EN IMAGES : Pourquoi les Jordaniens aiment toujours Saddam Hussein
Des autocollants pour pare-chocs aux coques de téléphone portable, en passant par les masques de protection contre le coronavirus, l’image de l’ancien président irakien Saddam Hussein est très répandue dans la capitale jordanienne, Amman.
Malgré les violations des droits de l’homme qu’il a commises, l’ex-dirigeant baasiste, exécuté en 2006 après l’invasion de l’Irak par les États-Unis, reste dans la mémoire de nombreux Jordaniens pour ses idéaux en matière de nationalisme arabe et son image de résistant face à l’ingérence occidentale au Moyen-Orient. (Photos : Mohammad Ersan)
De nombreux Jordaniens interrogés par Middle East Eye attribuent sa popularité au soutien apporté par Saddam à la cause palestinienne, matérialisée notamment par des versements aux familles des personnes tuées par Israël, ainsi que par le financement de bourses d’études au profit d’étudiants palestiniens et jordaniens en Irak.
À cela s’ajoutent les généreuses subventions économiques accordées par l’Irak à la Jordanie sous Saddam, notamment une fourniture de pétrole assurée à des taux subventionnés ou gratuitement. Bien qu’il ait été renversé en 2003, Saddam Hussein reste populaire auprès des membres de la tribu jordanienne al-Nawaysa, qui ont donné à tous leurs fils nés en 2010 le prénom du leader baasiste.
Comme la plupart des États arabes, la Jordanie a soutenu l’Irak pendant sa guerre contre son voisin iranien tout au long des années 1980, mais a également apporté son soutien au pays après son invasion du Koweït en 1990, chose rare parmi les États arabes, qui se sont largement opposés à l’occupation et ont rejoint les efforts menés par les États-Unis pour chasser les Irakiens.
Après avoir initialement adopté une position de neutralité, le défunt roi Hussein de Jordanie a déclaré que l’intervention américaine était « contre tous les Arabes et tous les musulmans, pas seulement contre l’Irak ».
Au cours de la décennie suivante, cependant, les relations entre les deux États arabes se sont refroidies, la Jordanie ayant fourni un nombre limité de bases aux forces spéciales américaines sur son territoire en vue de l’invasion de l’Irak en 2003.
Usama Yacoub, 25 ans, commerçant dans le centre-ville d’Amman, a une photo de l’ancien dirigeant irakien sur sa coque de téléphone portable. « Saddam était quelqu’un qui résistait », affirme-t-il à MEE. « Selon moi, c’était le meilleur dirigeant arabe. C’était un héros qui résistait aux occupants et je suis fier d’avoir sa photo. Je ne le considère pas comme un dictateur. Il a sacrifié sa vie pour son peuple. »
L’auteur Walid Hosni explique que pour de nombreux Jordaniens, Saddam Hussein représente « l’image du héros arabe disparu qui tient tête aux États-Unis et à Israël […] Sa présence en Jordanie dépasse celle de l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser. »
Ibrahim Amari, chauffeur de taxi, est du même avis. Il a accroché le portrait de Saddam Hussein dans sa voiture afin de rappeler à ses passagers son rôle dans la confrontation avec Israël, qui était l’une des cibles des missiles Scud irakiens pendant la première guerre du Golfe.
« Pas un seul dirigeant arabe n’a osé faire cela », affirme-t-il. La photo suscite néanmoins des réactions mitigées de la part de ses clients : « Il y a différents points de vue. Certains Irakiens de Jordanie sont dérangés par cette photo parce qu’ils n’aimaient pas Saddam, mais la grande majorité de mes passagers aiment la photo qui est accrochée et en disent du bien. »
Tous les Jordaniens ne sont pas fans de Saddam Hussein, à l’instar de Nadine Mayita. « Il a détruit l’Irak en envahissant un autre pays arabe, le Koweït », soutient-elle. « Il a infligé la misère à son peuple, il a perpétré des massacres contre les minorités et contre son propre peuple, contre les Kurdes à Halabja, avec des armes chimiques. »
Le soutien apporté par la Jordanie à l’Irak pendant la première guerre du Golfe n’a pas été sans conséquence. Des centaines de milliers d’expatriés jordaniens travaillant dans les États du Golfe ont été expulsés, tout comme des Palestiniens et des Yéménites, dont les dirigeants avaient également soutenu Saddam.
Les envois de fonds des Jordaniens travaillant à l’étranger constituaient une source importante de devises étrangères pour le pays. L’économie jordanienne a subi des pertes estimées entre 4 et 8 milliards de dollars dans les mois qui ont suivi le conflit.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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