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Guerre à Gaza : Israël ferme Al Jazeera

La décision du gouvernement israélien comprend l’arrêt de la diffusion d’Al Jazeera en Israël, en arabe et en anglais, la fermeture des bureaux de la chaîne à l’intérieur des frontières d’Israël, la saisie du matériel et la coupure de l’accès aux sites internet de la chaîne depuis Israël
Le siège de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, à Doha, le 11 mai 2022 (AFP)
Le siège de la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, à Doha, le 11 mai 2022 (AFP)
Par MEE

Après l’annonce du gouvernement israélien, dimanche 5 mai, de fermer la chaîne qatarie Al-Jazeera en Israël, une mesure « décidée à l’unanimité » selon le Premier ministre Benyamin Netanyahou, la police israélienne a perquisitionné les bureaux d’Al Jazeera à Jérusalem et confisqué du matériel, ont rapporté des médias israéliens.

Des images mises en ligne montrent des officiers israéliens à l’intérieur des chambres de l’hôtel Ambassador, utilisées par Al Jazeera.

Traduction : « ALERTE : Les forces israéliennes attaquent les bureaux d’Al Jazeera à Jérusalem après la décision de les fermer. Des soldats israéliens revenus des combats à #Gaza ont rejoint le raid. Shlomo Karhi, ministre israélien des Communications : ‘’Respect à nos héroïques guerriers. Personne ne peut vous faire de mal’’. »

Commentant une photo des soldats devant les bureaux d’Al Jazeera, Shlomo Karhi, le ministre israélien des Communications, a déclaré sur X : « Respect à nos héroïques guerriers. Personne ne peut vous faire de mal. »

C’est lui qui a fait en sorte qu’Al-Jazeera « ne puisse plus opérer depuis Israël » et accusé la chaîne de « menacer la sécurité » du pays. Il a confirmé que des inspecteurs du ministère des Communications aidés par la police avaient perquisitionné les bureaux d’Al Jazeera à Jérusalem et confisqué le matériel de la chaîne.

Selon un ordre de saisie du matériel, instruction a été donnée de saisir « les équipements servant à diffuser les contenus de la chaîne » : caméras, microphones, tables de montage, serveurs informatiques, ordinateurs, équipements de transmission et téléphones portables.

La chaîne, qui a accordé une large place à la couverture de la guerre à Gaza, a cessé dans l’après-midi d’être diffusée en Israël.

Des journalistes systématiquement ciblés

Selon le directeur du bureau d’Al Jazeera en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, Walid al-Omari, la décision israélienne comprend « l’arrêt de la diffusion d’Al Jazeera en Israël, en arabe et en anglais et la fermeture des bureaux d’Al Jazeera à l’intérieur des frontières d’Israël », ainsi que « la saisie du matériel » et la coupure de l’accès aux sites internet de la chaîne depuis Israël.

« Cette décision intervient après une campagne […] des ministres d’extrême droite » du gouvernement israélien, a-t-il précisé.

Traduction : « La décision du gouvernement israélien de fermer Al Jazeera reflète sa peur de la vérité et de la liberté de la presse, ainsi que la révélation de ses crimes de guerre à Gaza. Cet acte d’oppression prouve qu’Israël n’est pas une démocratie. Aucune démocratie n’empêcherait tous les journalistes étrangers d’entrer à Gaza et ne tuerait rien moins que 140 journalistes palestiniens. »

La chaîne qatarie a condamné la décision du cabinet israélien de suspendre ses opérations en Israël, la qualifiant d’« acte criminel ».

« La répression par Israël de la liberté de la presse pour dissimuler ses crimes en tuant et en arrêtant des journalistes ne nous a pas dissuadés d’accomplir notre devoir », a-t-elle commenté.

Le Hamas a aussi condamné la décision israélienne, la qualifiant de « violation flagrante de la liberté de la presse ».

Dans un communiqué de presse, le groupe palestinien a déclaré que cette décision était répressive et constituait une mesure de représailles contre Al Jazeera pour son rôle dans la révélation des crimes israéliens à Gaza.

« Nous condamnons fermement cette décision et appelons les institutions internationales de défense des droits et de la presse à la condamner et à prendre des mesures punitives contre l’entité sioniste, y compris l’annulation de son adhésion aux institutions de presse internationales », précise le communiqué.

L’armée israélienne a affirmé à plusieurs reprises que des journalistes d’Al Jazeera étaient « des agents terroristes » affiliés au Hamas et au Jihad islamique à Gaza.

La chaîne nie ces accusations et accuse Israël de cibler systématiquement ses employés dans la bande de Gaza

Le bureau d’Al Jazeera dans le territoire palestinien a été bombardé et deux de ses correspondants ont été tués. Ils ont été qualifiés d’ « agents terroristes » par Israël.

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Le chef du bureau, Waël al-Dahdouh, a été blessé par une frappe imputée à Israël en décembre, qui a tué le caméraman de la chaîne.

Le Qatar est l’un des pays médiateurs dans la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza.

Depuis le 7 octobre, Al Jazeera diffuse en continu des reportages sur les conséquences des opérations militaires israéliennes dans le territoire palestinien.

Ses émissions ont été parmi les plus suivies au Moyen-Orient, dans un contexte de désenchantement généralisé à l’égard de la couverture médiatique occidentale.

Le Parlement israélien a voté début avril une loi permettant d’interdire la diffusion en Israël de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l’État, un texte visant la chaîne qatarie.

Ce texte approuvé selon une procédure accélérée et à une très large majorité (70 pour, 10 contre) permet au Premier ministre d’interdire la diffusion du média visé et de fermer ses bureaux.

Benyamin Netanyahou a dans le passé accusé Al Jazeera d’être « un organe de propagande du Hamas et d’avoir participé activement » à l’attaque du 7 octobre.

L’Association de la presse étrangère (APE) a commenté cette décision en parlant de « jour sombre pour les médias » et de « jour sombre pour la démocratie ».

« Et le gouvernement n’en a peut-être pas fini. Le Premier ministre a le pouvoir de cibler d’autres médias étrangers qu’il considère comme ‘’agissant contre l’État’’ », a-t-elle souligné dans un communiqué.

« Nous exhortons le gouvernement à revenir sur cette mesure néfaste et à respecter son engagement en faveur de la liberté de la presse, y compris envers les médias dont il n’aime pas la couverture. »

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a aussi critiqué cette mesure.

« Nous regrettons la décision du cabinet de fermer Al Jazeera en Israël. Des médias libres et indépendants sont essentiels pour garantir la transparence et la responsabilité », a-t-il rappelé.

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