« Révolution ! Révolution ! » : au Liban, la contestation gagne de l’ampleur
Le mouvement, qui a gagné de nombreuses villes y compris la capitale Beyrouth et paralysé le pays, a été déclenché de manière spontanée jeudi par l’annonce d'une taxe sur les appels effectués via WhatsApp. Une décision annulée aussitôt sous la pression de la rue. Mais depuis jeudi, des Libanais de toutes les confessions religieuses et de tous les milieux sociaux (sur cette photo déguisés en personnages de la série La casa de papel) ont rejoint le mouvement de protestation. À l’unanimité, ils déplorent les mêmes maux : coupures de courant, pénuries d’eau, pollution, chômage et absence de débouchés, émigration des jeunes, en sus du spectre d’une nouvelle crise de déchets.
La classe politique, quasi inchangée depuis la guerre civile (1975-1990), est accusée de corruption et de népotisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence. Le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Élias Audi, a exhorté dimanche les Libanais à « déclarer la guerre à la corruption et aux corrompus », appelant à la formation d’un gouvernement de technocrates, a annoncé le quotidien L’Orient-le jour. Dans son homélie dominicale, il a appelé les responsables à « rendre les fonds publics volés » et exhorté les autorités à « appliquer la Constitution » (Reuters)
Samedi, des manifestants ont de nouveau incendié des pneus et bloqué des routes mais il n’y a pas eu de heurts avec les forces de sécurité. Vendredi des devantures de magasins et de banques avaient été saccagées et des dizaines de personnes arrêtées puis relâchées (Reuters)
Un manifestant brandit une photo du Premier ministre Saad Hariri à Beyrouth, le 19 octobre 2019. La pancarte dit « sashay away », une référence à un slogan d’une série télévisée drag queen signifiant « partir ». Saad Hariri a insinué qu’il pourrait démissionner s’il ne réussit pas à faire passer ses réformes. Sa coalition est dominée par le camp du président Michel Aoun et de ses alliés dont le Hezbollah, opposés à sa démission en tant que Premier ministre. Mais le slogan « Tous veut dire tous ! » a été aussitôt crié, pour dire leur exigence d’un départ de toute la classe politique (AFP)
De Tripoli et Akkar, dans le nord, à Baalbeck dans l’est en passant par de nombreuses localités côtières et jusqu’à Tyr et Saïda dans le sud, les manifestations ont gagné de l’ampleur. Arborant des drapeaux libanais, les manifestants ont défilé aux cris de « Révolution, révolution ! » ou « Le peuple veut la chute du régime ! », slogans phares du Printemps arabe (AFP)
À Tripoli, deuxième ville du pays plutôt conservatrice, des enseignants et étudiants ont rallié les manifestants. La foule massée place al-Nour a dansé au rythme d’une musique animée par un DJ et diffusée via haut-parleurs. Des feux d’artifice ont été lancés. « C’est peut-être mieux, je pense, que l’ensemble du gouvernement démissionne », lance Ali, un manifestant sur la place. Hoda Sayyour, la cinquantaine, assure ne pas vouloir déserter la rue. « Ils nous exploitent et ne font rien pour améliorer les services », témoigne-t-elle (AFP)
Cette mobilisation n’est pas sans rappeler le soulèvement populaire inédit en 2005 ayant mis fin à 29 ans de tutelle syrienne sur le Liban. Dans un communiqué, l’armée a appelé samedi les manifestants à « s’exprimer de manière pacifique sans porter atteinte aux biens publics et privés ». Les services de sécurité ont arreté plusieurs dizaines de personnes avant de les relâcher (AFP)
À Tyr, où le puissant chef du Parlement et chef du parti Amal, Nabih Berri, avait été accusé d’escroquerie la veille par les manifestants, des dizaines de ses partisans s’en sont pris samedi aux contestataires, selon un témoin. Dans un communiqué, Amal a dénoncé ces agressions, affirmant vouloir « ouvrir une enquête » (Reuters)
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