Sept femmes iconiques qui ont contribué à définir le monde arabe
Le rôle des femmes dans les sociétés arabes a longtemps été un sujet de débat et de fascination, tant dans la région qu’en dehors de ses frontières.
D’une part, l’inégalité entre les sexes est courante et les femmes sont faiblement représentées dans la gouvernance à travers le monde arabe, ainsi que dans d’autres secteurs influents.
De l’autre, la région a donné naissance à des femmes qui ont influencé le développement des arts, des sciences et de la pensée religieuse.
Elles ont été impliquées dans le développement de tendances ascétiques au sein de l’islam, ont fondé les premiers établissements d’enseignement de la région ou même créé de nouvelles formes d’architecture audacieuses.
Dans cet article, Middle East Eye dresse le portrait de sept personnalités féminines qui forment un échantillon représentatif des femmes influentes de la région, du Moyen Âge à l’ère moderne.
Fatima al-Fihri
Fatima al-Fihri est née en l’an 800 dans la ville tunisienne d’al-Quaraouiyine. Nous lui devons la création, dans la ville marocaine de Fès, de la première université au monde.
L’Université d’al-Quaraouiyine a été créée en tant qu’établissement d’enseignement en 859. Tant l’UNESCO que Le Livre Guinness des records l’ont reconnue comme étant la plus ancienne université au monde.
Fatima al-Fihri est née au sein d’une riche famille de marchands, où on lui enseigne l’importance de l’éducation et de la religion.
Bien que l’on sache peu de choses de sa vie personnelle, elle aurait passé une grande partie de sa jeunesse à étudier la jurisprudence islamique, ainsi que les paroles et enseignements attribués au prophète Mohammed.
À la mort de son père, Fatima al-Fihri hérite de sa richesse et décide d’en faire bon usage en créant une madrassa, c’est-à-dire une école prodiguant les enseignements islamiques.
Après avoir déménagé au Maroc, elle estime que son nouveau pays a besoin d’un lieu où tout le monde, y compris les femmes, pourrait étudier.
Ainsi, elle crée un établissement d’enseignement supérieur à qui elle donne le nom de sa ville natale, al-Quaraouiyine.
L’institut est composé d’une mosquée, d’une bibliothèque et de salles de cours. Les enseignements incluent des matières islamiques et profanes, notamment l’étude du Coran, la grammaire arabe, les mathématiques et la musique.
L’institut al-Quaraouiyine offre des diplômes pour certifier les connaissances académiques acquises, ce qui le distingue d’autres lieux d’apprentissage similaires créés auparavant.
Parmi les diplômés les plus célèbres figurent le philosophe juif Moïse Maimonide et le sociologue musulman du Moyen Âge Ibn Khaldoun.
Sameera Moussa
Née dans le gouvernorat égyptien de Gharbeya en 1917, Sameera Moussa compte parmi les scientifiques nucléaires les plus importants du pays.
Sameera commence à s’intéresser à la technologie nucléaire après la mort de sa mère des suites d’un cancer alors qu’elle est encore enfant.
Prenant conscience de l’importance de la recherche nucléaire dans le traitement des maladies, elle promet de créer « un traitement nucléaire aussi disponible et bon marché que l’aspirine ».
Sameera Moussa excelle et obtient une maîtrise en radiologie en 1939, avant de devenir chercheuse spécialisée dans l’impact des rayons X sur différents matériaux. Le domaine est alors peu connu, et elle devient l’une des principales autorités mondiales sur le sujet.
Au lendemain des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki par les États-Unis en 1945, Sameera Moussa s’efforce d’assurer une utilisation exclusivement pacifique de la technologie nucléaire et organise une conférence intitulée « L’énergie atomique pour la paix » en vue de faire pression sur les gouvernements afin qu’ils n’utilisent par l’arme atomique.
Sa mort dans un accident de voiture en 1952 demeure entourée de mystère : certains affirment qu’elle aurait été orchestrée par le Mossad, l’agence de renseignements israélien, pour empêcher l’avancement du programme de recherche nucléaire égyptien.
Zaha Hadid
Née à Bagdad en 1950, Zaha Hadid a été l’une des architectes les plus importantes de l’ère moderne, concevant des structures que l’on retrouve aujourd’hui à travers le monde, dans des villes aussi diverses que Londres, Bakou, New York ou Anvers.
Ses créations se distinguent par leurs formes uniques et dynamiques, qui intègrent des styles inspirés de phénomènes naturels comme les vagues et les glaciers. Rejetant les tendances dominantes de l’architecture, Zaha Hadid a imaginé des projets radicaux qui lui ont valu une réputation de « déconstructiviste ».
En 2012, Zaha Hadid, qui dispose également de la nationalité britannique, devient Dame Zaha Hadid, en recevant l’ordre de l’Empire britannique. Elle confie avoir connu des difficultés au début de sa carrière dans une industrie dominée par les hommes. Ses conceptions antérieures sont considérées comme étant trop « agressives » et ne deviendront jamais davantage que des plans sur papier.
Hadid étudie les mathématiques à l’Université américaine de Beyrouth, avant de s’inscrire en architecture à Londres.
En 1979, elle crée Zaha Hadid Architects et se forge une réputation mondiale grâce à ses conceptions imaginatives et originales.
En 2004, elle est la première femme à recevoir le prix Pritzker d’architecture. Elle conçoit ensuite certains des bâtiments les plus emblématiques et les plus frappants du monde, tels que le centre aquatique des Jeux olympiques de Londres et l’opéra de Canton en Chine.
Zaha Hadid remporte également le prix Stirling pour son travail sur l’Evelyn Grace Academy, une école secondaire en forme de Z dans le quartier de Brixton à Londres, traversée en son cœur par une piste de course.
Une autre de ses conceptions notables est le pont Cheikh-Zayed d’Abou Dabi, doté de hautes arches et de courbes inspirées de l’ondulation des dunes de sable.
Zaha Hadid décède en 2016 à l’âge de 65 ans, laissant derrière elle 36 projets inachevés, dont le stade de la Coupe du monde al-Janoub au Qatar et le King Abdullah Petroleum Studies and Research Center à Riyad, en Arabie saoudite.
Anbara Salam Khalidi
Écrivaine, traductrice et féministe, Anbara Salam Khalidi est la fondatrice de l’une des premières sociétés féminines du Moyen-Orient, et son influence s’étendra bien au-delà des frontières du Liban, où elle voit le jour en août 1897.
Issue d’une famille d’érudits et d’hommes politiques musulmans, Anbara Salam est dotée d’une grande culture et se passionne pour la littérature dès son plus jeune âge.
Elle est promptement initiée à la pensée féministe par un enseignant de son école et commence, dès son adolescence, à écrire pour des journaux sur l’importance de l’éducation des femmes.
Pendant la Première Guerre mondiale, Anbara Salam et un groupe de femmes partageant les mêmes idées enseignent dans des écoles et des refuges. Elle voyage ensuite en Grande-Bretagne, où elle se familiarise avec le combat des suffragettes et d’autres mouvements féministes.
Dans ses mémoires, publiés en arabe en 1978, elle dit s’être rebellée contre le voile très tôt dans sa vie et avoir également refusé toute proposition de mariage jusqu’à l’âge de 30 ans, après quoi elle épouse Ahmad Samih Khalidi, membre d’une éminente famille de Jérusalem.
En Palestine, elle consacre son temps à promouvoir les causes des organisations de la société civile et aider à l’organisation de leurs activités, ainsi qu’à résister à la colonisation sioniste galopante.
Cependant, comme plus de 700 000 Palestiniens, les Khalidi sont contraints de fuir la Palestine en 1948 lors de la Nakba et la création d’Israël. Anbara Salam Khalidi décédera à Beyrouth en 1986.
Shajarat al-Dur
Souveraine d’Égypte dont le nom signifie « arbre de perles », Shajarat al-Dur est l’épouse du premier sultan de la dynastie mamelouke bahrite et la première femme à siéger sur un trône égyptien depuis Cléopâtre.
Née au début du XIIIe siècle dans l’actuelle Turquie, Shajarat al-Dur est l’exemple rare d’une femme ayant atteint le sommet du pouvoir dans le monde islamique prémoderne.
Esclave, Shajarat al-Dur réalise une ascension rapide au sein du palais jusqu’à devenir la principale concubine et, plus tard, l’épouse du sultan ayyoubide as-Salih.
Lorsque celui-ci décède, Shajarat al-Dur garde sa mort secrète et prend le contrôle partiel des forces musulmanes égyptiennes, les aidant à vaincre les armées des croisés lors de la bataille de Mansourah en 1250. Cette victoire contrecarre les plans des croisés, qui voulaient utiliser l’Égypte comme une base arrière pour attaquer et reconquérir Jérusalem.
À la mort de Salih, il est attendu de son épouse qu’elle se retire et cède le pouvoir à un autre homme. Or Shajarat al-Dur conserve le pouvoir, d’abord en devenant sultane, puis en épousant l’un des officiers de son époux, un mamelouk turc dénommé Aybak.
Ce faisant, Aybak devient sultan et la domination ayyoubide en Égypte prend fin, substituée par celle des mamelouks.
Alors qu’Aybak assume les responsabilités militaires, Shajarat al-Dur dirige le sultanat, mais leur relation tourne au vinaigre lorsque le sultan prend une seconde épouse. Shajarat al-Dur fait assassiner Aybak et tente de faire passer le meurtre pour une mort soudaine et inattendue.
Néanmoins, les officiers du sultan mamelouk soupçonnent un acte criminel et, soumis à la torture, les complices de Shajarat al-Dur avouent le complot. Elle sera emprisonnée puis assassinée à son tour.
Rabia al-Adawiyya
L’une des figures les plus importantes du développement du soufisme, Rabia al-Adawiyya, parfois appelée Rabia Basri, est née dans une famille pauvre de Bassorah, en Irak, en 701.
Elle est vendue comme esclave par sa famille, qui connaît de grandes difficultés financières. Les archives sur sa vie indiquent qu’après avoir terminé ses tâches ménagères, elle a coutume de passer toute la nuit à prier.
D’après la légende, un jour, son maître aurait vu une lumière brillante au-dessus de sa tête, illuminant la zone alentour – certains récits la décrivent comme étant semblable à un halo.
La vision convainc l’homme de la libérer au motif qu’il serait mal de garder une femme aussi pieuse à son service.
Une fois libre, Rabia al-Adawyya adopte un style de vie ascétique, rejetant les biens matériels et le mariage, et consacrant sa vie à l’adoration de Dieu.
Ses opinions religieuses sont résumées dans sa poésie, elle soutient notamment que la croyance en Dieu devrait être fondée sur l’amour plutôt que sur la peur du châtiment ou le désir de récompense.
Décédée à l’âge approximatif de 85 ans, Rabia al-Adawyya inspirera la pensée soufie pour les siècles à venir.
Fairouz
La voix de Fairouz est omniprésente au Moyen-Orient et au-delà. Ses chansons évoquent la nostalgie, la sérénité et le désir.
Née Nuhad al-Haddad à Beyrouth en 1934, Fairouz, est découverte à l’adolescence par un musicien du nom de Mohammed Fleifel. Elle acquiert plus tard le surnom de Fairouz, mot arabe signifiant turquoise, après sa première apparition à Radio Liban à la fin des années 40.
La personnalité hors du commun de Fairouz et son étendue musicale ont contribué à forger l’archétype de la diva arabe, que de nombreux artistes tentent encore d’émuler de nos jours.
Fairouz gagne vite en popularité, notamment grâce aux paroles de ses chansons louant les vertus de la nation arabe, de l’amour, et la cause palestinienne.
L’une de ses chansons les plus connues est Sanarjaou Yawman (« nous reviendrons un jour »), dédiée aux Palestiniens contraints à l’exil après la création d’Israël en 1948.
L’artiste, aujourd’hui âgée de 86 ans, est considérée comme une institution au Liban et à travers le monde arabe.
Traduit de l’anglais (original).
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