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Guerre à Gaza : la sauvagerie croissante d’Israël à l’encontre des Palestiniens est un signe de sa défaite

Israël est confronté à une défaite politique, diplomatique et militaire – et la brutalité croissante de ses attaques à Rafah et de ses vols de terres en Cisjordanie montre qu’il le sait
Une fillette palestinienne blessée lors d’une frappe israélienne contre un camp de réfugiés déplacés est soignée dans un hôpital de Rafah, le 26 mai 2024 (AFP)

Quatre développements récents sur la scène internationale conduiront probablement à acculer Israël et à faire tomber le faux masque qu’il a toujours porté face au monde.

Le premier de ces développements a été les protestations étudiantes aux États-Unis et dans le reste du monde. Le deuxième est l’émission de mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant par la Cour pénale internationale (CPI). Le troisième, la reconnaissance de l’État de Palestine par l’Espagne, l’Irlande et la Norvège. Et enfin, la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) vendredi dernier d’ordonner à Israël de mettre fin à son attaque à Rafah.

Ces développements ne constituent que la pointe de l’iceberg dans la détérioration du faux discours d’Israël en tant qu’« État démocratique » se défendant contre le « terrorisme » palestinien.

Le gouvernement extrémiste israélien compense ses défaites politiques et militaires en intensifiant ses représailles contre les civils à Gaza, en imposant des accaparements de terres en Cisjordanie et en mettant en œuvre de nouvelles mesures punitives agressives, illégales et planifiées à l’avance afin de créer des réalités sur le terrain ; principalement en élargissant les colonies existantes, en en construisant de nouvelles et en portant atteinte à l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, compromettant ainsi toute possibilité de création d’un État palestinien.

Le plus récent de ces crimes de représailles a été le massacre de Rafah, dans la soirée du 26 mai, lorsque des frappes de l’armée sur des tentes de Palestiniens déplacés qui s’abritaient dans une « zone de sécurité » gérée par l’ONU ont tué 45 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, beaucoup morts brûlés vifs.

Bien qu’Israël ait transmis ses « menaces de représailles » à la CPI, à la CIJ et aux trois pays européens qui ont reconnu l’État de Palestine, et qu’il ait incinéré des civils dans la bande de Gaza, un grand nombre de ses menaces ont également été dirigées vers la Cisjordanie occupée et l’Autorité palestinienne (AP).

Car nous, Palestiniens de Cisjordanie, sommes dans l’œil de la tempête des représailles israéliennes.

« Mesures punitives »

Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a appelé le 22 mai à des « mesures punitives sévères » contre l’Autorité palestinienne.

Celles-ci incluent l’isolement des banques palestiniennes en n’accordant pas de garanties aux banques israéliennes qui traitent avec elles en cas de litiges éventuels ; la suppression des recettes fiscales de l’Autorité palestinienne ; la promotion de la construction de dizaines de milliers de logements en Cisjordanie ; l’établissement d’une nouvelle colonie « pour chaque pays qui reconnaît unilatéralement un État palestinien » ; et l’annulation de l’accord selon lequel la Norvège servirait d’intermédiaire pour détenir les recettes fiscales de l’Autorité palestinienne qu’Israël retient depuis le début de la guerre.

La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, et les responsables du G7 du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis ont exprimé leurs profondes inquiétudes quant aux menaces d’isolement des banques palestiniennes, une mesure qui détruirait une bouée de sauvetage vitale pour l’économie palestinienne.

Le 22 mai, Gallant a abrogé la « loi de désengagement » israélienne de 2005 pour le nord de la Cisjordanie.

La loi, proposée par le Premier ministre Ariel Sharon, stipulait le retrait d’Israël de la bande de Gaza et prévoyait l’évacuation de quatre colonies en Cisjordanie. Désormais, les colons israéliens seront autorisés à retourner dans ces colonies évacuées.

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Le même jour, la Knesset a adopté en lecture préliminaire un projet de loi qui annexerait la région des collines d’Hébron, dans le sud de la Cisjordanie occupée, au Naqab israélien.

Ces menaces contre les Palestiniens témoignent de l’arrogance et de l’insolence d’Israël, qui agit comme un État au-dessus du droit international et porte atteinte aux États souverains et à leur droit de prendre des décisions souveraines.

Israël a toujours attaqué toute partie qui s’oppose ou critique sa politique, qu’il s’agisse d’un individu, d’un État ou d’une institution, en l’accusant d’antisémitisme.

Dans cette position extrême, Israël compte sur le soutien de son plus grand allié, les États-Unis, et d’autres pays comme le Royaume-Uni, les deux seules nations – à l’exception d’Israël bien sûr – qui se sont opposées à la décision de la CPI.

Ces « mesures punitives » font partie d’un plan préparé à l’avance dans le cadre de la vision stratégique de ce gouvernement israélien et des précédents, et visent à rendre impossible, d’un point de vue pratique, la conclusion d’un accord de paix et l’établissement d’un État palestinien.

Un consensus international croissant

Ces mesures sont liées aux actions entreprises par Israël bien avant l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023.

La décision de restaurer les colonies dans le nord de la Cisjordanie, par exemple, a été prise en mars 2023. Si celle d’arrêter le transfert des recettes fiscales vers l’Autorité palestinienne a été prise le 23 octobre, soit deux semaines après l’attaque du 7 octobre, Israël a utilisé cette mesure à plusieurs reprises par le passé, comme en 2014, en représailles à la décision de l’AP de rejoindre la CPI, et en 2022, lorsque le gouvernement israélien a bloqué le transfert aux Palestiniens de 176 millions de dollars de recettes fiscales.

En outre, l’expansion et la construction de colonies se sont poursuivies en Cisjordanie sous tous les gouvernements israéliens, qu’ils soient de droite ou de gauche.

C’est quelque chose dont nous, Palestiniens de Cisjordanie occupée, sommes témoins quotidiennement.

Au cours des deux dernières décennies, les gouvernements israéliens successifs ont cherché à affaiblir l’Autorité palestinienne et à contrecarrer ses efforts pour se transformer en un État palestinien, comme le stipulaient les accords d’Oslo de 1993, qui prévoyaient la création d’un État palestinien dans un délai de cinq ans, soit au plus tard plus en mai 1999.

Même la loi de désengagement adoptée par Sharon en 2005 ne faisait pas partie d’un plan ou d’une vision politique de séparation d’avec les Palestiniens, mais résultait plutôt de considérations purement sécuritaires et s’est déroulée sans consultation avec l’Autorité palestinienne.

Depuis que la Palestine a rejoint les Nations unies en tant qu’État observateur non membre en 2012, puis a rejoint la CPI en 2015, Israël a pris des mesures toujours plus dures pour saper l’autorité de l’AP.

L’opinion publique internationale est aujourd’hui plus que jamais consciente de la nécessité d’arrêter ce génocide, de mettre fin à l’occupation et de donner aux Palestiniens leurs droits légitimes à la liberté et à l’autodétermination

Elle a commencé à réduire le rôle autonome que prévoyaient les accords d’Oslo. En fait, Israël n’est même plus attaché aux dispositions des accords, la mise en œuvre de ces dispositions étant devenue facultative et sélective afin de servir uniquement ses intérêts.

De nombreux Palestiniens estiment désormais qu’une reconnaissance de l’État palestinien serait insuffisante pour mettre fin au génocide et à l’occupation. Ils y voient une manœuvre politique visant à apaiser l’indignation populaire et à empêcher de se concentrer sur des mesures qui pourraient être réellement efficaces, comme l’arrêt des exportations d’armes vers Israël, son boycott politique, économique et militaire, et la rupture des relations diplomatiques avec le pays.

C’est un argument valable, mais en parallèle, je vois que les progrès réalisés progressivement par les Palestiniens sont très importants pour atteindre l’objectif de mettre fin à l’occupation et obtenir justice. Il s’agit de coups de poing répétés, au lieu d’un seul coup de grâce.

Israël, soutenu par les États-Unis, nie la nouvelle réalité qui se dessine dans le monde, lequel se mobilise de plus en plus contre l’occupation et la culture de l’impunité.

L’opinion publique internationale est aujourd’hui plus que jamais consciente de la nécessité d’arrêter ce génocide, de mettre fin à l’occupation et de donner aux Palestiniens leurs droits légitimes à la liberté et à l’autodétermination.

Nous espérons que ce consensus international croissant formera un tsunami mondial qui éradiquera l’occupation israélienne et apportera justice et dignité au peuple palestinien, lequel souffre de la plus longue occupation militaire coloniale de l’ère moderne.

- Fareed Taamallah est un journaliste palestinien qui vit à Ramallah. Il est agriculteur et militant politique et environnemental.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original).

Fareed Taamallah is a Palestinian journalist who lives in Ramallah. He is a farmer and political and environmental activist.
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