Désespérés, des sportifs marocains tentent l’émigration clandestine
Dénonçant le mépris et l’injustice, de plus de plus de sportifs marocains, dont des champions, quittent clandestinement le Maroc en direction de l’Espagne. Parfois au prix de leur vie.
La vidéo fait le tour des réseaux sociaux depuis quelques jours. Ancien champion marocain de taekwondo, Anouar Boukharsa est filmé en mer quittant le Maroc vers les îles Canaries, à bord d’une embarcation de fortune, après avoir jeté sa médaille.
Entouré d’autres compagnons d’infortune qui tentent de gagner l’Espagne, l’athlète de 26 ans fait le signe de la victoire face à la caméra.
Un geste en signe de protestation contre la hogra (mépris, injustice) qu’Anouar Boukharsa dit subir dans son pays, malgré ses prouesses au Maroc et à l’étranger.
« J’ai subi toutes sortes d’injustices, au point que je me suis dit que mon parcours sportif ne servait plus à rien », se désole, dans une déclaration donnée au site Al 3omk, celui qui a remporté, en 2011, le championnat national comme junior puis, en 2017, la médaille d’argent au championnat national des moins de 63 kilos.
« Au total, j’ai jeté à la mer trois médailles, je ne veux plus de ces titres marocains que j’ai obtenus. J’ai participé à de nombreux tournois, mais je me suis senti négligé, inutile », déclare-t-il dans une déclaration rapportée par le site Infomigrants.net.
De guerre lasse, il avait troqué sa carrière sportive contre une formation professionnelle en électricité et en mécanique mais il n’a pu trouver aucun emploi.
Désormais installé en Espagne, l’ex-champion marocain de taekwondo veut désormais continuer sa carrière. « J’aurais voulu pouvoir la continuer au Maroc et transmettre mon expérience à d’autres », regrette Anouar Boukharsa.
Loin d’être une exception, le hrig (émigration clandestine) des champions de condition modeste est en passe de devenir un sport national.
Des chiffres qui donnent le tournis
En effet, quelques jours avant Anouar Boukharsa, Hicham Kellouch, un ex-footballeur marocain, avait mis les voiles pour rejoindre l’Europe.
Un an plus tôt, en août 2018, une footballeuse marocaine, Meriem Bouhid, avait choisi l’émigration clandestine en profitant d’un tournoi joué en Espagne. « C’est dommage qu’elle soit partie comme ça. Elle aurait pu recevoir des offres de clubs européens. L’année dernière, quatre joueuses sont parties évoluer dans des clubs en Espagne et en Turquie », se désolait, dans une déclaration à l’AFP, Mustapha Benslimane, le président de son club (Olympique de Safi).
Toujours en 2018, le jeune champion national de kickboxing, Ayoub, 21 ans, est mort noyé avec 23 autres migrants en tentant de gagner l’Espagne.
Selon les chiffres officiels, 54 000 tentatives d’émigration ont été avortées par les autorités marocaines – de janvier à août 2018 – contre 39 000 en 2017.
Un autre chiffre donne le tournis : celui de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) : 6 000 Marocains ont rejoint clandestinement l’Espagne entre janvier et septembre 2018 contre près 2 700 au cours de la même période de 2017.
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