EN IMAGES : Pour cueillir l’or rouge d’Espagne, les Marocaines affrontent abus et coronavirus
À chaque saison des récoltes, des milliers de travailleurs migrants marocains, principalement des femmes, arrivent sur les rives du sud de l’Espagne pour travailler dans les champs de fraises.
Cueillir « l’or rouge » sous le soleil d’Andalousie est un travail de rêve pour de nombreuses femmes originaires des régions rurales du Maroc, qui vivent généralement dans la pauvreté, ont des personnes à charge et survivent grâce aux travaux agricoles.
Alors que ceux qui travaillent dans les champs au Maroc gagnent environ 73 dirhams (7 euros) par jour, les cueilleurs de fraises espagnols peuvent s’attendre à gagner environ 42 euros pour un journée de huit heures. (MEE/Pablo Tosco)
La province espagnole de Huelva est occupée par des milliers de serres dédiées à la culture de la fraise. Le climat chaud de cette région d’Andalousie favorise la récolte des fraises de janvier au début de l’été.
Les fruits délicats – qui se vendent environ 3 euros le kilo dans les supermarchés espagnols – sont récoltés par des milliers de travailleurs migrants, dont entre 14 000 et 19 000 travailleurs temporaires marocains.
Pendant la récolte, les travailleurs vivent souvent dans des cabanes surpeuplées à la ferme et ont rarement un aperçu de la vie au-delà des champs de fraises. (MEE/Pablo Tosco)
Malgré les allégations d’exploitation et d’abus sexuels des travailleurs, des milliers de Marocaines sont attirées par la promesse d’un meilleur salaire et ont hâte de traverser le détroit de Gibraltar pour cueillir des fraises en Espagne.
Mais cette année, la pandémie de coronavirus a mis un terme aux plans de nombreux travailleurs.
Le 25 mars, afin de contenir l’épidémie de COVID-19, le gouvernement du Premier ministre Pedro Sánchez a annoncé le gel des embauches des travailleurs étrangers et maintenu la fermeture de la frontière entre l’Espagne et le Maroc.
En raison de ces mesures, seuls 7 000 travailleurs temporaires venant du Maroc – sur les 19 000 qui avaient obtenu des visas et des contrats – ont atteint les côtes espagnoles. (MEE/Pablo Tosco)
La situation a privé 11 000 Marocaines de l’emploi pour lequel elles avaient été embauchées. Fatima, 44 ans, en fait partie.
Jusqu’à présent, Fatima travaillait sporadiquement sans contrat dans l’agriculture marocaine, cueillant des haricots et des citrons pour 7 euros par jour. Cette année, elle a décidé de s’essayer aux serres de fraises de Huelva.
En mars, lorsque MEE a rendu visite à Fatima dans sa maison à la périphérie de Rabat, elle emballait ses affaires et était « très heureuse » de son premier voyage en Espagne pour participer à la récolte des fraises.
« Maintenant, je suis enfermée à la maison, sans travail et consommant ce que j’ai acheté avant d’aller à Huelva », explique par téléphone à MEE cette mère de trois enfants divorcée qui avait emprunté de l’argent pour payer son visa pour l’Espagne. (MEE/Pablo Tosco)
Mais l’herbe n’est pas toujours plus verte dans le jardin d’à côté, selon plusieurs Marocaines qui se sont essayées à l’emploi de courte durée en Espagne.
En 2018, dix employées temporaires marocaines ont porté plainte contre la société agricole Doñana 1998 S.L. pour non-paiement, mauvaises conditions de travail, abus et agressions sexuelles.
Le récit de leur expérience traumatisante s’est répandu sur les réseaux sociaux et a été largement rapporté par les médias espagnols. Lorsque leur témoignage a finalement atteint le Maroc, beaucoup ont dit avoir été rejetées par leur famille.
Ces femmes vivent maintenant dans un exil amer, se cachent en Espagne et attendent le procès. (MEE/Pablo Tosco)
Aïcha (son nom a été changé) est l’une des dix intérimaires marocaines qui ont déposé plainte contre Doñana 1998 S.L. en 2018. Elle vit désormais cachée dans le sud-est de l’Espagne.
Elle raconte qu’une cadre de l’entreprise leur avait offert la possibilité de gagner plus d’argent en faisant « quelque chose » de différent.
« Ils nous ont dit que nous n’avions pas besoin de travailler dans les champs, que nous pouvions aller avec des hommes en échange d’argent », explique Aïcha.
Compte tenu de leur situation vulnérable, certaines migrantes « ont accepté l’argent, sont tombées enceintes et ont avorté », poursuit-elle. (MEE/Pablo Tosco)
Si les Marocaines viennent travailler dans les champs de fraises d’Espagne, c’est parce qu’elles sont pauvres, explique José Antonio Brazo Regalado, représentant du Syndicat des travailleurs andalous de Huelva.
« Pendant les trois ou quatre mois qu’elles passent généralement à Huelva, elles peuvent économiser suffisamment d’argent pour survivre chez elles pendant toute l’année, pour nourrir leurs enfants et leur famille. »
Ramasser des fraises est un des emplois les moins rémunérés d’Espagne, peu d’Espagnols se portent donc volontaires pour la cueillette, mais d’après lui, les fruits continuent d’être le principal pilier économique de la région.
« C’est pourquoi ils embauchent des femmes venant du Maroc, car elles peuvent supporter presque tout. » (MEE/Pablo Tosco)
* Ce reportage a été rendu possible grâce à une subvention de l’Union européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de la Fundació Surt et ne reflète pas nécessairement la position de l’Union européenne.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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