un consortium de journalistes du monde entier enquêtant sur NSO.
« Un tel accès permettrait à NSO d’espionner de nombreux téléphones portables aux États-Unis et à l’étranger », a indiqué Ted Lieu dans sa saisine du département de la Justice.
Ce membre du congrès a également déclaré au Washington Post que les activités de NSO semblent « vraiment louches, cela ne sent pas bon et c’est pourquoi je veux que le département de la Justice enquête ».
Le département de la Justice a également décliné les sollicitations du journal quant à la plainte déposée par Ted Lieu.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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