Une énorme campagne numérique « secrète pro-occidentale » visant le Moyen-Orient imputée aux États-Unis
Le gouvernement américain est accusé d’avoir commandité une campagne numérique sur Facebook, Instagram, Twitter et d’autres réseaux sociaux visant l’Asie centrale et le Moyen-Orient pour promouvoir les discours pro-occidentaux, selon une étude du Stanford Internet Observatory.
En juillet-août, Twitter et Facebook ont suspendu des dizaines de comptes pour infraction à leurs politiques en matière de « manipulation de la plateforme et de spam » et pour avoir eu un « comportement coordonné non authentique », selon cette étude intitulée « Evaluating five years of pro-Western covert influence operations ».
Ces comptes avaient recours à des « tactiques trompeuses » pour promouvoir les discours pro-occidentaux au Moyen-Orient et en Asie centrale.
Ces campagnes s’inscrivaient dans une mission plus large dont l’objectif était de promouvoir non seulement les intérêts des États-Unis et de ses alliés mais s’opposer aussi activement à la Russie, à la Chine et à l’Iran, rapporte l’étude publiée le 24 août.
Cet article de recherche a été mené conjointement avec Graphika, société d’analyse qui cartographie les communautés sur internet et leurs conversations dans le monde.
Plus récemment, plusieurs des comptes critiquaient principalement la Russie et les pertes civiles provoquées par les « ambitions impérialistes » de Moscou après l’invasion de l’Ukraine.
Si en Occident, la campagne d’information concernant la guerre en Ukraine prévaut largement, dans de nombreux grands pays africains et asiatiques, il y a eu des soupçons de discours occidentaux.
Étant donné l’héritage du colonialisme occidental et les conséquences toujours présentes de l’invasion américaineillégale de l’Irak, de nombreux pays du Sud, s’ils ne soutiennent pas la Russie, n’adhèrent pas forcément aux arguments occidentaux.
Ces comptes se focalisaient sur l’Iran, l’Afghanistan et le Moyen-Orient arabophone comprenant des sous-groupes irakiens et saoudiens. Environ 45 % des messages sur les réseaux sociaux visaient l’Iran, ce qui reflète les priorités américaines vis-à-vis du pays.
La dernière campagne d’influence partageait aussi du contenu de médias financés par l’État américain tels que Voice of America et Radio Free Europe, ainsi que des liens vers des sites financés par l’armée américaine.
Twitter ou Meta (qui possède Facebook et Instagram) n’ont pas imputé ces informations à une quelconque entité ou organisation, selon l’étude, et indiquent simplement que les pays supposés sont les États-Unis et le Royaume-Uni.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement américain est accusé de mener des campagnes de propagande. De nombreuses recherches et articles montrent comment l’armée américaine cherche à façonner le cyberespace.
La différence avec cette toute dernière étude est que jusqu’à présent, l’intérêt se portait surtout sur les campagnes de propagande numérique des régimes autoritaires dans des pays tels que la Russie, la Chine et l’Iran, tandis que celle-ci a découvert ce qu’elle estime être l’affaire de propagande « pro-occidentale secrète la plus importante » analysée.
D’après les auteurs de cette étude, les tentatives américaines de recours à des « tactiques non authentiques » pour construire des communautés sur internet ont également montré leurs « limites » car beaucoup de ces comptes ont eu du mal à susciter l’intérêt.
L’enquête de Stanford a examiné près de 300 000 tweets de 146 comptes actifs entre 2012 et 2022. Une partie de ces informations était des campagnes de propagande manifeste des États-Unis tandis que d’autres messages étaient plus cachés.
Sur Facebook, les campagnes pro-occidentales ont été menées par 39 profils, 16 pages et 2 groupes, ainsi que 26 comptes Instagram actifs de 2017 à juillet 2022.
Opérations passées
Par le passé, une enquête de Middle East Eye avait découvert qu’une société mère de Cambridge Analytica – la société de conseil politique accusée d’avoir récolté les données de dizaines de millions d’utilisateurs Facebook sans autorisation – avait mené des campagnes de lutte contre l’extrémisme visant de potentielles recrues de l’État islamique (EI) pour le compte des gouvernements américain et britannique.
Créée en 2013, Cambridge Analytica s’est vantée d’avoir fait basculer des électeurs lors de l’élection de la campagne électorale du président américain Donald Trump en 2016 et lors du référendum du Brexit au Royaume-Uni la même année.
La campagne de lutte contre l’extrémisme s’adressait principalement à de jeunes hommes dans des pays tels que la Tunisie, le Maroc, la Libye, l’Arabie saoudite, la Jordanie et la France, tandis que d’autres pays visés « restent secrets pour protéger les partenariats avec leurs gouvernements ».
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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