Un film entend révéler la « vie secrète » de la famille royale d’Arabie saoudite
Un film en cours de production entend révéler la vie non dévoilée de la famille royale d’Arabie saoudite, en se concentrant sur les affirmations d’une femme palestinienne qui indique avoir été une épouse secrète du roi saoudien Fahd ben Abdelaziz al-Saoud.
Janan Harb est une chrétienne d’origine palestinienne de 68 ans qui affirme avoir été convertie de force à l’islam en 1968, alors qu’elle avait 20 ans, avant d’épouser le « fringant et immensément puissant » Fahd, alors âgé de 47 ans et prince-héritier d’Arabie saoudite, en première position dans l’ordre de succession au trône.
Toutefois, la famille royale n’appréciait pas Janan Harb, et en 1970, elle a été contrainte de fuir l’Arabie saoudite sur préavis de deux heures après que le frère de Fahd, l’actuel roi Salmane, l’a enjoint de se débarrasser d’elle et de sa famille.
Janan Harb, qui vit maintenant à Londres et qui est convertie à la scientologie, affirme que Fahd a promis de s’occuper d’elle financièrement jusqu’à la fin de ses jours. Cependant, elle accuse le fils de Fahd, le prince Abdelaziz ben Fahd, de refuser de satisfaire à l’accord conclu en 2003, lorsque Fahd était malade, dans le cadre duquel elle devait recevoir 12 millions de livres (environ 16 millions d’euros) et deux appartements dans le quartier chic londonien de Chelsea.
En novembre dernier, elle a remporté une affaire importante à la Haute Cour du Royaume-Uni et Abdelaziz a reçu l’ordre de payer, bien que le prince ait jusque fin mars 2016 pour décider ou non de tenter de faire appel de la décision.
Dans l’intervalle, Harb a vendu les droits de son histoire extraordinaire à Damien McCrystal, consultant en relations avec les médias, qui indique qu’un financement partiel a été obtenu pour produire un film qui fournira un aperçu unique des rouages de la famille royale d’Arabie saoudite, célèbre pour le mystère qui l’entoure.
McCrystal a déclaré à Middle East Eye qu’une bande-annonce de deux minutes est en cours de tournage dans un pays d’Afrique du Nord qu’il n’a pas révélé. Il a ajouté que le clip sera publié fin février à la fois en anglais et en arabe.
La bande-annonce comprendra des images retranscrivant des affirmations extraordinaires, comme une séquence où Fahd joue au casino Clermont Club de Londres, une autre dans laquelle il s’administre des drogues par voie intraveineuse pour satisfaire une prétendue dépendance à la méthadone, ou encore une autre mettant en scène l’affirmation de Harb selon laquelle Fahd l’a forcée à avorter à trois reprises parce qu’il « ne voulait pas voir des petits Arafat courir partout dans le palais », en référence à l’ancien dirigeant palestinien Yasser Arafat.
Harb confie qu’elle ne regrette pas avoir épousé Fahd et le décrit en réalité comme un « gentleman » pour qui elle est redevable, car « il m’a permis de m’échapper d’Arabie saoudite au lieu de me tuer », a-t-elle précisé.
Toutefois, elle reconnaît que si Fahd était vivant, il « ne serait pas très heureux » que ce film soit en cours de production.
« Mais cela doit sortir », a-t-elle soutenu. « Personne au monde ne sait exactement comment ils vivent à l’intérieur de leurs palais », a-t-elle indiqué à Middle East Eye. « Cela fait partie de l’histoire. »
L’Arabie saoudite est réputée pour être un pays musulman profondément conservateur, où l’alcool et les jeux d’argent sont interdits et où les femmes ont l’interdiction de conduire. Les affirmations controversées de Harb susciteront probablement de nombreux débats dans le royaume, où Fahd a été largement admiré au cours de son règne, de 1982 à 2005.
Le film, confié au réalisateur britannique Malcolm Walker de la société de production londonienne Itasca, nécessitera selon les estimations de Damien McCrystal un budget de 5 à 15 millions de livres (6,5 à 20 millions d’euros).
Au-delà des affirmations salaces sur la vie personnelle de Fahd, le film, dont le titre de travail provisoire est The Weaknesses of King Fahd (« Les faiblesses du roi Fahd »), mettra également au premier plan l’actuel roi d’Arabie saoudite, Salmane ben Abdelaziz al-Saoud.
Harb indique qu’elle connaissait Salmane lorsqu’elle vivait dans le palais avec Fahd, mais ses propos se font condamnatoires à son égard.
« Il ne fait pas partie des gentils. Je l’ai appelé le "Boucher de Riyad" au vu de la façon dont il a exécuté tant de gens », a-t-elle précisé, faisant allusion aux fonctions que Salmane occupe dans la capitale saoudienne, Riyad.
« Il n’avait pas une bonne réputation, il était très agressif. Il faisait partie de ceux qui ont été à l’origine de mon départ forcé. Mais c’était un très bel homme... Un bel homme et un dictateur ! »
Harb éprouve un profond mépris pour la famille royale saoudienne, même si une grande partie de son antipathie est dirigée contre le fils de son défunt mari, le prince Abdelaziz ben Fahd, contre qui elle a remporté l’affaire d’indemnisation en novembre 2015.
Harb décrit Abdelaziz comme une personne qui ne ressent « aucune honte », avant d’ajouter : « Il est ingrat. Fahd était un homme gentil, mais il est devenu cinglé quand il a eu ce garçon. »
Âgé de 43 ans, Abdelaziz dispose selon les révélations faites par un tribunal new-yorkais en 2012 d’un portefeuille immobilier d’un milliard de dollars et est également connu pour être le propriétaire de plusieurs yachts de luxe.
La richesse du prince vient du fait qu’il était l’un des fils favoris de Fahd et reçoit 50 % des bénéfices de la Middle East Broadcasting Corporation, une société de médias saoudienne, dans le cadre de son héritage.
Harb affirme qu’Abdelaziz parcourt le monde avec un entourage composé d’au moins 100 personnes et mène un train de vie d’environ six millions de dollars par semaine.
Le prince a fait la une des journaux en 2014 après que son convoi de dix voitures s’est fait voler 335 000 dollars à Paris. Il a également été accusé d’avoir drogué un de ses cousins en Suisse.
Son mode de vie extravagant et controversé suscite un grand mécontentement parmi les autres membres de la famille royale à Riyad, selon Harb.
« Il est rejeté par la famille », a expliqué Harb. « La famille est très heureuse que je l’ai amené au tribunal car elle ne l’aime pas. Il n’a pas le droit de se rendre en Arabie saoudite à l’heure actuelle. »
L’autobiographie de Harb, qui raconte l’histoire de sa vie d’épouse secrète de Fahd, devrait être publiée à la fin de l’année 2016. Aucune date d’achèvement du film n’a été fixée.
Contacté par Middle East Eye, Jamal Khashoggi, journaliste de premier plan et ancien conseiller de la famille royale, a commenté ces affirmations : « Je préfère rester à l’écart de ces commérages. »
Malgré ses déclarations controversées, Harb ne craint pas de représailles de la part de l’Arabie saoudite.
« Je suis palestinienne, rien ne m’effraie », a-t-elle assuré.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
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