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Vieille ville de Jérusalem : comment le passé de la Palestine est lentement effacé

L’occupation israélienne impose sa marque physique et politique à l’intérieur des murs historiques de la vieille ville, restreignant en outre son accès aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza
Des Palestiniennes prient dans l’enceinte d’al-Aqsa pendant le mois sacré du Ramadan dans la vieille ville de Jérusalem (Reuters)

Israël contrôle Jérusalem-Est et la vieille ville fortifiée depuis la guerre de 1967, au cours de laquelle il a également commencé à occuper la Cisjordanie adjacente. Dans les faits, il les traite depuis lors comme un territoire annexé.

Pour consolider son emprise sur la vieille ville de Jérusalem, Israël a démoli des maisons et expulsé des habitants palestiniens, renforcé les pouvoirs des colons juifs et imposé des restrictions drastiques rendant pratiquement impossible pour la plupart des Palestiniens de prier à la mosquée al-Aqsa, l’un des sites les plus saints de l’islam.

Affaire conclue : comment la Palestine a été liquidée par le processus de paix

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Cet article fait partie d’une série intitulée « Affaire conclue » publiée par Middle East Eye qui examine combien des éléments attendus dans le soi-disant « accord du siècle » du président américain Donald Trump reflètent une réalité déjà ancrée concrètement sur le terrain. Une réalité dans laquelle le territoire palestinien est déjà annexé dans les faits, dans laquelle les réfugiés n’ont aucune chance de retourner un jour dans leur patrie, dans laquelle la vieille ville de Jérusalem est sous contrôle israélien, dans laquelle les menaces et incitations financières servent à saper l’opposition palestinienne au statu quo et dans laquelle la bande de Gaza est maintenue en état de siège permanent.

Le statut final de la vieille ville a fait l’objet de diverses propositions depuis le plan de partage élaboré par les Nations unies en 1947. Celui-ci suggérait que la ville relève d’un régime international spécial, distinct de la division de la Palestine historique en États arabe et juif en raison de son importance commune pour les musulmans, les juifs et les chrétiens.

Les Palestiniens revendiquent Jérusalem-Est – vieille ville comprise – comme capitale d’un futur État, tandis que les dirigeants israéliens revendiquent l’ensemble de Jérusalem comme « capitale éternelle » de l’État depuis 1949.

La vieille ville a un énorme symbolisme historique, économique, religieux et désormais national pour les Palestiniens et les Israéliens, en particulier à cause du complexe al-Aqsa, connu sous le nom de Haram al-Sharif pour les musulmans et du Mont du Temple pour les juifs. C’est le problème le plus explosif dans un conflit déjà enflammé.

Le soutien de Trump

La décision du président américain Donald Trump de déplacer l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem en mai 2018 a semblé imposer une issue aux négociations censées déterminer le statut de Jérusalem, en laissant entendre la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté exclusive d’Israël sur la ville.

Washington a tenté par le passé d’apporter une solution à la question de Jérusalem.

En 2000, lors de pourparlers entre le Premier ministre israélien Ehud Barak et le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, organisés par le président américain Bill Clinton dans sa résidence de Camp David, des médiateurs américains ont proposé de diviser la souveraineté sur la vieille ville.

Selon la proposition des États-Unis, Israël prendrait les quartiers juif et arménien, tandis que les Palestiniens obtiendraient les quartiers musulman et chrétien.

Israël a cependant exigé la souveraineté exclusive sur Jérusalem-Est, ne laissant aux Palestiniens qu’une autorité administrative sur les quartiers musulman et chrétien de la vieille ville.

Sept ans plus tard, à Annapolis, le Premier ministre israélien Ehud Olmert a éludé la question de la souveraineté en proposant à la place une tutelle internationale temporaire administrée par Israël, l’État palestinien, les États-Unis, la Jordanie et l’Arabie saoudite.

carte jéru

Plus d’un demi-siècle d’occupation israélienne a laissé sa marque physique et politique sur la vieille ville. Comme Jérusalem-Est, la vieille ville est gouvernée par la municipalité de Jérusalem, dirigée par des responsables israéliens.

Après avoir commencé à occuper la vieille ville en 1967, Israël a rapidement cherché à s’assurer le contrôle de la zone immédiatement adjacente au mur Occidental (appelé mur des Lamentations par les juifs), démolissant des dizaines d’habitations dans ce qui était alors connu sous le nom de quartier marocain et expulsant plusieurs centaines d’habitants palestiniens pour créer un grande place dédiée au culte juif.

Le quartier juif a également été rétabli, bien qu’Israël ait converti de nombreuses maisons anciennes en synagogues et séminaires pour les juifs religieux.

Déclin de la population palestinienne

Les nombreux changements physiques autour d’al-Aqsa et du quartier musulman voisin, qui semblent conçus pour renforcer le contrôle par Israël non seulement du mur Occidental, mais également de la mosquée, sont une source de préoccupation pour les Palestiniens.

Cela comprend l’extension des tunnels sous les habitations dans le quartier musulman afin de rendre plus accessible le mur Occidental. La décision de Benyamin Netanyahou de créer une entrée à un tunnel du mur Occidental en 1996 a entraîné des affrontements qui ont coûté la vie à des dizaines de Palestiniens et à dizaines soldats israéliens.

Israël a refusé d’émettre un plan d’urbanisme directeur pour la vieille ville, rendant impossible pour les Palestiniens d’agrandir leurs habitations pour faire face à la croissance démographique.

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En fait, au lieu de s’accroître au cours de la dernière décennie, la population palestinienne a diminué de 2 000 personnes, passant aujourd’hui à 32 000 habitants. La plupart sont partis pour d’autres régions de Jérusalem ou de la Cisjordanie.

Le manque d’espace vacant dans les quartiers musulman et chrétien a empêché Israël d’y construire des colonies juives, comme il l’a fait ailleurs à Jérusalem-Est. Les autorités israéliennes ont donc aidé les organisations de colons à s’emparer des maisons palestiniennes existantes.

Il y a actuellement environ un millier de colons juifs vivant dans les quartiers musulman et chrétien, selon Ir Amim, une organisation israélienne qui milite pour l’égalité des droits à Jérusalem. Ces colons constituent un quart des juifs vivant dans la vieille ville.

Ateret Cohanim, un groupe de colons, a été à l’avant-garde de ces prises de contrôle progressives d’habitations palestiniennes, ayant recours à la menace de chantage, se servant de collaborateurs palestiniens comme intermédiaires pour procéder à des achats et cherchant à faire expulser les habitants devant les tribunaux israéliens.

Actuellement, une vingtaine de familles palestiniennes de la vieille ville risquent d’être expulsées, selon Ir Amim.

Les colons ont également acquis des propriétés situées dans le quartier chrétien et appartenant à l’église orthodoxe grecque, se servant apparemment du fait que la nomination de chaque nouveau patriarche dépend de l’approbation par Israël comme moyen de pression pour forcer la vente.

« Mort aux Arabes »

À l’occasion de chaque journée de Jérusalem, une fête israélienne célébrant la capture de la ville en 1967, des colons défilent en force dans le quartier musulman, scandant « Mort aux Arabes » et intimidant les habitants du quartier.

Un rassemblement de Palestiniens à l’intérieur du complexe d’al-Aqsa cette année a été interrompu par les forces de sécurité israéliennes qui sont entrées sur le site en tirant des balles en caoutchouc et des grenades assourdissantes. Les colons ont pu traverser le site. 

Aviv Tartasky, d’Ir Amim, note que l’expansion du nombre de juifs vivant dans les quartiers musulman et chrétien entraîne des opérations de police plus agressives et plus invasives qui rendent la vie encore plus difficile pour les Palestiniens, les incitant à partir.

Au fil des ans, Israël a par ailleurs limité l’accès des Palestiniens à la vieille ville.

Malgré la place centrale d’al-Aqsa dans le culte islamique, presque aucun des deux millions de Palestiniens de Gaza n’a été en mesure de se rendre à Jérusalem depuis le milieu des années 1990, lorsque l’enclave côtière a été fermée par une clôture par Israël.

Le mur et les check-points israéliens qui séparent les Palestiniens de Cisjordanie de Jérusalem compliquent davantage le déplacement jusqu’à la vieille ville.

Et tandis que les Palestiniens habitant à Jérusalem ont traditionnellement accédé à la vieille ville par la porte nord (porte de Damas), Israël y a augmenté la présence de policiers armés, érigé une tour de garde et mis en place des contrôles de sécurité réguliers destinés aux jeunes Palestiniens.

Une tour de sécurité érigée à l’entrée de la porte de Damas dans la vieille ville (Twitter @ThisIsAlquds)
Une tour de sécurité érigée à l’entrée de la porte de Damas dans la vieille ville (Twitter @ThisIsAlquds)

Après 1967, Israël et la Jordanie se sont mis d’accord sur un « statu quo » pour al-Aqsa : le Waqf, un trust islamique dirigé par les Jordaniens, administrerait le complexe tandis qu’Israël serait responsable de la sécurité à l’extérieur. Selon le « statu quo », seuls les musulmans sont autorisés à prier sur le site.

En pratique, l’interprétation israélienne de cet accord a renforcé sa position en lui permettant de contrôler qui a accès au complexe. Ainsi, seuls les Palestiniens de Cisjordanie âgés en moyenne de plus de 50 ans et ceux qui reçoivent un permis occasionnel sont désormais autorisés à accéder à al-Aqsa pour les prières du vendredi.

Israël opère en outre régulièrement à l’intérieur du complexe. Il a fermé une salle de prière, Bab al-Rahmeh, en 2003 après sa rénovation par un dirigeant religieux populaire palestinien en Israël, Cheikh Raed Salah.

Bien qu’ayant la citoyenneté israélienne, Salah est interdit d’entrée dans l’enceinte d’al-Aqsa depuis plus de dix ans. Israël a bloqué les efforts entrepris par le Waqf en vue de rouvrir Bab al-Rahmeh en février dernier, ce qui a entraîné des affrontements avec les forces de sécurité israéliennes et une interdiction temporaire pour les dirigeants du Waqf de pénétrer dans al-Aqsa.

En 2015, Israël a également banni les gardes civils bénévoles, connus sous le nom de Mourabitoun, de l’enceinte après des affrontements avec des visiteurs juifs sur le site. En 2017, Israël a installé des caméras de surveillance et tenté de forcer les fidèles palestiniens à passer à travers des détecteurs de métaux, mais il a dû reculer suite à des manifestations de Palestiniens.

Entre-temps, les Israéliens ont multiplié les incursions dans le complexe. En 2000, Ariel Sharon, alors chef de l’opposition, est entré sur le site avec l’appui de centaines de gardes armés, déclenchant la deuxième Intifada.

Des colons agitent des drapeaux israéliens alors qu’ils célèbrent la Journée de Jérusalem au niveau de la porte de Damas de la vieille ville, en mai 2018 (AFP)
Des colons agitent des drapeaux israéliens alors qu’ils célèbrent la Journée de Jérusalem au niveau de la porte de Damas de la vieille ville, en mai 2018 (AFP)

Et depuis l’interdiction des Mourabitoun, la police israélienne n’a pas convenablement fait respecter les règles interdisant aux juifs de prier dans l’enceinte, selon des ONG.

Les politiciens israéliens, y compris des ministres, ont de plus en plus tendance à accepter les demandes des colons de diviser le site pour permettre la prière des juifs.

Les groupes extrémistes souhaitant détruire al-Aqsa et construire un nouveau temple juif à sa place sont devenus plus acceptables dans la société israélienne ces dernières années.

En deux ans, de 2016 à 2018, le nombre signalé de juifs entrant dans l’enceinte a plus que doublé, passant de 14 000 à 30 000.

Les chrétiens évincés

Les chrétiens de Jérusalem souffrent des mêmes problèmes que les musulmans, notamment en ce qui concerne les restrictions en matière d’urbanisation et les efforts déployés par les colons pour s’emparer de leurs propriétés.

Les chrétiens font néanmoins également face à des pressions spécifiques. En tant que très petite communauté, ils ont été sévèrement isolés par la politique israélienne coupant Jérusalem de la Cisjordanie et des chrétiens de Bethléem et Ramallah.

Le déni par Israël du droit des habitants de Jérusalem à vivre dans la ville avec un conjoint de Cisjordanie ou à enregistrer leurs enfants a frappé très durement la communauté chrétienne, forçant de nombreuses personnes à s’installer en Cisjordanie.

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En outre, un ralentissement spectaculaire du tourisme pendant de nombreuses années après l’éruption de la deuxième Intifada en 2000 a laissé de nombreuses familles chrétiennes de la vieille ville en difficulté financière car elles dépendent des revenus tirés des boutiques de souvenirs et de leurs guides touristiques.

L’année dernière, Israël a décidé de taxer les biens de l’Église à Jérusalem mais a dû abandonner après la fermeture de la porte de l’église du Saint-Sépulcre en signe de protestation.

Cependant, les chrétiens ont vu dans cette tentative un signe supplémentaire que leur communauté est attaquée et qu’Israël la voit comme un obstacle à ses efforts pour « judaïser » la vieille ville, d’après Yousef Daher, du Jerusalem Interchurch Centre, situé dans la vieille ville.

Daher note que plutôt que de croître naturellement, la population chrétienne de Jérusalem est tombée de 12 000 en 1967 à 9 000 aujourd’hui.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres officiels, il estime qu’il ne reste plus que 2 400 chrétiens dans la vieille ville. Il explique que les chrétiens palestiniens trouvent plus facile de quitter la région en raison de leurs liens avec des Églises occidentales et du fait qu’ils ont souvent des parents à l’étranger.

Centre commercial et téléphérique

L’accès israélien à la vieille ville, traditionnellement par la porte de Jaffa, du côté ouest, entre les quartiers chrétien et arménien, a été facilité par le nouveau centre commercial de luxe Mamilla, qui sert en réalité de pont depuis le centre-ville de Jérusalem-Ouest.

Israël cherche maintenant à transformer la porte des Maghrébins, située du côté sud-est, dans le quartier juif, en entrée principale. La difficulté est que la porte des Maghrébins jouxte le quartier palestinien de Silwan.

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Ir Amim note que la porte des Maghrébins est considérée par Israël comme une porte importante pour les colons alors qu’ils intensifient leur prise de contrôle d’habitations palestiniennes à Jérusalem-Est, dans le cadre des efforts visant à encercler le complexe al-Aqsa.

Dans ce contexte, Israël est en train de construire un téléphérique qui conduira les visiteurs de Jérusalem-Ouest directement jusqu’à un complexe géré par les colons en passant au-dessus de Silwan. De là, les visiteurs pourront accéder au pied du mur des Lamentations par la porte des Maghrébins ou les tunnels situés sous les remparts de la vieille ville.

Les Palestiniens et les activistes israéliens craignent que l’objectif soit d’éloigner les visiteurs juifs et étrangers des quartiers musulman et chrétien, à la fois pour dissimuler la présence palestinienne dans la vieille ville et pour priver les commerçants palestiniens du commerce traditionnel de ceux passant par les portes de Damas et Jaffa.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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