Séisme : les Marocains de France se mobilisent pour la reconstruction des zones sinistrées
Depuis samedi dernier, le portable de Sardouk El Houcine, responsable du pôle juridique et social de l’Association des marocains de France (AMF), située à Saint-Denis, près de Paris, n’arrête pas de sonner. « Je reçois jusqu’à 50 appels par jour », déclare-t-il à Middle East Eye.
Les personnes qui le contactent veulent toutes savoir comment assister les sinistrés du séisme qui a frappé Marrakech et sa région, dans les monts de l’Atlas, dans la nuit du 8 au 9 septembre, faisant près de 3 000 morts.
« La communauté marocaine est très mobilisée. Tour le monde veut aider », assure le Franco-Marocain originaire d’une petite localité proche de la frontière algérienne.
En guise de première action, l’AMF a lancé une cagnotte en ligne en faveur des victimes du tremblement de terre. « Cet argent servira à répondre aux demandes les plus urgentes des populations touchées. Nous savons par exemple qu’il y a un grand besoin de consommables. Mais il sera surtout utile pour aider à la reconstruction des villages qui ont été détruits », souligne Sardouk El Houcine.
As Suffa, une autre association franco-marocaine, qui a ses locaux à Mante-la-Jolie, une ville à forte concentration immigrée dans l’ouest de Paris, a déjà collecté plus de 280 000 euros de dons.
Son président, Abdelaziz El Jaouhari, estime aussi que cette levée de fonds est importante non seulement pour secourir les sinistrés mais aussi pour leur permettre plus tard de rebâtir leurs vies. « Dès les premières heures qui ont suivi la catastrophe, nous avons essayé de nous organiser. Il fallait se mettre au travail car les besoins sont énormes », dit-il à MEE.
Problèmes logistiques et identification des besoins
Pour mobiliser le plus grand nombre et échanger sur les premières actions à mener, As Sufa a tenu une réunion publique samedi dernier, en présence du maire de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet. Une seconde rencontre a été organisée mardi soir, avant le départ pour le Maroc d’une première caravane de bénévoles, à laquelle prendra part Abdelaziz El Jaouhari.
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— Ville de Carrières-sous-Poissy (@ville_carrieres) September 13, 2023
Trois zones d’intervention, Marrakech, Taroudant et Ouarzazate, ont d’ores et déjà été identifiées en coordination avec des associations locales. « Pour certaines, il n’y a pas de pertes humaines mais beaucoup de dégâts, habitations, équipements publics, routes… », déplore l’association sur sa page Facebook, précisant que certains villages éloignés « n’ont pas encore été secourus ».
« Tous les regards se sont braqués sur la place Jemaa el-Fna et son minaret détruit partiellement. Mais la réalité du séisme est surtout visible dans les petits hameaux complètement isolés »
- Sardouk El Houcine, Association des marocains de France
« Tous les regards se sont braqués sur la place Jemaa el-Fna [dans le centre historique de Marrakech] et son minaret détruit partiellement. Mais la réalité du séisme est surtout visible dans les petits hameaux complètement isolés. À Taroudant, une quarantaine de villages restent inaccessibles par la route », témoigne Sardouk El Houcine, qui ajoute qu’en temps normal, ces petites localités situées sur des reliefs accidentés ne sont joignables qu’à dos de mulet.
La cartographie des lieux les plus sinistrés et le manque de visibilité quant aux moyens d’acheminement des secours sont d’ailleurs les principales raisons qui retardent l’intervention de l’AMF au Maroc.
« J’ai appris par des connaissances que des dizaines de camions étaient bloqués à Tanger parce que des locaux de stockage des dons n’avaient pas encore été trouvés », indique Sardouk El Houcine à MEE.
D’ailleurs, comme As Suffa, l’AMF prévoit d’envoyer une délégation dans le pays pour rencontrer les autorités et leur demander de les aider sur le plan logistique. Ce voyage servira aussi à identifier les projets de réhabilitation des zones sinistrées.
« Le roi Mohamed VI et le gouvernement se sont engagés à les reconstruire. Nous voulons y contribuer en ciblant certains manques. Il est question par exemple d’aider les paysans à reconstituer leur cheptel. Nous pouvons aussi offrir de l’aide pour la prise en charge des enfants qui ont perdu leurs parents pendant le séisme », indique Sardouk El Houcine.
À As Suffa, un appel à la mobilisation des médecins expatriés a aussi été lancé.
« C’est le moins que nous puissions faire »
« Chacun peut participer à sa façon », plaide Salah El Manouzzi, président de l’association franco-marocaine de Picardie Les Deux rives dans une conversation avec MEE.
À Amiens (nord de la France), où elle se trouve, cette organisation spécialisée dans la coopération solidaire a déjà collecté 44 tonnes de dons (couettes, sacs de couchage, couches pour bébés et kits d’hygiène) qu’elle se prépare à envoyer à Taroudant. Les lots seront distribués en coordination avec des associations locales, dont une de médecins.
Comme As Sufa et l’AMF, elle a aussi créé une cagnotte en ligne et se prépare à organiser un concert caritatif à Amiens la semaine prochaine. Une partie des dons en argent sera envoyée au Maroc pour l’achat de vivres sur place. Une autre servira de budget d’appoint pour parrainer la reconstruction d’un village.
« Les miens ont échappé au drame mais pas d’autres. Quand je vois à la télévision tous ces villages en ruines, avec des habitants qui ont tout perdu, parfois tous leurs proches, je suis parcourue de frissons et je pleure. Ce qui est arrivé est terrible, un cauchemar »
- Nadia, étudiante marocaine
« Nous ne savons pas encore lequel. Sans doute, nous opterons pour celui qui a été le plus touché par le séisme. Les fonds seront utiles pour l’achat de matériaux de construction, la réhabilitation des écoles… », précise à MEE Salah El Manouzi, qui souhaite que d’autres associations de la diaspora marocaine en France s’investissent dans de tels chantiers.
« C’est le moins que nous puissions faire », commente Nadia, une étudiante marocaine qui habite à Paris. Originaire de Marrakech, elle compte prendre l’avion ce vendredi pour aller voir sa famille et se rendre disponible pour les opérations d’aide.
« Les miens ont échappé au drame mais pas d’autres. Quand je vois à la télévision tous ces villages en ruines, avec des habitants qui ont tout perdu, parfois tous leurs proches, je suis parcourue de frissons et je pleure. Ce qui est arrivé est terrible, un cauchemar », compatit la jeune femme.
Avec des amis, elle a décidé avant son départ de faire le tour des pharmacies pour collecter des consommables. « J’ai deux valises déjà bien remplies », dit-elle.
Une fois à Marrakech, elle prévoit de former avec d’autres connaissances un convoi pour se rendre dans des hameaux sinistrés. « Il y a des endroits qui semblent comme oubliés. Les médias parlent beaucoup du village de Moulay Brahim complétement détruit car proche de l’épicentre du séisme, mais combien d’autres sont dans le même état ? », demande-t-elle, très peinée.
Hakim, un peintre d’origine marocaine, prévoit aussi de se rendre au Maroc dans les prochains jours. Il conduira l’un des camions d’aide humanitaire, collectée par la mosquée de Vigneux-sur-Seine, où il habite, dans la banlieue sud de Paris. « Un cousin de Marrakech m’a décrit au téléphone la situation là-bas. C’est dramatique. Des familles entières vivent dehors », rapporte-t-il, impatient d’aller leur venir en aide.
Tous les vivres collectés par les Marocains de France sont acheminés vers les zones sinistrées en collaboration avec des ONG locales qui font office de relais. Mais si les aides provenant des associations sont les bienvenues, celle du gouvernement français n’a pas été acceptée pour l’instant par Rabat.
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