EN IMAGES : Le créateur d’origine marocaine Aziz Bekkaoui parle mode, keffieh et résistance
Symbole emblématique de la cause palestinienne, le keffieh et son motif noir et blanc fait forte impression sur les podiums. Annoncé en 2022, la collection World Keffiyeh Day du créateur néerlandais d’origine marocaine Aziz Bekkaoui comprend des dizaines de tenues s’inspirant de ce signe distinctif palestinien, tout autant symbole politique qu’objet culturel. Traditionnellement porté par les bédouins du Levant pour se protéger du soleil, du sable et de la chaleur, le keffieh est devenu un symbole de la résistance palestinienne contre Israël après la Nakba.
Aujourd’hui, porter cette écharpe est également devenu un marqueur de solidarité parmi les sympathisants de la cause palestinienne. C’est à cette fin que le quinquagénaire incorpore ce motif dans sa collection qui comprend des blazers, des vestes courtes, des sacs à dos, des chapeaux et des écharpes. (Toutes les photos sont fournies par Aziz Bekkaoui, photographié au centre de la photo ci-dessus)
Lorsqu’il était jeune, Aziz Bekkaoui voulait étudier l’architecture, mais il confie à Middle East Eye s’être lancé dans l’industrie de la mode en raison des « possibilités directes et puissantes » qu’elle offre. Sa philosophie créatrice repose sur la conscience de la société qui l’entoure et de la durabilité des matériaux.
La collection World Keffiyeh Day doit ses origines au fait que Bekkaoui est persuadé que la mode doit raconter les histoires du monde dont elle vient. « Pour moi, un morceau de tissu n’est pas qu’un simple matériau. Cela communique quelque chose, il y a une histoire qui s’y attache. Le keffieh est une pièce de textile qui communique et nous parle depuis des siècles. »
Avant de commencer à travailler sur cette collection, Bekkaoui a passé des semaines à faire des recherches sur les origines, la signification et la fabrication du keffieh.
« Le keffieh raconte l’histoire de la résistance palestinienne. Ce morceau de tissu a un pouvoir énorme lié à la tradition et à l’artisanat. C’est un symbole plus fort qu’un drapeau. »
Le keffieh est imprégné de valeurs qui sont chères à Bekkaoui, telle que l’idée de réparer l’injustice.
« Depuis le plus jeune âge, on vous enseigne à combattre l’injustice et à faire votre part pour un monde meilleur… l’art et la mode ne consistent pas seulement à donner la tendance de la saison ou à dire quelle couleur est en vogue actuellement. Les textiles sont ma profession et mon support, et je veux les utiliser pour contribuer à combattre l’injustice et à faire du monde un endroit meilleur. »
Le créateur se dit également motivé par l’appropriation du keffieh par de grandes marques, qui éloignent ce motif de son contexte palestinien et refusent de reconnaître les origines et les significations de l’écharpe. Des marques, telles que la controversée Balenciaga, ont utilisé des variations du keffieh dans leurs collections sans reconnaître son symbolisme dans la lutte palestinienne. « En ce qui me concerne, c’est vide, sans signification, sans âme », estime le créateur à propos de cette tendance.
Sans préciser qui, Bekkaoui dit avoir été encouragé par des acteurs du secteur à ne pas mélanger son travail de création avec son activisme politique. Il a totalement ignoré ces conseils, faisant valoir que les deux sont inséparables.
« À travers la mode, je peux toucher les gens », dit-il, ajoutant qu’il utilise ses créations pour condamner l’occupation israélienne de la Palestine. Son compte Instagram, qui compte plus de 50 000 abonnés, comprend des publications faisant de la publicité pour ses vêtements ainsi que des actualités à propos des atteintes aux droits de l’homme commises par Israël, notamment les images de la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh qui a été abattue par des soldats israéliens pendant un reportage en mai 2022.
« Je suis un créateur indépendant, je ne suis pas lié par les contraintes politiquement correctes des grandes maisons de couture commerciales. J’ai été indigné par la mort de Shireen Abu Akleh. »
Selon Bekkaoui, l’industrie de la mode n’en fait pas assez pour sensibiliser au sort des Palestiniens. « Les gens dans le monde de la mode en général ne s’expriment pas beaucoup […] à propos de ce qui arrive aux Palestiniens. Ils ne s’y aventurent pas par crainte d’être ostracisés. » Il dit que s’il a bel et bien l’intention de travailler sur d’autres projets, la cause palestinienne et le thème de l’injustice continueront à influencer son travail. « La résistance ne se démode pas. C’est nécessaire tant que l’injustice existe. »
Aziz Bekkaoui signale avoir reçu des milliers de réactions positives de personnes qui sont pour la plupart fières de son travail et qui s’en inspirent. « Avec la mode, vous ne sauvez pas des vies », admet-il, avant d’ajouter : « Cela me rend véritablement fier lorsqu’un élément de mon travail découlant de mon idéalisme personnel est reconnu par des gens et les touche. Cela signifie qu’avec ma profession, j’ai apporté quelque chose au monde. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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