À la recherche du Père Noël dans le monde musulman : l’importance des cadeaux dans la culture islamique
Qui n’aime pas recevoir des cadeaux ? En particulier pendant les fêtes de fin d’année, lorsque les rues sont illuminées par des étalages lumineux et colorés, que les marchés grouillent d’enfants et de familles et que des massent compactes jouent des coudes pour des achats de dernière minute.
La tradition des cadeaux existe depuis des temps immémoriaux. Elle traverse les cultures, les religions et les millénaires depuis l’âge de pierre.
De nos jours, le rituel des cadeaux, en particulier à Noël, s’est quelque peu transformé, dans le pire des cas, en une occasion pour les grandes entreprises d’engranger des revenus.
Le véritable esprit de Noël s’est un peu étiolé : des symboles autrefois vénérés tels que le sapin de Noël, les clochettes et même le Père Noël en personne sont ainsi mis au service du consumérisme.
Les cadeaux et leur lien avec le christianisme remontent à l’histoire des Rois mages, qui rendirent visite à l’enfant Jésus en apportant des présents : or, encens et myrrhe.
Cette tradition fusionna ensuite avec le personnage de saint Nicolas, un évêque anatolien du IVe siècle, qui prête aujourd’hui ses traits au Père Noël.
Personnage mythique très apprécié, connu du monde moderne sous la forme d’un homme jovial à la barbe blanche, vêtu d’un costume rouge douillet en velours, le Père Noël répand la joie de Noël en parcourant le monde en une seule nuit avec son traîneau magique tiré par des rennes volants pour apporter des jouets aux enfants.
Il puise ainsi dans l’un de nos archétypes les plus profondément ancrés, celui de la figure paternelle motivée par l’altruisme et le besoin d’apporter de la joie aux plus démunis.
Saint Nicolas, qui vivait dans une ville appelée Myre, dans l’actuelle Turquie, distribuait des présents et acquit une réputation de protecteur des plus vulnérables, notamment des femmes.
Une histoire raconte qu’il aurait laissé tomber trois sacs d’or dans une cheminée pour payer la dot de trois jeunes filles pauvres – ce qui pourrait être à l’origine de la légende selon laquelle le Père Noël passe par les cheminées pour déposer ses cadeaux.
Ses actes de charité et de bonté donnèrent naissance à bon nombre des traditions actuelles autour des cadeaux de Noël. Il fit ainsi montre de vertus qui furent également inscrites plus tard dans l’islam.
Oublions un instant la barbe blanche, le costume rouge et les rennes pour rechercher des personnages de la culture arabe et islamique qui incarnent la générosité.
Un Père Noël arabe ?
Les cadeaux ont toujours fait partie intégrante de l’islam, comme en témoigne la tradition prophétique qui encourageait l’échange de cadeaux pour renforcer les liens sociaux.
Qu’il s’agisse de simples gestes ou de plus grandes expressions d’amour, l’acte de don et de charité dans l’islam est mis en évidence dans d’innombrables histoires religieuses.
Dans une histoire attribuée au prophète Mohammed, une délégation de Bahreïn lui offrit une importante somme d’argent. Sa réponse à ce présent fut de « distribuer » ce don aux fidèles de la mosquée.
S’il n’existe pas de Père Noël musulman ou arabe, de nombreux personnages incarnent les mêmes valeurs de générosité et de charité dans l’histoire islamique et préislamique.
L’un de ces personnages est Zayd ibn Amr, un contemporain du prophète Mohammed, né dans la même tribu – les Quraysh – à la fin du VIe siècle, juste avant l’avènement de l’islam.
Vénéré par les musulmans pour ses croyances monothéistes, le personnage de Zayd et les histoires qui lui sont rattachées furent ensuite incorporés dans la tradition islamique.
Comme saint Nicolas, il protégeait de la mort des jeunes filles pauvres en les prenant sous son aile, à une époque où certaines tribus maltraitaient particulièrement les jeunes filles.
Des sources islamiques décrivaient un rituel préislamique particulièrement brutal consistant à enterrer vivantes des filles en bas âge pour délester les parents des coûts liés à leur éducation.
Depuis longtemps, la culture arabe attache une grande valeur à la générosité et aux actes de charité, comme en témoignent des fables culturelles arabes.
« Plus généreux qu’Hatem » est une vieille expression arabe qui renvoie à la générosité légendaire d’Hatem at-Ta’i, un personnage historique mentionné dans le recueil fictif des Mille et Une Nuits.
Hatem at-Ta’i était un chef de tribu qui vécut au VIe siècle. Il était réputé pour sa nature généreuse : il faisait don de ses biens à ses amis comme à ses ennemis.
Dans l’une des histoires, l’inestimable cheval arabe d’Hatem attira l’attention d’un roi, qui le voulait comme sien et dépêcha un messager pour que l’animal lui fût offert.
À son arrivée, Hatem salua la délégation et l’invita à un festin ; le lendemain, il demanda à la délégation le motif de sa présence.
Lorsqu’ils l’informèrent qu’ils étaient venus lui demander de leur donner son précieux cheval, Hatem répondit au messager et à son escorte qu’il n’était plus en mesure de leur donner le cheval, puisqu’il venait de le faire tuer pour le leur servir.
Hachim, ancêtre du prophète Mohammed et chef de La Mecque à son époque, est un autre personnage historique connu pour sa générosité.
Initialement nommé Amr, il acquit le nom de Hachim, qui signifie « rompre », car il était réputé pour sa charité, qui consistait à rompre le pain pour nourrir les autres.
Une année, au cours d’une période de sécheresse violente, La Mecque connut un épisode de sécheresse qui obligea Hachim à se rendre en Palestine, où il acheta toute la farine disponible afin de nourrir la ville entière à son retour.
La générosité dans l’islam
Si ces exemples proviennent principalement de la culture préislamique, les idéaux contenus dans ces histoires se sont ancrés dans la mentalité musulmane.
Les actes de don ne sont pas liés à des fêtes spécifiques, comme c’est le cas pour Noël, et s’étendent au-delà des fêtes musulmanes de l’Aïd.
Ces actes de don sont fondés sur la croyance selon laquelle la seule vraie richesse se trouve auprès de Dieu et la richesse matérielle est finalement sans valeur.
L’adhésion à cet idéal est attestée par l’histoire de Mansa Moussa, le légendaire empereur musulman du Mali, connu pour sa piété religieuse et sa grande richesse.
Alors qu’il était en route pour accomplir le pèlerinage à La Mecque, le monde découvrit la richesse stupéfiante du Mali. Le souverain inonda Le Caire de sa bonté, ne laissant aucune paume sans or.
On rapporte que l’empereur aurait donné tellement d’or dans la capitale égyptienne que la valeur du métal précieux y diminua pendant environ douze ans.
Plus tard, dans l’Empire ottoman, les consorts impériales puisaient généreusement dans leur fortune personnelle pour financer la construction de puits d’eau, de mosquées, d’hôpitaux et de divers autres services publics.
Parmi ces philanthropes royales, il convient de citer la sultane validé Nur-Banu, qui chargea l’architecte en chef de l’empire, Mimar Sinan, de construire la mosquée Atik Valide à Istanbul.
Le complexe comprenait un séminaire, un hôpital, un caravansérail – où les voyageurs venaient s’abriter – et un bain turc.
L’islam comme le christianisme partagent des légendes, des valeurs et des idéaux associés à la charité et au don, ainsi qu’une même méfiance à l’égard de la société de consommation et de la superficialité matérielle.
Saint Nicolas représente l’esprit de Noël et incarne un élan universellement reconnaissable pour apporter de la joie à ceux qui nous entourent. Et bien qu’il n’y ait pas de Père Noël pour les musulmans à proprement parler, cet élan de générosité trouve un large écho dans l’islam.
C’est là un enseignement que tout un chacun peut retenir à l’occasion des fêtes.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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