EN IMAGES : En Tunisie, une exposition sur les beys husseinites parcourt plus de deux siècles d’histoire
Les armoiries husseinites. Dans cette alcôve, sont exposées les armoiries husseinites d’époque beylicale datant de 1860 (à droite), une paire de pistolets de cavalerie en argent et un cimeterre d’apparat ottoman portant une inscription dorée datant de 1814 (à gauche).
De 1574 à 1590, la Tunisie était une province turque administrée par un pacha, désigné par le sultan d’Istanbul.
Mais c’est Hussein Ben Ali Bey, le chef des janissaires (élite de l’infanterie de l’armée ottomane), qui a fondé en 1705 la dynastie qui portera son nom durant deux siècles et demi. Il est tué en mai 1740 par son neveu après un long conflit pour le pouvoir.
Après des épisodes sanglants pour l’accession au trône, la règle de succession dans la dynastie husseinite a été établie au XIXe siècle : elle consistait à faire monter sur le trône le doyen de la famille, quel que soit son degré de parenté avec le bey défunt.
Le régime beylical en Tunisie a été instauré en 1705 et a pris fin le 25 juillet 1957, date à laquelle la République tunisienne a été proclamée.
C’est Hammouda Pacha Bey qui a eu le plus long règne : il est resté 32 ans au pouvoir, de 1782 à 1814. Le plus court est celui d’Othman Bey, qui n’a duré que trois mois (15 septembre 1814-20 décembre 1814).
(Photos : MEE/Ahlem Mimouna)
Le palais Ksar Saïd. Sous le règne des beys husseinites, la ville de Tunis a vu la construction de plusieurs résidences beylicales, qui représentent jusqu’à nos jours un riche patrimoine architectural.
On peut citer le palais du Bardo (siège du Parlement actuel), le palais de la Rose, devenu musée militaire, le palais Essaâda à la Marsa, devenu siège de la municipalité de la ville, ou encore le palais Ksar Saïd, la dernière résidence qu’ont occupée les beys. Il est situé à deux ruelles du palais du Bardo.
Le palais était la propriété du ministre Ismail Sunni, portant le nom de Saniet el-Bortal. Accusé de complot, le ministre a été tué sans jamais y habiter.
Le palais a ensuite été exproprié par Mohamed Sadok Bey (1859-1882), qui changera son nom en Ksar Saïd (palais bienheureux). Depuis, le château a connu d’importantes transformations, avec l’ajout d’un luxueux étage comportant les appartements du roi et une cour d’honneur à péristyle.
Côté architecture, l’influence européenne est très présente, conjuguée à l’influence ottomane, avec un mélange d’éléments architecturaux répondant aux normes locales, donnant ainsi une œuvre architecturale qui éblouissait les hôtes du palais à l’époque.
Les murs sont revêtus en totalité de carreaux de céramique importés essentiellement d’Italie et de France. Les arcades reposent sur des colonnes en marbre blanc de Carrare, importé d’Italie aussi. Le plafond est recouvert d’une toile marouflée aux motifs végétaux et de moulures, rehaussé par endroits par des feuilles d’or, tout en portant les armoiries beylicales.
Le patio à péristyle forme un vaste salon central à l’étage, entouré des appartements. Aujourd’hui, le patio est une salle où se tiennent différents événements, tels que des conférences ou des cérémonies de mariage.
La berline à sept glaces. À l’entrée, au rez-de-chaussée, un hall donne sur la driba (vestibule), avec ses colonnes marbrées et ses voûtes, et dessert de part et d’autre des couloirs transversaux donnant aux appartements et à un large escalier.
Actuellement, sous la driba, est exposée « l’Opale », voiture d’apparat offerte en 1845 par le roi de France Louis-Philippe (1830-1848) au bey de Tunis Ahmed Bey Ier (1835-1855). Il s’agit d’une « berline à sept glaces » (la glace étant le nom donné à l’époque aux vitres d’un carrosse).
Le palais était entouré de quatorze hectares de jardins, plantés d’arbres fruitiers et décorés de fontaines. Aujourd’hui, des bâtiments et des constructions entourent le palais, dont la Chambre des conseillers.
Le palais a été le théâtre d’importants événements, comme la signature du traité du Bardo, le 12 mai 1881, imposé à Sadok Bey, établissant le protectorat français sur la régence de Tunis.
La palais a été transformé en hôpital en 1947, puis a été cédé au ministère de la Culture en 1981. Après plusieurs années de restauration, le palais a été officiellement ouvert au public en 2019 et rebaptisé « palais des Lettres et des Arts ».
Le trône et le costume officiel. Le musée expose principalement le trône originel du bey et une mise en scène de l’autorité suprême du bey souverain.
Le trône d’apparat comprend un gradin, qui surélève le bey titulaire de l’autorité, et un dais recouvert d’une tenture fixée au-dessus du siège et du marchepied.
À droite, on découvre l’uniforme d’apparat du bey, avec les décorations husseinites auxquelles s’ajoutent diverses décorations étrangères.
Des uniformes pour chaque occasion. L’uniforme du bey régnant, appelé el-kisbet el-kbar, est porté lors des cérémonies religieuses (Aïd) et officielles. Il est composé d’une longue tunique avec col officier, en drap noir agrémenté de motifs végétaux, un pantalon garance rouge, avec liseré doré et sabre recourbé à la poitrine.
On y trouve aussi les tenues du bey au quotidien (à droite) et celles portées l’été (au milieu).
Le baisemain. La cérémonie du baisemain renvoie à une vieille coutume, qui selon le décret du 20 juin 1860, était réservée au seul souverain. Ce protocole, marque d’hommage et symbole essentiel d’allégeance, varie selon la position sociale des sujets, qui n’y sont d’ailleurs pas tous soumis.
Les membres de la famille beylicale, les ministres ainsi que les membres du charaâ (équivalent du ministère de la Justice qui ne concerne que les musulmans pendant l’époque beylicale et le protectorat français) ne sont pas astreints au baisemain. Les consuls étrangers et les Français ne sont pas non plus obligés de montrer leur allégeance par un baisemain lors des audiences à la cour : ils s’inclinent devant le bey et lui serrent simplement la main.
Cette tradition a été annulée par Moncef Bey mais vite restaurée par Lamine Bey, son successeur.
Sur la photo, un cérémonial du baisemain à Mohamed Hedi Pacha Bey, dans Le Petit Journal, supplément illustré numéro 713 (17 juillet 1904).
Les médailles. Un pavillon réservé aux principales réalisations des beys husseinites expose le décret de fondation du collège Sadiki, premier collège moderne de Tunisie, en 1875, le décret d’abolition de l’esclavage le 23 janvier 1846, le premier numéro du Journal officiel tunisien en deux langues (arabe et français) du 23 juillet 1860.
On y découvre aussi des photos anciennes des principales réalisations architecturales, telles que l’hôtel de la Monnaie et les différents palais.
Sur la photo : une médaille en bronze commémorative de la participation de la Tunisie aux premiers Jeux africains d’Alexandrie, à l’époque d’El-Habib Bey en 1929 (à droite), et une médaille en bronze commémorative de la participation de la Tunisie aux premiers Jeux méditerranéens à Alexandrie, à l’époque de Lamine Bey en 1951 (à gauche).
Lamine Pacha Bey. Parmi les dix-sept portraits restaurés exposés dans le musée, il ne faut pas rater celui d’Ahmed Pacha Bey Ier (1837-1855).
Ce roi modernisateur et grand réformateur a aboli l’esclavage en 1846, réglementé l’enseignement religieux à la mosquée Zitouna, principale mosquée de la médina de Tunis, et créé, entre autres, une école militaire.
Il a par ailleurs marqué son temps par la promulgation en 1856 du fameux « Pacte fondamental » (Ahd al-Aman) instaurant l’égalité de tous – musulmans, chrétiens ou juifs – devant la loi, l’impôt et même les tenues vestimentaires.
Mais d’autres beys ont aussi marqué la Tunisie.
Sadok Bey (1859-1882) est celui qui a amendé l’ordre de la succession au trône. Il a promulgué la première Constitution du monde arabe en 1861. Ce texte, en avance sur son époque, sépare les trois pouvoirs et va jusqu’à permettre la destitution du bey en cas de trahison. Cette réforme a été entravée par la crise financière en 1864, entraînant l’endettement de l’État.
Le dernier bey, Mohamed Lamine Pacha (1943-1957), a été intronisé avant le décès de son prédécesseur Moncef Bey (juin 1942-mai 1943). Ce dernier, connu pour son nationalisme et aimé du peuple, a été destitué par les Français.
Lamine Bey a été destitué avec la proclamation de la République et l’abolition du régime beylical.
L’exposition « Les beys husseinites » est ouverte du mardi au dimanche de 10 h à 15 h. Le tarif d’entrée pour le public est de 5 dinars.
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