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Tunisie : inquiétante arrestation d’un enquêteur de l’ONU sur le trafic d’armes en Libye  

L’arrestation d’un fonctionnaire de l’ONU enquêtant « sur les violations de l’embargo sur les armes en Libye » suscite inquiétude et indignations
Les forces fidèles au général libyen Khalifa Haftar ont été aidées par les exportations d’armes en provenance des Émirats arabes unis (AFP)
Par MEE

Moncef Kartas, diplomate et chercheur en conflits, sécurité et développement auprès des Nations unies à Genève, est en détention depuis mardi 26 mars en Tunisie. 

Le fonctionnaire de l’ONU a été chargé de préparer une enquête sur les violations de l’embargo sur les armes frappant la Libye. 

De nationalité tunisienne et allemande, Moncef Kartas a été arrêté à son arrivée le 26 mars à l’aéroport Tunis-Carthage. Son arrestation a suscité l’indignation du milieu académique. À l’instar de Vincent Geisser, sociologue et politologue français qui a qualifié l’arrestation d’« arbitraire ». 

« Arrestation arbitraire »

« Je tiens à exprimer toute ma solidarité avec Moncef Kartas, diplomate de l’ONU mais aussi chercheur en sciences sociales reconnu qui vient d’être victime d’une arrestation arbitraire en Tunisie », a-t-il écrit sur son compte Facebook

Le sociologue espère que « les autorités tunisiennes se rendront compte de leur erreur qui nous rappelle cette triste période où la police politique de Ben Ali s’en prenait directement à tous ceux qui osent penser librement ». 

La directrice de Human Rights Watch MENA, Sarah Leah Whitson, a dénoncé l’arrestation de Kartas. « Les autorités tunisiennes doivent relâcher immédiatement [Moncef] Kartas, ou au moins, lui donner accès à un avocat » a-t-elle souligné. 

Moncef Kartas bénéficie d’une immunité diplomatique en tant qu’expert mandaté par l’ONU, mais cette information donnée à l’AFP par Farhan Haq porte-parole de l’ONU, a été démentie par Soufiane Sliti, porte-parole du pôle judicaire de lutte contre le terrorisme en Tunisie. 

Selon Sofiane Sliti, l’arrivée de Moncef Kartas « n’entre pas dans le cadre d’une mission onusienne étant donné qu’il a utilisé son passeport tunisien et non pas le passeport onusien ».

Il ajoute que Moncef Kartas a été chargé « d’une mission onusienne en Libye et pas en Tunisie, ce qui lui enlève l’immunité appliquée, conformément à la convention sur les privilèges de l’ONU et ses immunités ». 

Pour Frej Fenniche, représentant régional de la région MENA de l’ONG No Peace Without Justice, l’explication sur l’immunité diplomatique donnée par le porte-parole du pôle judicaire de lutte contre le terrorisme en Tunisie est « étrange ».

https://www.facebook.com/frej.fenniche/posts/10156105965191629:0

L’expert estime que l’État tunisien a « violé » la convention des Nations unies sur les privilèges et immunités de 1946 que la Tunisie a signée en 1957. 

Les autorités tunisiennes ont confirmé l’arrestation de Moncef Kartas. 

Dans un communiqué, le ministère de l’Intérieur l’accuse « d’espionnage au profit de parties étrangères » et indique que « des documents secrets contenant des données détaillées sensibles susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale ont été saisis, ainsi que des équipements techniques interdits dans notre pays, qui peuvent être utilisés pour brouiller ou intercepter des communications ».

Les armes en Libye : un dossier sensible

Selon un article publié par La Tribune de Genève, Moncef Kartas préparait un rapport révélant que « le blocus onusien sur les armes en Libye aurait été violé par la Turquie et le Qatar, via la Tunisie ». Il épinglerait « la complicité » de certains leaders politiques tunisiens. 

Dans son dernier rapport sur la Libye, les Nations unies ont épinglé la dissémination des armes libyennes depuis mars 2011, au début de la révolution. 

Selon les experts des Nations unies, le trafic d’armes le trafic se poursuit malgré l’embargo imposé à la Libye. Ce trafic alimente encore « les conflits en Afrique et au Levant, et enrichit les arsenaux d’acteurs non étatiques, y compris des groupes terroristes. »

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