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EXCLUSIF : Sissi serait en train de retirer son soutien à Haftar en Libye

« Agacé » par les échecs de Khalifa Haftar à s’emparer de Tripoli, Le Caire voudrait, selon des informations recueillies par MEE, retirer son soutien à l’homme fort de Libye et lui trouver un remplaçant
Selon nos sources, Abdel Fattah al-Sissi aurait « annulé une rencontre programmée » il y a quelques jours avec le maréchal libyen (AFP)

L’Égypte, que l’on présente, avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), comme un des soutiens du maréchal Khalifa Haftar serait, selon une source algérienne proche du dossier libyen, « en train de revoir sa position » le concernant.

Une information recueillie par Middle East Eye et recoupée par une source diplomatique égyptienne, qui, sans confirmer ce revirement, admet que « le niveau de communication » entre l’homme fort de la Libye et Le Caire s’est « considérablement détérioré ».

Toujours selon notre interlocuteur, la présidence égyptienne aurait décidé de « transférer le dossier Haftar au renseignement militaire » et Abdel Fattah al-Sissi aurait « annulé une rencontre programmée » il y a quelques jours avec le maréchal libyen.

Le « niveau de communication » entre l’homme fort de la Libye et Le Caire s’est « considérablement détérioré »

C’est ce qui aurait poussé Haftar à se tourner vers d’autres canaux de communication, notamment la Russie et la Grèce.

Vendredi 17 janvier, la Grèce, exclue de la conférence de Berlin sur la Libye, a reçu Khalifa Haftar pour l’« encourager à réussir le cessez-le-feu ». Le Premier ministre Kyriákos Mitsotákis a « mis l’accent sur la nécessité d’une solution politique » et « exhorté Haftar à garder une posture constructive à Berlin », selon les services du chef de gouvernement grec.

Vendredi, une lettre du maréchal remerciant son « ami » Vladimir Poutine pour « les efforts de la fédération de Russie en vue de rétablir la paix et la stabilité en Libye » a également été divulguée.

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La même semaine, le mardi 14, le quotidien Al Araby révélait que Vladimir Poutine avait eu une conversation téléphonique « très sèche » avec Sissi.

« À la fin de la conversation téléphonique, Sissi s’est retrouvé acculé par Poutine, obligé de se montrer positif face aux pressions russes pour obtenir le cessez-le-feu, un processus qui se déroulerait loin des Égyptiens, Le Caire ayant été informé des détails de l’accord prévu mais sans qu’il participe à son élaboration », explique la source égyptienne au quotidien paraissant à Londres. 

Si les derniers événements ne sont que des éléments de contexte, la source diplomatique égyptienne explique à MEE les raisons pour lesquelles Le Caire souhaite retirer son soutien au chef de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL).

L’offensive contre Tripoli ? Un échec militaire

« Les plus hautes autorités égyptiennes sont très agacées par ce qu’elles considèrent comme un échec militaire : l’offensive contre Tripoli », assure notre source.

Les forces du maréchal Haftar ont lancé, en avril 2019, une offensive pour tenter de s’emparer de la capitale libyenne. Plus de 280 civils ont été tués depuis, de même que plus de 2 000 combattants, selon l’ONU. Quelque 146 000 Libyens ont dû fuir les combats.

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Une cessation des hostilités, globalement respectée, est en vigueur depuis dimanche. Mais le maréchal Haftar a quitté Moscou sans signer l’accord de cessez-le-feu obtenu lors de discussions organisées dimanche sous l’égide de la Russie et de la Turquie. Fayez al-Sarraj, à la tête du Gouvernement d’union nationale (GNA) rival, l’a quant à lui signé.

« Pendant neuf mois, Haftar a essayé de s’emparer sans succès de la capitale alors qu’il bénéficiait d’un soutien régulier de ses alliés, y compris de Washington, et qu’il aurait pu profiter du vide politique laissé pendant plusieurs mois par l’Algérie pour prendre le dessus », affirme notre interlocuteur, en faisant référence aux difficultés rencontrées par le pouvoir pour organiser une élection présidentielle afin de remplacer Abdelaziz Bouteflika.

Selon lui, des victoires ou même des avancées militaires aurait rendu l’intervention turque plus compliquée. « Au lieu de cela, il a failli entraîner l’Égypte dans une guerre régionale avec la Turquie », poursuit-il.

« Cet échec militaire a compliqué les événements sur le plan militaire et rendu le contrôle de Tripoli impossible vu l’actuel rapport de force. »

Pour Le Caire, le verdict est sans appel : Haftar doit assumer ses responsabilités dans la détérioration de la situation en Libye et le risque de déclenchement d’une guerre régionale – et donc « laisser la place ». Selon notre source, les Égyptiens chercheraient à le remplacer par un autre des commandants de l’ANL.

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