Quarantine diaries : une bande dessinée en ligne pour aider à surmonter la crise sanitaire
Partout dans le monde, des écrivains et artistes ont réussi à immortaliser les confinements imposés par leurs gouvernements respectifs dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Inspirée par ses propres expériences, l’artiste égyptienne Mai el-Naga a créé Quarantine Diaries, une série web mettant en vedette une jeune femme appelée Hoor dans diverses situations auxquelles le lecteur peut s’identifier, comme commander de la nourriture au restaurant et tenter de réduire le risque d’infection potentielle.
« Chez moi, ce sont toujours mes frères qui veulent commander à manger au fast food », raconte l’artiste. « Et il y a tout le temps des petites disputes : ‘’Non, vous ne pouvez pas commander de la nourriture au fast food en ce moment, les plats seront contaminés’’, et ainsi de suite. Alors à chaque fois, nous essayons de développer différentes stratégies pour obtenir la nourriture sans toucher quoi que ce soit. » (Les illustrations sont reproduites avec l’aimable autorisation de Mai el-Naga)
« J’essayais toujours de trouver de l’humour dans ces situations et de l’apporter aux illustrations », ajoute Mai el-Naga, également étudiante en sixième année de médecine à l’université Ain Shams du Caire.
L’artiste puise une grande partie de son inspiration au sein de sa propre famille, y compris auprès de sa sœur cadette, qu’elle peut notamment voir suivre ses cours sur la plateforme en ligne Zoom depuis son lit encore froissé. « Je la prends en photo puis les images me servent plus tard de référence... tous les mèmes et blagues concernaient Zoom, comment on suit ses cours sur Zoom alors qu’on est encore au lit, etc. »
Traduction de l’illustration : « Oui, Monsieur le Professeur. »
« Je voulais vraiment créer des œuvres d’art qui reflètent l’époque et j’avais l’impression qu’une bande dessinée web était l’idéal ; créer un personnage que les gens pourraient voir et différents scénarios serait plus intéressant que d’avoir simplement des œuvres différentes », estime Mai el-Naga. Sur cette illustration, on peut voir Hoor personnaliser son pyjama – une réflexion sur la popularité croissante des vêtements de nuit et de détente depuis que de plus en plus de personnes se sont mises à étudier et travailler chez elles.
Malgré les effets dévastateurs de la pandémie, qui a fait plus de deux millions de morts à travers le monde, Mai el-Naga a opté pour des créations joyeuses. « Personnellement, je pense que l’art a un rôle plus important que celui de simplement réfléchir à la situation actuelle ... y réfléchir oui, mais aussi y ajouter, vous aider à vous sentir mieux. C’est ce que j’essaie de montrer aux gens à travers mon travail. »
Après une série de couvre-feux de plus en plus stricts, l’Égypte a mis en place un confinement national en mai 2020, pendant le mois de jeûne musulman du Ramadan. Pendant ce mois où la nourriture est habituellement à l’honneur, de nombreux cuisiniers amateurs confinés chez eux se sont tournés vers leurs fourneaux pour expérimenter de nouvelles recettes.
« Si certains ont profité [du confinement] pour explorer leurs talents, alors on peut dire que [la cuisine] était vraiment le passe-temps numéro un que les gens essayaient d’exploiter », commente el-Naga, dont le personnage Hoor est ici vu en train de tenter de réaliser un balah al-sham, une sirupeuse pâtisserie traditionnelle du Moyen-Orient.
« Oui, nous traversons cette période difficile, mais d’un autre côté, si on regarde ça différemment, de manière un peu humoristique, on constate que les choses ne sont pas toutes mauvaises », déclare la dessinatrice. « On peut toujours entretenir les liens avec sa famille, cuisiner, etc. »
Et il y a des choses positives, comme ces petits actes de bonté accomplis à travers le monde. Dans une série d’illustrations distinctes inspirées du COVID-19, Mai el-Naga évoque la manière dont les voisins se sont aidés les uns les autres en achetant des produits de première nécessité pour les plus vulnérables.
Traduction de l’illustration : « À notre cher voisin. »
Pour les personnes les moins à risque, sortir de chez soi était souvent considéré comme un privilège. Chez les al-Naga, aller faire les courses une fois par semaine était devenu une évasion convoitée, même si cela impliquait de devoir nettoyer et désinfecter les achats au retour.
Traduction de l’illustration : « Sac de courses. »
Bien que leur ton demeure optimiste, les illustrations d’el-Naga mêlent parfois douceur et amertume. Dans cette image, l’artiste a reproduit une scène de repas virtuel partagé par une famille séparée par les restrictions de voyage liées au coronavirus.
« C’est un dessin très personnel », confie la jeune femme, dont le père travaille à l’étranger et n’a pas pu venir leur rendre visite aussi souvent que d’habitude depuis le début de la pandémie. « C’est dix fois plus difficile pour lui de venir. Et il y a toujours le risque de ne pas pouvoir repartir. »
Traduction de l’illustration : « Vol annulé. »
L’illustration préférée de Mai el-Naga sur le COVID montre une enfant jouant aux échecs avec son grand-père, assis à l’intérieur d’une cabine en verre protectrice. Le dessin exprime la puissance de leurs liens malgré la barrière physique qui les sépare.
« Mes grands-parents, je veux leur rendre visite réellement, je ne veux pas que ce soit virtuel, mais il y a aussi un risque. Alors j’avais envie de mettre [le grand-père] dans cette cabine de verre et le faire jouer avec elle aux échecs, créant un lien très fort... avec précaution. »
Tandis que les restrictions temporaires devenaient de plus en plus permanentes, el-Naga a, comme tout le monde, dû s’adapter, transférant une grande partie de son travail artistique en ligne. « J’ai exploré de nouvelles plateformes pour présenter les œuvres et les envoyer à divers endroits tout en restant chez moi, même des expositions, des événements en ligne, etc.
« J’ai le sentiment que les gens se sont vraiment adaptés à l’idée de tout transférer en ligne, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’artistes ; cela m’a permis d’explorer l’ensemble des plateformes en ligne plus profondément. »
Traduction de l’illustration : « Désinfectant pour les mains, tue 99,9 % des microbes. »
Un thème répandu dans l’œuvre de Mai el-Naga est celui des clivages de classe, comme le montre cette illustration inspirée du film sud-coréen primé aux Oscars Parasite, qui met en lumière les disparités entre riches et pauvres dans le pays.
« Je pensais que c’était aussi très pertinent vis-à-vis de ce qui se passait à l’époque, car je voyais beaucoup de gens se plaindre sur Facebook en disant qu’ils voulaient sortir de chez eux, etc., alors que, de l’autre côté, la femme qui vient faire le ménage à la maison, je l’entendais dire à quel point les choses étaient devenues dix fois plus difficiles pour elle. Elle gagne moins d’argent qu’auparavant, ayant perdu son travail dans différentes maisons à cause des risques...
« Je sentais que c’était un point sur lequel je voulais insister. Il n’y a pas que toi, qui t’ennuies car tu dois rester confiné chez toi, il y a d’autres personnes aussi, pour qui c’est différent. »
Traduction de l’illustration : « #restez_chez_vous »
Traduit de l’anglais (original).
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