Visite de Biden au Moyen-Orient : pourquoi un pacte de sécurité dirigé par Israël est un tigre de papier
Après des mois de tergiversations, le président américain Joe Biden semble avoir finalement décidé de se rendre en Arabie saoudite en juillet pour rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salmane.
Son premier voyage présidentiel au Moyen-Orient intervient dans un contexte de tensions accrues, alors que les faucons anti-iraniens dans le Golfe et en Israël font pression sur la Maison-Blanche pour la pousser à renoncer aux négociations autour de l’accord sur le nucléaire et à se confronter directement à l’Iran. La réalité, cependant, est qu’il n’y a pas de solution militaire à la question iranienne.
Les revendications des responsables israéliens en faveur d’un renforcement militaire régional contre l’Iran rappellent la vision d’une “OTAN arabe” de l’ancien président Donald Trump – un concept bancal qui n’a jamais été réalisable et qui n’aurait guère dissuadé l’Iran de se livrer à ses activités acceptables dans la région, et qui aurait encore moins persuadé l’Iran de renoncer à ses ambitions nucléaires.
Les armées du Moyen-Orient sont un mélange de programmes et de technologies difficilement intégrables
Les appels à une intensification de la présence militaire américaine au Moyen-Orient ne sont pas non plus en phase avec les réalités à Washington. Les deux présidents américains qui ont suivi Barack Obama ont tenté de revoir à la baisse leurs engagements dans la région et de donner aux acteurs locaux les moyens de prendre en charge la sécurité. C’est la tendance que suit Biden. Pour l’administration actuelle, le Moyen-Orient ne doit pas devenir une distraction qui immobiliserait des ressources essentielles au revirement géostratégique américain vers l’Asie-Pacifique.
L’accord sur le nucléaire iranien constituerait une première étape vers la création d’un cadre d’intégration régionale positive, construit non pas autour d’ennemis communs, mais autour de préoccupations et d’intérêts partagés. Dans l’idéal, Washington souhaiterait voir se développer un cadre de sécurité régionale incluant l’Iran et dans lequel la confrontation entre les pays du Golfe et la République islamique serait remplacée par un engagement direct.
Le budget militaire
Dans ce contexte, il est peu probable que les États-Unis étendent leur présence militaire actuelle, chiffrée à environ 50 000 soldats, dans la zone couverte par le Commandement central américain (CENTCOM). Pourtant, une part disproportionnée du budget militaire américain est consacrée au Moyen-Orient, bien que les opérations en Irak et en Afghanistan aient pris fin dans une large mesure : près de 6 milliards de dollars par an, sans compter les 2,7 milliards de dollars affectés à l’Afghanistan. Israël figure en tête de la liste des bénéficiaires, avec plus de 146 milliards de dollars d’aide militaire américaine reçue depuis 1946.
Ainsi, bien que les États-Unis tentent de réduire leur poids dans la région, ils continuent de payer la facture de la sécurité régionale. Des dizaines de milliards de dollars de technologie militaire américaine sont distribués chaque année aux partenaires régionaux. D’importantes missions américaines de renforcement des capacités et des compétences sont en cours.
Pourtant, malgré tous ces efforts, les États-Unis ne sont pas parvenus à créer une infrastructure de sécurité autonome dans la région capable de tirer son épingle du jeu sans le leadership des États-Unis, tout au moins dans le domaine militaire – et cet échec est en grande partie imputable aux partenaires locaux des États-Unis eux-mêmes.
D’un point de vue stratégique, il n’y a pas de terrain d’entente ou de climat de confiance propice à un pacte de sécurité au Moyen-Orient. Pour l’Irak, le Qatar, le Koweït et Oman, l’Iran fait partie intégrante de l’infrastructure de sécurité régionale et doit être incorporé. D’un point de vue plus large, la perception des menaces et les définitions de la sécurité diffèrent considérablement entre les différents États de la région.
La perception des menaces et les définitions de la sécurité diffèrent considérablement entre les différents États de la région
Même si un petit groupe d’États – parmi lesquels l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël – peuvent s’accorder à dire que l’Iran représente la plus grande menace pour la sécurité et la stabilité régionales, les moyens par lesquels ils sont prêts à s’attaquer à ce problème diffèrent grandement.
Aucun des États du Golfe ne veut prendre le risque d’une escalade militaire avec l’Iran, car ils seraient en première ligne et devraient supporter le poids d’une riposte iranienne. Les attaques parrainées par l’Iran contre des infrastructures d’hydrocarbures dans le Golfe en 2019 ont démontré la vulnérabilité de ces États.
Même Israël, qui, du moins sur le plan rhétorique, semble être l’acteur anti-iranien le plus virulent de la région, est extrêmement vulnérable aux représailles iraniennes. Malgré les récents exercices de l’armée israélienne et l’amélioration des capacités de son armée de l’air, cette posture de dissuasion ne peut faire oublier que toute frappe visant le programme nucléaire iranien aurait non seulement des effets militaires limités, mais aussi un coût extrêmement élevé.
Ainsi, il n’est pas surprenant de voir Israël tenter de maintenir la confrontation actuelle avec l’Iran dans la zone grise entre la guerre et la paix, usant de moyens informatiques et d’opérations par procuration pour atteindre ses objectifs.
Un manque de confiance
Au niveau opérationnel, compte tenu de l’absence de confiance profonde entre les différents États du Moyen-Orient – y compris ceux du Conseil de coopération du Golfe (CCG) –, une intégration significative des forces et un partage d’informations sont pratiquement impossibles. Si le processus d’al-Ula a permis de mettre fin à la crise du Golfe, le climat de confiance entre les États concurrents n’a toujours pas été rétabli.
Depuis quatre décennies, les membres du CCG s’emploient à intégrer leurs forces armées et leurs commandements militaires. Bien qu’il existe une infrastructure de commandement unifiée sur le papier et que des troupes soient affectées au Bouclier de la Péninsule, les divergences entre les visions sécuritaires des États du CCG après le Printemps arabe signifient qu’en dehors des exercices répétés, les armées du CCG font très peu de choses en commun. Les informations et renseignements sensibles ne sont pas partagés, malgré la mise en place d’un système de partage d’informations.
Il est difficile d’imaginer que de nombreux États arabes au-delà des Émirats arabes unis ou de Bahreïn puissent partager des renseignements et des informations avec Israël.
En ce qui concerne l’intégration des forces, le CCG est également gêné par l’absence de programmes d’acquisition coordonnés – un problème qui serait exacerbé dans le cadre d’un pacte de sécurité au Moyen-Orient impliquant des armées plus ou moins avancées sur le plan technologique.
Les armées du Moyen-Orient sont un mélange de programmes et de technologies difficilement intégrables. Parmi les six forces aériennes du CCG, on compte actuellement sept programmes d’avions de chasse différents en service.
Par conséquent, pour répondre à la question de l’efficacité d’un pacte de sécurité au Moyen-Orient, celle-ci serait relativement faible. Tout pacte de ce type nécessite une compréhension plus vaste de la sécurité, au-delà de la sphère militaire, impliquant des capacités en zone grise pour dissuader l’Iran de procéder à des opérations par procuration.
Un leadership américain serait également nécessaire pour rassembler les différents pays et leurs dirigeants trop ambitieux – un rôle de leadership que les États-Unis pourraient ne pas souhaiter endosser sur le long terme, étant donné que leurs priorités géostratégiques se détournent de la région.
Sans climat de confiance et sans vision commune en matière de sécurité, toute « alliance » dans la région ne sera qu’un nouveau tigre de papier, loin d’être à la hauteur pour faire face aux opérations par procuration et réseaucentriques de l’Iran dans la région.
- Andreas Krieg est professeur assistant au département d’études de la défense du King’s College de Londres et consultant spécialisé dans les risques stratégiques pour des clients gouvernementaux et commerciaux au Moyen-Orient. Il a récemment publié un livre intitulé Socio-Political Order and Security in the Arab World.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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