Les Libanais demandent l’octroi de la nationalité au « héros » palestinien de l’attaque de Tripoli
« Un héros ». C’est en ces termes que l’intervention courageuse d’un jeune Palestinien de 33 ans, Saber Mourad, a été saluée sur les réseaux sociaux par les Libanais, après les multiples attaques perpétrées dans la ville de Tripoli, au soir du 3 juin, veille de la célébration de l’Aïd al-Fitr, par un « loup solitaire » du groupe État islamique (EI), Abdel Rahman Mabsout.
Ces attaques ont endeuillé une nouvelle fois la capitale du Liban-Nord, puisque deux militaires, le lieutenant Hassan Ali Farhat et le soldat Ibrahim Mohamed Saleh, ainsi que deux membres des Forces de sécurité intérieure (FSI), le sergent Johnny Khalil et le caporal Youssef Faraj, ont été tués par balles.
Selon les premières données de l’enquête, Abdel Rahman Mabsout serait un loup solitaire. L’homme avait combattu aux côtés de l’EI en Syrie, avant de revenir au Liban en 2016. Interrogé par les services de sécurité et incarcéré, il avait été libéré un an plus tard.
Il fonce sur l’assaillant avec sa voiture
Au soir du 3 juin, Saber Mourad croise par hasard la route de l’assaillant, dont il remarque le comportement étrange, alors que lui-même va retrouver ses amis dans un café, comme tous les soirs du Ramadan.
Comprenant tout de suite la situation, le jeune Palestinien décide de pourchasser Abdel Rahman Mabsout, qui a déjà fait plusieurs morts et blessés, fonçant sur la mobylette du tireur avec sa voiture.
Mabsout tire alors sur Saber Mourad, le blessant à la tête et au dos. Quelques minutes plus tard, retranché dans un appartement, l’assaillant déclenche sa ceinture d’explosifs et se suicide, alors que l’immeuble où il se trouvait avait été encerclé par l’armé et les FSI.
Dans un état critique, le Palestinien est transporté à l’Hôpital islamique de Tripoli, où les médecins parviennent à le stabiliser.
Si lui-même paraît incapable dans l’immédiat de se rappeler précisément ce qui s’est passé ce soir-là à cause de sa blessure à la tête, ses proches, interviewés dans les médias libanais et arabes, soulignent que le jeune homme a « toujours été extrêmement courageux ».
Un geste salué par tous
Ce n’est qu’au lendemain des attaques que son histoire a commencé à être relayée dans les médias et sur les réseaux sociaux. Les Libanais n’ont pas manqué de saluer le courage du jeune homme, le considérant comme un héros. Nombre d’entre eux, y compris des personnalités haut placées, comme l’ancien président de la République Michel Sleimane, ont estimé que Saber Mourad devrait se voir octroyer la nationalité libanaise.
Traduction : « Oui à l’octroi de la nationalité libanaise au Palestinien Saber Mourad qui a été grièvement blessé en s’opposant au loup terroriste de Tripoli ».
Né au Liban d’un père palestinien et d’une mère libanaise, aujourd’hui décédée, le jeune homme ne peut pas acquérir la nationalité du pays du Cèdre. En effet, selon la loi, les Libanaises mariées à des étrangers ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leur époux ou à leurs enfants.
Sur les réseaux sociaux, plusieurs appels ont été lancés pour octroyer la nationalité libanaise à Saber Mourad à la suite de son acte héroïque, estimant que son amour pour son pays maternel n’était pas à prouver.
Son père, Nasser Mourad, a révélé au site d’informations Bint Jbeil qu’un officiel des Forces de sécurité intérieure aurait demandé des informations personnelles sur son fils, afin de le placer sur la liste des candidats à la nationalité libanaise, dont l’octroi relève d’un ordre présidentiel.
Le ministre de la Défense, Elias Bou Saab, s’est rendu au chevet de Saber Mourad, saluant son courage, tout en lui faisant part de l’intérêt porté par le président de la République libanaise, Michel Aoun, à son histoire.
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a aussi félicité « l’héroïsme manifesté par le jeune homme, qui a empêché d’autres assassinats d’éléments et d’officiers de l’armée de se produire dans la ville de Tripoli ».
Il lui a décerné la Médaille du courage et a donné à l’ambassadeur palestinien au Liban, Achraf Dabbour, les consignes de poursuivre son traitement médical et de lui accorder, ainsi qu’à sa famille, toute l’aide nécessaire.
L’intéressé, qui n’est revenu au Liban que depuis deux ans après avoir émigré en Australie, ne s’est pas encore prononcé sur sa volonté ou non de se voir octroyer la nationalité libanaise.
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