L’espoir revient toujours à Gaza
Le ramadan 2014 hante encore les souvenirs de la plupart des Palestiniens de Gaza. Ce mois saint, d’habitude période de réflexion spirituelle et de fête, était empli l’an dernier d’agonie physique et émotionnelle, lorsque les Palestiniens ont rompu leur jeûne au milieu des missiles et des bombes lors d’impitoyables attaques aériennes israéliennes.
Aujourd’hui, à la veille du ramadan 2015, les Gazaouis semblent avoir plus d’espoir, tandis que le bruit court d’une possible trêve avec le Hamas.
Des déclarations et des reportages font leur apparition dans les médias et indiquent qu’il est probable qu’un nouvel accord pour mettre fin au siège de Gaza, imposé depuis huit ans par Israël, soit bientôt conclu.
Parmi ces indices de paix, on compte les visites de plus en plus fréquentes d’officiels européens à Gaza, notamment de ministres des Affaires étrangères, mais aussi de plus en plus de déclarations de représentants des Nations unies appelant à la fin du siège de Gaza, l’ouverture subite du poste-frontière de Rafah, et la récente autorisation de faire passer du ciment et des matériaux de construction par le poste-frontière de Rafah afin de reconstruire une Gaza dévastée.
L’application de cette dernière mesure a été précipitée par le soudain changement de position de l’Egypte vis-à-vis de Gaza, qui s’est notamment matérialisé par la suppression du qualificatif de « terroriste » par un tribunal égyptien pour parler de la branche militaire du Hamas, et ce avant que l’Egypte n’autorise le passage de 4 000 tonnes de ciment de reconstruction par la bande de Gaza assiégée.
On constate également les efforts conjoints turcs, saoudiens et qataris en faveur d’un cessez-le-feu de six ans, proposé au Hamas en échange de son acceptation du projet de reconstruction par le Qatar. Des rapports israéliens indiquent également qu’un accord s’annonce.
Les voix dirigeantes de l’Autorité palestinienne (AP) s’élèvent actuellement avec véhémence, accusant le Hamas de dialoguer directement avec Israël.
Une question de timing
Mais pourquoi maintenant ? La réponse semble ambiguë. Et plusieurs problématiques entrent en jeu.
Tout d’abord, à la fin de la guerre de cinquante-et-un jours, le Hamas a affirmé avoir en sa possession des documents qui pourraient mettre fin au siège de Gaza. Il a aussi indiqué avoir capturé plusieurs soldats israéliens durant cette guerre, mais personne ne sait s’ils sont encore en vie.
Il y a aussi la menace grandissante du groupe Etat islamique (Daech) dans la région. Le Hamas a combattu des membres reconnus du groupe, ce qui a rendu le Hamas impopulaire parmi les extrémistes islamistes de Gaza, qui ont montré leur mécontentement en lançant des roquettes vers Israël au cours des dernières semaines. Israël est également conscient du fait que les violences localisées au nord ont un impact simultané sur ses frontières d’occupation sur tous les fronts : au Liban, en Syrie et à Gaza.
Pour le moment, Israël a besoin que les 1,8 million de personnes subissant le blocus à Gaza soient dans une atmosphère moins conflictuelle, tandis que de plus grandes menaces se présentent sur les fronts du nord ; de plus, contrairement au Hezbollah libanais, les factions militaires de Gaza, sous la pression du siège, n’ont pas assez de marge de manœuvre pour sortir vainqueurs de cette épreuve de maîtrise de soi.
Il y a d’importants changements dans les régions arabes, notamment la mort du roi Abdallah d’Arabie saoudite, les attaques militaires saoudiennes contre les Houthis au Yémen, et les troubles en Syrie, qui représentent tous de bonnes raisons pour la communauté internationale d’éviter d’éventuelles explosions à Gaza.
La possibilité d’une trêve
La communauté internationale semble reconnaître qu’il n’y a pas de solution si l’on écarte le Hamas. L’Autorité palestinienne bénéficie de moins en moins de soutien car elle est perçue comme inefficace, en particulier lors des récentes crises humanitaires à Gaza, et peu d’acteurs régionaux ont de l’influence sur le Hamas, parmi eux le Qatar et la Turquie. La victoire du Hamas lors des élections universitaires en Cisjordanie concrétise l’éventualité de sa propagation dans le reste de la région. Le soutien aux groupes de résistance de Gaza n’a pas perdu de sa vigueur, il est plutôt de plus en plus fort à mesure qu’Israël inflige plus de destructions à la bande de Gaza. L’été dernier, la guerre de cinquante-et-un jours visait à détruire les infrastructures de Gaza et son économie à long terme, ainsi qu’à punir près de deux millions de personnes de vouloir obtenir la liberté et l’auto-détermination contre l’occupation et le châtiment collectif imposés par Israël.
En conséquence, les questions qui sont, dit-on, débattues aujourd’hui, comprennent : une trêve à long terme d’une durée de cinq ans avec possibilité de prolongement, la fin des attaques aériennes et du survol de Gaza par des drones en provenance d’Israël, l’assouplissement des restrictions en vue de la fin du siège, la liberté pour les pêcheurs palestiniens de pêcher jusqu’à douze milles nautiques au large des côtes, l’établissement d’un port maritime à Gaza sous surveillance internationale, et un accord pour l’échange de prisonniers sous médiation européenne.
Le Président Mahmoud Abbas a décidé de remplacer le gouvernement d’unité palestinien par un nouveau gouvernement constitué de tous les partis politiques, y compris le Hamas. Cependant, l’Autorité palestinienne semble mécontente de ces manœuvres, et déclare que le Hamas cherche à rompre les liens entre Gaza et la Cisjordanie. Il est encore difficile à déterminer si les conditions du Quartet tiennent toujours. Les groupes de résistance palestiniens, dont le Hamas, refusent de se soumettre aux conditions du Quartet, qui a appelé à reconnaître l’Etat israélien.
A Gaza, on soupçonne de plus en plus Mahmoud Abbas d’avoir dissous l’actuel gouvernement de consensus dans seul le but de miner les efforts visant à améliorer la vie quotidienne dans la ville assiégée de Gaza — « un grain de sable dans l’engrenage », si l’on peut dire, ou bien comme un pion placé dans un jeu de pouvoir à plus grande échelle, qui bénéficie à l’Autorité palestinienne à l’intérieur d’un ensemble plus large.
Le Dr Adnan Abou Amer, politologue basé à Gaza, voit dans la proposition européenne une requalification de Gaza en « Palestine du littoral » dotée d’une voie de chemin de fer et d’une autoroute (qui relierait Israël à l’Egypte), qui desserviraient Gaza par la frontière est.
Les propositions comprennent l’établissement d’un port maritime au nord de la bande de Gaza et le transfert des universités de Gaza vers la partie orientale de la bande de Gaza afin d’éviter le trafic.
Les relations actuelles entre le Hamas et l’Egypte sont délicates, et ni le Qatar, ni la Turquie, ne sont à l’aise avec le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Cependant, pour que cet accord réussisse, il est demandé aux dirigeants du Hamas de faire le déplacement depuis Gaza et d’y revenir avec un discours argumentatif convaincant à l’intention des tenants de la ligne dure du Hamas. Un obstacle à cela pourrait être l’utilisation par le Qatar de son poids pour influencer les dirigeants égyptiens en vue de faciliter ses déplacements vers et depuis la Bande de Gaza.
Ceci ne semble pas près d’arriver ; cependant, pour une raison ou pour une autre, les Gazaouis sont pleins d’optimisme à l’idée de changements positifs.
Toutefois, le Hamas est très prudent afin de ne pas nourrir d’optimisme injustifié dans le sens où il souhaite éviter de soulever des espoirs sans être sûr qu’un résultat positif sera garanti.
Les déceptions publiques qui suivent les faux espoirs ont souvent tendance à être dirigées contre le gouvernement de Gaza.
- Mohammed Omer est un journaliste hollando-palestinien récompensé qui est basé à Gaza.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : image montrant des enfants en train d’acheter des sucreries pour fêter l’Aïd à Gaza.
Traduction de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.
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