EN IMAGES : Une Palestinienne maintient en vie l’ancien art du khôl
Hadia Qudeih regarde un morceau de tissu naturel imbibé d’huile d’olive brûler jusqu’aux cendres, qu’elle utilisera pour fabriquer du khôl arabe traditionnel. La Palestinienne d’une soixantaine d’années fabrique ce pigment noir dans l’arrière-cour de sa maison à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, depuis des dizaines d’année. (Crédit photo : Sanad Abu Latifa)
Elle a appris cet art de sa mère il y a près de 60 ans. « Avant qu’Israël n’occupe Gaza, quand j’étais en CM1, en rentrant un jour de l’école, j’ai trouvé ma mère en train de brûler un morceau de tissu dans une marmite en fer. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait et elle m’a répondu que c’était ainsi que le khôl était fabriqué », raconte Hadia Qudeih à Middle East Eye. « J’étais fascinée par la façon dont un morceau de tissu pouvait se transformer en cendres qui étaient utilisées pour se maquiller, et je lui ai demandé de m’apprendre à le faire. » (Crédit : Sanad Abu Latifa)
Pour fabriquer du khôl, Hadia Qudeih récupère du bois et le brûle jusqu’à ce qu’il se carbonise, puis se sert du charbon pour chauffer l’huile et allumer le morceau de tissu. Elle couvre ensuite le pot en fer avec une plaque de métal afin que la fumée noire ne s’en échappe pas, puis attend que le tissu se transforme en cendres noir foncé qu’elle met dans de petits pots. « On ne peut pas utiliser n’importe quel type de tissu pour fabriquer du khôl, les tissus disponibles sur les marchés aujourd’hui contiennent du nylon et des substances chimiques, tandis que pour le khôl, il faut une matière pure », explique Hadia Qudeih. (Crédit : Sanad Abu Latifa)
« Le processus de fabrication du khôl prend généralement une demi-heure environ, voire un peu plus, pour obtenir un petit pot de khôl », précise-t-elle. « Mais peu importe le temps nécessaire, je prends encore plaisir à le préparer, surtout parce que mes petits-enfants se rassemblent autour de moi pour regarder comment je fais. » (Crédit : Sanad Abu Latifa)
Les cosmétiques visant à embellir les yeux sont utilisés depuis des milliers d’années. Le khôl arabe remonte aux anciens Égyptiens et communautés d’Asie occidentale, où son existence a pour la première fois été documentée. Porté à la fois par les hommes et par les femmes, il était fait de suie, de noir de fumée mélangé à de la graisse, d’antimoine (un élément métallique cristallin) ou de cendres mélangées à de l’huile, puis appliqué à l’aide d’un bâton fin ou d’une aiguille. (Crédit : Sanad Abu Latifa)
Une autre femme de Gaza, Oum Khaled Yusuf, la soixantaine, raconte à MEE qu’elle aimait regarder sa mère appliquer du khôl pour se maquiller lors de mariages et autres célébrations. « Dans les années 60, les femmes étaient davantage intéressées par la beauté des yeux, et elles se servaient principalement du khôl arabe car c’était une forme de tradition arabe et palestinienne », témoigne-t-elle. « Certaines femmes ne se maquillaient pas pour des raisons religieuses. Mais elles croyaient que le khôl n’était pas haram [interdit dans l’islam], car elles pensaient que le prophète Mohammed en utilisait et le recommandait aux gens. »
Bien que sa formule ait changé au fil du temps, Hadia Qudeih dit s’en tenir toujours à l’ancien khôl traditionnel et apprend à sa fille et ses petites-filles à l’utiliser à la place du crayon moderne. (Crédit : Sanad Abu Latifa)
Dans certaines parties du monde, on pense que le khôl a des qualités protectrices et les familles encouragent les enfants à en mettre. Hadia Qudeih dit avoir appliqué du khôl arabe à « presque tous les nouveau-nés » de son quartier pendant des années « afin de protéger leurs yeux des maladies ». (Crédit : Sanad Abu Latifa)
Nour Jihad, maquilleuse, affirme que le khôl continue d’être un choix populaire. « Beaucoup de mes clientes préfèrent utiliser du khôl car il est beaucoup plus foncé et dure plus longtemps », déclare la jeune femme à MEE. « Mais je ne le recommande pas dans certains cas, il est risqué de l’utiliser si quelqu’un souffre d’une inflammation des yeux ou a récemment subi une opération de chirurgie oculaire. » (Crédit : Moneeb Saada)
Hadia Qudeih, qui a quatre filles et quatre fils, raconte qu’elle vend parfois du khôl pour gagner sa vie et aider ses fils mariés à financer les dépenses de leur foyer. Après avoir rempli plusieurs pots de khôl, elle envoie son fils au marché local pour le vendre 25 shekels israéliens (6 euros) pièce.
« Seules les anciennes générations connaissent la valeur réelle de ce khôl traditionnel et sont prêtes à l’acheter ; les nouvelles générations dépendent désormais des marques et des eye-liners fabriqués à partir de produits chimiques », déplore-t-elle. « Mais je suis contente de voir encore des jeunes femmes venir me demander du khôl. Chaque fois qu’une fille ou une jeune femme me rend visite, je lui raconte son histoire, ses bienfaits et à quel point les années 60, quand j’ai appris à faire du khôl pour la première fois, étaient une belle époque pour nous. » (Crédit : Moneeb Saada)
« Pour moi, le khôl arabe est la belle histoire de mes parents et de mes grands-parents, quand nous étions heureux et libres », commente Hadia Qudieh. « C’est aussi important que les tenues et chants traditionnels palestiniens, cela fait partie de notre héritage social. » (Crédit : Moneeb Saada)
Traduit de l’anglais (original publié en avril 2020).
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