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Hatice Cengiz : « Il a fait ce qu’il fallait »

D'après la fiancée de Jamal Khashoggi, qui revient pour MEE sur la disparition tragique du journaliste saoudien, le soutien mondial qui a suivi son assassinat lui aurait montré qu’il avait raison de se battre pour défendre ses convictions
Hatice Cengiz, fiancée du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi (Reuters)

Les dernières conversations que Hatice Cengiz a eues avec Jamal Khashoggi ressemblaient à celles de tout couple de fiancés faisant des projets pour l’avenir qu’ils s’apprêtaient à passer ensemble.

C’est pourtant un risque pris par amour qui a finalement coûté la vie au journaliste.

« Durant notre trajet jusqu’au consulat, nous parlions de choses du quotidien, de ce que nous allions faire ce jour-là, des meubles que nous achèterions », a raconté Hatice Cengiz à Middle East Eye.

Son fiancé n’est jamais ressorti du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où il s’était rendu le 2 octobre pour obtenir les documents nécessaires à leur mariage imminent.

Sa fiancée l’attendait à l’extérieur et a été la première à lancer l’alerte, Khashoggi n’étant jamais ressorti du bâtiment.

« Nous n’avions aucune crainte avant d’entrer dans le bâtiment du consulat », a-t-elle précisé.

« Lorsque nous y sommes allés la première fois le 28 septembre, Jamal avait peur que quelque chose puisse mal se passer. Mais lorsqu’il est entré au consulat le 28 septembre, tout s’est bien passé et l’atmosphère était agréable. »

Une passion partagée pour le Moyen-Orient

Hatice Cengiz a décrit son premier contact avec Jamal Khashoggi comme quelque chose de « beau », le couple s’étant trouvé comme point commun une passion partagée pour le Moyen-Orient.

« Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, c’était une personne mûre, réfléchie, très compatissante et très émotive qui aimait aider les autres », a-t-elle confié.

« Nous avions beaucoup de choses en commun, des valeurs et des centres d’intérêt partagés. C’était un journaliste spécialiste du Moyen-Orient qui y a consacré des années entières de sa vie. Je suis une jeune chercheuse qui s’intéresse également au Moyen-Orient et à la recherche, et en tant que musulmane et Turque, je suis de près ce qui se passe au Moyen-Orient. »

Hatice Cengiz a déclaré avoir été « sous le choc » en apprenant les informations que la presse a commencé à diffuser au compte-goutte sur la disparition de Khashoggi, qui expliquaient comment le journaliste avait été torturé, assassiné et démembré à l’intérieur du consulat.

« Les gouvernements européens et Trump auraient dû prendre des mesures plus sérieuses et auraient dû soutenir la position de la Turquie dans cette affaire »

– Hatice Cengiz

« Les gens ne veulent pas comprendre ce que l’on ressent, la douleur que l’on a subie, [lorsque] la tragédie que l’on a vécue vient de faire les gros titres du monde entier », a-t-elle déclaré.

« Il y a un événement tragique, un assassinat, on a également perdu la personne qui nous est la plus chère et celle que l’on comptait épouser. Les informations publiées augmentent la douleur mais on ne peut rien y faire. »

Elle a expliqué qu’elle avait tenté de se protéger des journalistes au cours des trois premières semaines qui ont suivi la disparition de Khashoggi, alors qu’elle tentait de comprendre ce qui s’était passé.

Désormais, après avoir refusé une invitation à la Maison-Blanche, Hatice Cengiz se montre critique envers la réaction du président américain Donald Trump et les dirigeants européens à cet événement tragique. Elle a également réclamé l’ouverture d’une « véritable enquête » dès que possible.

« Les gouvernements européens et Trump auraient dû prendre des mesures plus sérieuses et auraient dû soutenir la position de la Turquie dans cette affaire. Nous sommes face à un crime manifeste et grave. Nous sommes face à un crime prémédité commis dans un consulat dans un pays étranger », a-t-elle rappelé.

« Il a fait ce qu’il fallait »

Dans ses chroniques, Khashoggi critiquait le manque de liberté d’expression en Arabie saoudite et défendait des réformes qu’il jugeait essentielles pour l’avenir de son pays.

S’il était en vie aujourd’hui, Khashoggi aurait été surpris par la réaction mondiale à son assassinat, mais il aurait été « très heureux » de constater l’ampleur de la solidarité que l’affaire le concernant et les causes qui lui étaient chères ont suscitée, a affirmé sa fiancée.

Il aurait constaté qu’« il avait raison de se battre pour ce qu’il croyait juste », a-t-elle poursuivi.

« Quand il était seul, il se demandait : “Est-ce que je fais ce qu’il faut ou pas ?” Aujourd’hui, il saurait qu’il a fait ce qu’il fallait »

– Hatice Cengiz

« Sa lutte et ses principes [n’ont] pas été vains. […] Quand il était seul, il se demandait : “Est-ce que je fais ce qu’il faut ou pas ?” 

« Aujourd’hui, il saurait qu’il a fait ce qu’il fallait. »

Cengiz, qui a décrit ses fiançailles avec Khashoggi comme un « mariage incomplet », a déclaré qu’elle se souviendrait toujours de son fiancé et de l’empreinte qu’il a laissée dans sa vie.

« Je me souviendrai de Jamal comme d’un professeur à suivre, comme d’un ami. […] Il était la personne avec laquelle j’étais heureuse », a-t-elle confié.

« Jamal a toujours été une idole, un repère spirituel pour moi, à travers lequel je me demanderai toujours, dans des situations d’ordre général, ce que Jamal en aurait pensé, ce que Jamal aurait fait s’il était en vie, ce qu’il aurait aimé que je fasse, ce qu’il m’aurait conseillé.

« Je continuerai de suivre son chemin. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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