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EXCLUSIF : Le plan secret entre les États du Golfe et Israël pour réhabiliter Assad

Le chef du Mossad, Yossi Cohen, a rencontré des responsables saoudiens, émiratis et égyptiens le mois dernier pour discuter des moyens de contrer l’influence régionale turque, selon des informations recueillies par MEE
Panneau d’affichage à Damas indiquant : « Si la poussière du pays pouvait parler, elle dirait Bachar al-Assad » (AFP)

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte ont manigancé un plan avec Israël pour accueillir de nouveau le président syrien Bachar al-Assad au sein de la Ligue arabe afin de marginaliser l’influence régionale de la Turquie et de l’Iran, révèle en exclusivité Middle East Eye.

Cette initiative diplomatique a été approuvée lors d’une réunion secrète, tenue dans une capitale du Golfe le mois dernier, à laquelle ont assisté de hauts responsables des services de renseignement des quatre pays, dont Yossi Cohen, directeur du Mossad, ont indiqué à MEE des sources au fait de cette réunion.

La réunion a également été organisée en réaction au « refroidissement » notable des relations entre le président américain Donald Trump et Riyad depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en octobre.

Trump a publiquement pris le parti du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, que la CIA et des membres du Congrès américain tiennent pour responsable du meurtre de Khashoggi.

Cependant, selon un responsable au courant de la réunion, il aurait été dit aux responsables des services de renseignement : « Trump a fait ce qu’il pouvait et ne fera rien de plus. »

Les responsables ont également convenu lors de la réunion qu’ils considéraient la Turquie, et non l’Iran, comme leur principal rival militaire dans la région, et ils ont discuté de plans pour parer l’influence d’Ankara.

Les Israéliens ont déclaré à cette occasion que l’Iran pouvait être maîtrisé militairement, mais que la Turquie avait des capacités beaucoup plus grandes. Lors de la réunion, Cohen aurait déclaré : « Le pouvoir iranien est fragile. La vraie menace vient de la Turquie. »

Pour résoudre ces problèmes, les participants à la réunion ont convenu de quatre mesures.

Négociations avec les talibans

La première consistait à aider Trump à retirer ses forces d’Afghanistan, où environ 14 000 soldats américains sont toujours déployés pour soutenir les forces gouvernementales afghanes combattant les talibans et d’autres groupes de combattants.

Une réunion entre des responsables américains et talibans a eu lieu à Abou Dabi la semaine suivante dans le cadre de discussions auxquelles participaient des responsables saoudiens, émiratis et pakistanais.

La deuxième mesure consistait à « contrôler la carte sunnite » en Irak, ce qui implique des efforts pour minimiser l’influence de la Turquie au sein de l’alliance de l’Axe national, le plus grand groupe parlementaire de députés sunnites irakiens.

Selon des sources, le chef du Mossad, Yossi Cohen, a assisté à la réunion (Reuters)

Des pressions ont ensuite été exercées sur le président du Parlement irakien Mohammed al-Halbousi lors de sa première visite officielle à Riyad le 17 décembre.

Au cours de sa visite, Halbousi a rencontré Thamer al-Sabhan, ancien ambassadeur saoudien en Irak. Al-Sabhan a fait pression sur Halbousi pour que la Turquie réduise son influence sur l’alliance de l’Axe national, ou s’en détache complètement.

En conséquence, après le blocage par Halbousi, le mois dernier, de la nomination de Saba al-Tai au poste de ministre de l’Éducation dans le cadre des négociations sur la formation du nouveau cabinet, ce fut la consternation au sein du bloc.

Cependant, un autre membre de l’Axe national, Salah al-Jabouri, a été nommé à ce poste mardi.

Retour à la Ligue arabe pour Assad

Troisième mesure discutée : une initiative diplomatique visant à rétablir des relations diplomatiques complètes entre les trois États arabes et le président syrien Bachar al-Assad.

La rencontre des chefs des services de renseignement portait sur le message qu’ils souhaitaient transmettre à Assad, qui s’est largement appuyé sur le soutien de l’armée iranienne et des combattants du Hezbollah soutenus par Téhéran pendant la guerre civile dans le pays.

« Ils ne s’attendaient pas à ce que Bachar rompe ses relations avec l’Iran, mais ils voulaient que Bachar utilise les Iraniens plutôt que d’être leur outil », a expliqué un responsable du Golfe informé des discussions.

« Le message était le suivant : “Revenez à la façon dont votre père traitait les Iraniens, au moins comme des égaux, au lieu d’être soumis aux intérêts iraniens.” »

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Un déluge de visites a suivi la réunion des services de renseignement. Omar el-Béchir, le président soudanais, est arrivé à Damas le 16 décembre à l’occasion de la première visite officielle d’un dirigeant arabe depuis 2011. Un geste qui, selon ce que l’analyste spécialiste de la Syrie, Kamal Alam a écrit dans MEE, n’aurait pas pu se faire sans un signe d’assentiment de Riyad.

Ali al-Shamsi, responsable adjoint des services de renseignement émiratis, s’est rendu à Damas pendant une semaine, et le 27 décembre, les Émiratis ont annoncé la réouverture de leur ambassade après huit ans de fermeture.

Le même jour, Bahreïn, qui est étroitement lié à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, a annoncé qu’il allait rétablir sa mission diplomatique.

Trois jours plus tôt, Ali Mamlouk, conseiller spécial d’Assad en matière de sécurité, avait effectué une rare visite publique au Caire et des sources ont affirmé à MEE que l’annonce de la normalisation complète des relations était attendue sous peu.

L’Égypte veut que le gouvernement syrien désigne ses principaux ennemis comme étant la Turquie, le Qatar et les Frères musulmans, ont assuré des sources.

Les incitations pour Assad incluraient un retour dans la Ligue arabe et le soutien des États arabes à Damas pour s’opposer à la présence militaire d’Ankara dans le nord de la Syrie, où les forces turques ont été déployées pour s’opposer aux combattants des Unités de protection du peuple (YPG), dirigés par les Kurdes.

L’Algérie souhaiterait inviter Assad à participer au prochain sommet de la Ligue arabe qui se tiendra en Tunisie en mars prochain, sept ans après la suspension de la Syrie par  l’organisation.

Soutien aux Kurdes contre la Turquie

La quatrième mesure adoptée lors de la réunion consistait à soutenir les Kurdes de Syrie contre les tentatives de la Turquie d’expulser les YPG et leur homologue politique, le PYD, de la frontière turque jusqu’à la frontière irakienne.

Les responsables du renseignement ont également convenu de renforcer les relations avec le Gouvernement régional du Kurdistan irakien (KRG) et d’empêcher toute réconciliation avec Ankara depuis l’échec du référendum sur l’indépendance de cette région semi-autonome de 2017. 

« Les Saoudiens eux-mêmes ne veulent pas être à l’avant-garde de cet effort diplomatique visant à courtiser Assad. Mais ils sont d’accord avec la politique consistant à tenter de faire en sorte qu’Assad affaiblisse la Turquie », a déclaré le responsable.

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Israël n’a pas eu de contact direct avec Assad, mais s’est servi d’hommes d’affaires syriens chrétiens et alaouites comme intermédiaires.

Ce même groupe a joué un rôle dans la restauration des relations entre les EAU et Damas. Pour faire comprendre à Assad qu’il devait être indépendant vis-à-vis de l’Iran, Israël a lancé une série de frappes aériennes contre un prétendu transfert d’armes iraniennes au Hezbollah le jour même où les EAU ont annoncé la réouverture de leur ambassade dans la capitale syrienne, le 27 décembre.

Cette réunion était également une réponse à la crise dans laquelle les relations américano-saoudiennes ont plongé du fait de l’affaire Khashoggi.

Les Émiratis ont cherché à rencontrer la CIA

Mohammed ben Zayed, prince héritier d’Abou Dabi, qualifié de mentor par son jeune homologue saoudien, est à l’avant-garde des tentatives visant à améliorer les relations instables entre la Maison-Blanche et la cour royale à Riyad.

Ben Zayed est d’abord intervenu pour réparer les relations entre le roi Salmane et Mohammed ben Salmane. Le roi était furieux lorsqu’il a entendu parler du rôle de son fils dans l’assassinat de Khashoggi. Il faut noter que ben Salmane n’était pas présent à la réunion entre le roi et ben Zayed en novembre.

Mohammed ben Salmane (à gauche) a rencontré Mohammed ben Zayed à Abou Dabi en novembre (AFP)

Ensuite, après la présentation de la directrice de la CIA, Gina Haspel, à certains membres du Congrès américain, dans laquelle Mohammed ben Salmane était tenu pour responsable du meurtre de Khashoggi, ben Zayed a envoyé son frère et conseiller en matière de sécurité nationale, Tahnoun ben Zayed, à Washington pour demander un entretien avec Haspel.

Cette demande a été refusée, a appris MEE. Lorsque cette approche a échoué, ben Zayed a envoyé son fils Khaled à Washington. Une date a été convenue pour une réunion avec Haspel, mais celle-ci n’a pas eu lieu, selon des sources de MEE.

MEE a sollicité les réactions de la CIA et de l’ambassade des Émirats à Washington.

Un mois plus tôt, le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, avait rencontré ben Zayed, mais cette réunion n’avait pas permis de sortir de l’impasse.

Ben Salmane serait en train de planifier une poignée de main type « Camp David » avec Netanyahou
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MEE a déjà relaté comment des responsables saoudiens ont sollicité l’aide de Trump et du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou pour une série d’initiatives visant à limiter les dégâts, alors que des détails concernant la culpabilité de Mohammed ben Salmane dans le meurtre de Khashoggi faisaient les gros titres de la presse.

Celles-ci comprenaient une proposition de poignée de main type « Camp David » entre Netanyahou et le prince héritier.

Cependant, MEE croit comprendre que ces efforts ont échoué car la Maison-Blanche s’est rendu compte que se précipiter à la rescousse du prince héritier, dont l’image a été sérieusement écornée, serait peut-être plus gênant qu’autre chose.

Les responsables américains semblent perdre patience face à la manière dont Riyad a mené sa propre enquête sur le meurtre de Khashoggi. Un haut responsable anonyme a déclaré vendredi que l’enquête saoudienne manquait de crédibilité et de responsabilité.

Ces commentaires sont intervenus alors que le Département d’État a annoncé que le secrétaire d’État Mike Pompeo se rendrait à Riyad plus tard ce mois-ci, sa deuxième visite dans la capitale saoudienne depuis la mort de Khashoggi.

Pompeo lui-même a répété à plusieurs reprises qu’il n’existait aucune preuve directe d’un lien entre Mohammed ben Salmane et le meurtre.

Après la première visite de Pompeo en octobre, MEE a rapporté qu’il avait apporté avec lui une feuille de route pour protéger le prince héritier des répercussions.

Un versement saoudien de 100 millions de dollars aux États-Unis effectué le jour même de la visite était « une coïncidence », selon un responsable américain cité par le New York Times.

MEE a sollicité le gouvernement israélien. Il a également contacté les ambassades d’Arabie saoudite et d’Égypte à Londres, mais aucune d’entre elles n’avait répondu au moment de la publication.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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