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Surveillance et menaces : la guerre israélienne contre la Cour pénale internationale

Pendant près d’une décennie, Israël n’a pas hésité à pirater, diffamer et menacer à la fois l’actuel procureur de la CPI Karim Khan et sa prédécesseuse Fatou Bensouda, selon une nouvelle enquête journalistique
Le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, lors d’une conférence de presse à Bogota, Colombie, le 25 avril (AFP/Luis Acosta)
Par MEE

Israël a mené une campagne de surveillance de la Cour pénale internationale (CPI) pendant près d’une décennie, et n’a pas hésité à pirater, diffamer et menacer à la fois l’actuel procureur Karim Khan et sa prédécesseuse Fatou Bensouda, selon une enquête conjointe du Guardian et de +972Mag.

Grâce aux opérations de surveillance et de piratage menées par ses agences de renseignement, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a reçu des informations approfondies sur les plans du procureur de la CPI à son égard.

Une source du renseignement a déclaré que Netanyahou était « obsédé » par les interceptions en provenance du tribunal obtenues par les agences de renseignement israéliennes.

Des sources ont indiqué que les opérations contre la CPI étaient menées par le Shin Bet, la direction du renseignement militaire, Aman, et la division de cyber-renseignement, l’unité 8200.

Les informations obtenues ont été partagées avec les ministères israéliens de la Justice, des Affaires étrangères et des Affaires stratégiques.

Karim Khan a fait allusion aux pressions qu’il subissait de la part des Israéliens lorsqu’il a annoncé qu’il cherchait à poursuivre en justice Netanyahou, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant ainsi que trois dirigeants du Hamas.

« J’insiste sur le fait que toutes les tentatives visant à entraver, intimider ou influencer indûment les fonctionnaires de ce tribunal doivent cesser immédiatement », avait-il déclaré à l’époque, ajoutant que s’il y avait de nouvelles tentatives dans ce sens, « [s]on bureau n’hésiterait pas à agir ».

« Harcèlement »

Un message intercepté a révélé que Karim Khan subissait « d’énormes pressions de la part des États-Unis » afin qu’il abandonne toutes poursuites contre des responsables israéliens, selon une source bien informée.

Un précédent article du Guardian et de +972Mag publié mardi révélait que Yossi Cohen, à l’époque directeur de l’agence de renseignement israélienne, avait dirigé une opération visant à faire pression sur Fatou Bensouda pour qu’elle abandonne une enquête sur Israël.

« Vous devriez nous aider et nous laisser prendre soin de vous. Vous ne voulez pas vous lancer dans des activités qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille »

- L’ancien chef du Mossad Yossi Cohen à l’ancienne procureure de la CPI Fatou Bensouda

Dans les années qui ont précédé la décision de Bensouda d’ouvrir l’enquête en 2021, Yossi Cohen aurait déployé des « tactiques méprisables », selon les témoignages de responsables de la CPI qui ont comparé son comportement à du « harcèlement ».

Selon un témoignage, Cohen aurait déclaré à Fatou Bensouda : « Vous devriez nous aider et nous laisser prendre soin de vous. Vous ne voulez pas vous lancer dans des activités qui pourraient compromettre votre sécurité ou celle de votre famille. »

Le Mossad a également surveillé de près la famille de Fatou Bensouda, obtenant des transcriptions d’enregistrements secrets de son mari dans le but de les utiliser pour la discréditer, affirment deux sources.

L’enquête de Bensouda s’est conclue par l’annonce la semaine dernière par l’actuel procureur, Karim Khan, qu’il cherchait à obtenir des mandats d’arrêt contre de hauts dirigeants israéliens pour les crimes de guerre commis par les forces israéliennes pendant la guerre à Gaza.

Aux côtés de Gallant et de Netanyahou, le chef du Hamas palestinien à Gaza Yahya Sinouar, le commandant en chef de sa branche militaire Mohammed Diab Ibrahim al-Masri, mieux connu sous le nom de Mohammed Deif, et le chef politique du mouvement, Ismaël Haniyeh, figurent dans la demande de mandats d’arrêt de Karim Khan.

Le procureur de la CPI demande des mandats d’arrêt contre Netanyahou et des dirigeants du Hamas
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Gallant et Netanyahou font face à des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour avoir notamment affamé délibérément des civils comme méthode de guerre ; causé volontairement de grandes souffrances ; commis des meurtres délibérés ; mené des attaques intentionnelles contre une population civile et procédé à une extermination.

Les dirigeants du Hamas font également face à des accusations d’extermination, meurtre, prise d’otages, agressions sexuelles et torture, entre autres.

Traduit de l’anglais (original).

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