EN IMAGES : Au Liban, des producteurs de haschich misent sur l’industrie du bien-être pour contrer la crise économique
Le haschich est depuis longtemps un pilier économique illégal mais fondamental dans la région libanaise de Baalbek, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Beyrouth.
La crise financière qui sévit dans le pays depuis la fin de l’année 2019 a durement touché les communautés qui dépendent de la culture du chanvre, dont est issu le narcotique. Alors que la monnaie libanaise a perdu 80 % de sa valeur, les agriculteurs s’interrogent sur la viabilité économique d’un produit qui les fait vivre depuis des générations.
« Avant la crise, [le prix] était de 600 dollars [environ 500 euros] pour 1,25 kg de haschich en moyenne », indique Talal Chamas, 23 ans, diplômé en commerce et agriculteur.
Alors que le gouvernement a mis un frein aux exportations et que l’économie du pays a plongé, 1,25 kg de la récolte de l’an dernier ne rapportait que 500 000 livres libanaises – soit moins de 60 euros à l’heure actuelle. (MEE/Elizabeth Fitt)
Au lieu de perdre espoir, une famille du village de Bodai y voit une occasion d’innover. Ne se laissant pas décourager par la baisse des revenus, ils cherchent à se diversifier dans des produits durables et sains, plus adaptés à l’industrie du bien-être qu’au commerce illégal de drogue.
Hamza Chamas, 34 ans, est un membre fondateur de l’initiative, en charge de la recherche et du développement. Il explique qu’après avoir retiré les bourgeons de chanvre pour les transformer en haschich, les agriculteurs brûlent généralement le reste de la plante – « alors que cette tige a une grande valeur », affirme-t-il.
« Notre plante nous donne tout ici », confie Hamza. « Notre vision, ambitieuse, consiste à créer un écosystème alternatif pour le village qui nous appartient, issu de nos ressources. »
Sur cette photo, Hamza (au centre) et Abbas Chamas expérimentent des mélanges de ciment de chanvre pour fabriquer des briques sous les yeux des enfants de la famille. (MEE/Elizabeth Fitt)
Après avoir commençé par le lait de chanvre, la famille Chamas travaille à la production d’une gamme de produits, dont de l’huile et du beurre de chanvre destinés à un usage alimentaire et cosmétique, et de la fibre de chanvre pour la fabrication de tissus.
Les sous-produits seront utilisés comme agrégats dans la fabrication de briques et comme engrais. Rien ne sera gaspillé.
Les outils visibles sur cette photo servent à séparer les fibres des tiges de chanvre, qui sont ensuite transformées en cordage et en tissu.
Même si leur nouvelle offre est conforme à la législation libanaise du mois d’avril, qui légalise le commerce de chanvre pour des usages médicaux et industriels, les Chamas s’opposent à la nouvelle loi et y voient une manœuvre relevant de l’exploitation opérée par un gouvernement notoirement corrompu qui ferait n’importe quoi pour faire rentrer de l’argent afin de soutenir l’élite politique.
« Nous sommes pour la légalisation mais nous sommes contre cette loi », soutient Talal Chamas, membre de la famille de Hamza. « Ce n’est pas une loi pour protéger les gens, c’est une loi pour faire du profit [en faveur des responsables politiques] ».
Qu’il soit légal ou non de cultiver et de transformer les plantes, les Chamas étaient de toute façon prêts à emprunter cette voie, affirment-ils. Ils ne veulent pas que le gouvernement y participe : leur objectif est plutôt de construire leur propre économie circulaire locale.
Les Chamas craignent que la nouvelle loi ne donne lieu à un monopole commercialisé de l’industrie par l’élite politique. « En tant qu’agriculteur, je devrai aller leur acheter des graines. Et plus tard, je leur achèterai [des insecticides et de l’engrais], puis je leur donnerai le produit et ils me donneront 1 000 dollars pour en gagner un million », déplore Talal. (MEE/Elizabeth Fitt)
Fabriqué à partir de graines que la famille Chamas se transmet de génération en génération, le lait de chanvre est vendu sur le marché local et dans la capitale Beyrouth, où les clients sont ravis de profiter de ses bienfaits pour la santé. « C’est un super aliment », affirme Hamza.
Propriétaire d’un hôtel à Beyrouth, Michel Cheblis envisage de tester le lait de chanvre des Chamas auprès de ses clients pendant un mois.
« Ce lait est fantastique », déclare Michel Cheblis. Enthousiasmé par le potentiel des nouveaux produits issus du chanvre pour le Liban, il prévoit une certaine résistance politique de la part des partis désireux de maintenir des zones rurales sous-développées – mais « il serait certainement judicieux de produire localement et d’exporter », estime-t-il. (MEE/Elizabeth Fitt)
Les affrontements sont fréquents entre les familles travaillant dans le commerce de la drogue dans la région de Baalbek, où la pauvreté sévit et où le droit clanique l’emporte souvent sur le droit judiciaire.
Hassan, un membre de la famille Chamas, se repose après avoir répondu à des tirs à balles réelles d’une famille voisine.
Talal pense qu’une production innovante issue de la culture de chanvre existante pourrait contribuer à calmer la situation dans la région. « Si tout le monde travaille, nous pourrons tous nous rassembler pour aller dans la même direction, assure-t-il. Cela pourrait réduire la violence.
« Nous sommes les premiers à faire ce pas. Faire de même n’intéresse pas tout le monde aujourd’hui, mais avec le temps, ils le feront. Je vous assure qu’ils le feront. » (MEE/Elizabeth Fitt)
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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