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Des commandos américains assistent l’effort mené par les Kurdes sur le bastion syrien de l’EI

Les troupes d’élite américaines soutiennent les combattants des FDS dans l’opération pour prendre le contrôle du nord de Raqqa, la province de la « capitale » de l’EI
Des soldats américains, dont l’un porte apparemment le badge des YPG à Fatisah, dans la province de Raqqa, le 25 mai 2016 (AFP)

AÏN ISSA, Syrie – Dans une base du nord de la Syrie, on peut voir les forces spéciales américaines fournir une assistance ciblée et des tirs d’artillerie pour soutenir les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes dans le cadre de leur opération visant à nettoyer la campagne du nord de Raqqa, à proximité de la capitale auto-proclamée de l’État islamique (EI).

La présence de la coalition sur le terrain à cet endroit est manifeste, contrairement à l’année dernière où on ne voyait pas de soldats occidentaux. Les forces spéciales britanniques, américaines et françaises assistent les FDS sur le terrain dans une opération qui a permis d’avancer jusqu’à présent d’au moins 6 km et qui vise à déloger l’EI de son bastion du nord-est de la Syrie.

Des photos ont montré des troupes américaines manipuler un lance-grenade à Fatisah (Raqqa). L’une d’elles montrait ce qui semble être un soldat américain portant l’insigne des YPG, une composante des FDS qui a défendu Kobané d’attaques de l’EI en 2014 et 2015.

Heval Gabar Tolhildan, un volontaire dans les FDS originaire du Canada, a déclaré à Middle East Eye : « Ils travaillent avec nous, ils nous donnent des cours et nous forment dans les domaines des frappes aériennes, de la communication et de la stratégie. Ils tirent, attaquent au mortier et nous assistent avec des frappes aériennes.

Ils ne sont pas à la tête de l’opération, alors ça va, mais ils peuvent fournir plus de fournitures et d’armes. »

Un volontaire canadien nommé Heval Gabar (25 ans) sur la ligne de front près du village de Fatisah (MEE/Wladimir van Wilgenburg)

La campagne a été lancée mercredi, quelques jours seulement après la récente visite du chef du Commandement central américain, le général Joe Votel. Sa visite survenait juste après la décision de l’administration Obama d’envoyer 250 soldats supplémentaires pour faciliter l’opération de Raqqa.

« Nous n’avons pas vu le général, qui était plus là pour les médias. Cependant, quand nous voyons des soldats américains sur le front, cela nous remonte le moral », a ajouté Tolhildan.

Traduction : les forces spéciales américaines à Raqqa, tous les jours.

Les commandants kurdes locaux interdisent de prendre des vidéos ou des photos des forces spéciales américaines ; cependant, des images prétendant montrer les troupes américaines avec les FDS ont déjà été publiées sur les réseaux sociaux.

Les forces américaines ont également été vues conduisant des camions escortés par des équipes anti-terroristes kurdes, connues sous l’acronyme « HAT ».

Malgré la présence des troupes d’élite américaines, les combattants kurdes locaux soutiennent qu’ils ont besoin de plus d’armes pour vaincre l’EI.

« Pour libérer Raqqa, il nous faut plus d’armes », a confié à MEE Abu Ahmed, un combattant de la ville syrienne de Deir ez-Zor. « Après la libération de Deir Ez-Zor, on vous donnera un puits de pétrole », a-t-il plaisanté, indiquant que les FDS veulent aussi jouer un rôle dans l’avenir de la ville, située au sud de Raqqa.

« On constate jusqu’à présent que l’appui est très faible. Nous disposons de nombreux combattants, mais de peu d’armes. Si on nous fournissait plus d’armes, ce serait bien, parce que les tactiques des mercenaires [de l’EI] sont très avancées », a déclaré Heval Soresh, un combattant kurde local. « Si nous rassemblons plus d’armes, nous pourrons prendre Raqqa facilement. »

Deux combattants de Deir ez-Zor qui ont couvert leurs visages, craignant des représailles contre leurs familles à Deir ez-Zor (MEE/Wladimir van Wilgenburg)

Talal Sello, le porte-parole officiel des FDS, a également dit qu’il leur faut davantage d’armes.

« Jusqu’à présent, il s’agit seulement de munitions. Nous demandons des armes comme de l’artillerie, des véhicules blindés et des roquettes antichars », a précisé Sello.

Bien que les combattants aient demandé des armes lourdes, des armes légères auraient été remises aux officiers en cadeaux après des réunions – notamment des fusils d’assaut M4 et M16, ainsi que des mitrailleuses lourdes.

Un combattant, qui a demandé à conserver l’anonymat, a néanmoins déclaré que ces armes ne seront pas utiles dans la lutte contre l’EI.

« Ces armes de poing ne sont pas utiles car Daech ne s’approchera jamais à moins de 50 m pendant la bataille », a dit ce combattant anonyme.

Les États-Unis hésitent très probablement à fournir des armes lourdes aux forces kurdes certainement pour ménager la susceptibilité de la Turquie, leur allié dans l’OTAN.

Ankara est en guerre avec les groupes militants kurdes au niveau national et les autorités turques ont vivement plaidé contre tout soutien américain aux forces kurdes en Syrie.

« Nous comprenons leurs préoccupations en ce qui concerne les forces kurdes dans le nord de la Syrie », a déclaré le porte-parole du département d’État américain Mark Toner lundi dernier. L’armée turque a prévenu les États-Unis de ne pas faire confiance à la milice syro-kurde des YPG le 23 mai.

En conséquence, les États-Unis ont essayé de renforcer les forces arabes au sein des FDS et forment 200 combattants arabes dans une base près de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie. Les FDS recrutent également de plus en plus d’Arabes.

Les principaux responsables kurdes ont affirmé que, à l’avenir, Raqqa pourrait faire partie d’une région fédérale dans le nord de la Syrie administrée par des Arabes de la zone.

« Je pense que nous allons imposer la gouvernance [de Raqqa] par des Arabes syriens sunnites, de préférence parmi les tribus de la région de Raqqa et les entités de gouvernance originales résiduelles. Voilà la façon dont les choses devraient se faire », a déclaré le général John Allen, l’ancien envoyé spécial de la coalition internationale contre l’État islamique, à MEE.

« Je serais très surpris si nous ne travaillions pas déjà avec des éléments des tribus locales et les responsables civils expatriés de Raqqa pour mener des opérations de stabilité au lendemain de l’opération de nettoyage.

« Cela comprend l’établissement d’une police et d’une gouvernance locales ainsi que l’activité de stabilité immédiate et les services essentiels, les opérations de détention, le soutien médical », a-t-il ajouté.

Le soutien croissant pour les FDS a suscité la jalousie et la colère au sein des rebelles de l’opposition syrienne basés à Alep et en Turquie, qui ont prévenu les États-Unis que cela pourrait conduire à un conflit entre Arabes et Kurdes.

Cependant, les combattants de l’opposition qui font partie des FDS rejettent ces critiques. Abdullah Qattab al-Saif, leader d’une petite brigade de l’armée libre syrienne, a demandé à ces rebelles de venir se battre sur le terrain.

« Je ne suis pas kurde, je suis arabe et je viens des tribus, de l’une des plus grandes tribus de la province de Raqqa », a-t-il rapporté à MEE.

« Ils [le gouvernement turc] oppriment les Kurdes en Turquie, mais les Kurdes aident tous ceux qui se battent contre l’EI, les Kurdes sont Syriens et il n’y a pas de différences entre les Arabes, les Kurdes, les Alaouites, les musulmans et les chrétiens », a-t-il ajouté.

« Les FDS se composent de tous les groupes ethniques et religieux, mais malheureusement personne n’aime la vérité et ceux qui mentent à notre propos sont assis dans des cybercafés en Turquie pour fabriquer des mensonges », a-t-il jugé.

L’opération de Raqqa en est encore à ses débuts, mais avec au moins quatre villages pris depuis mardi, elle s’avère un lent succès jusqu’à présent.

« Les assaillants ne se précipiteront pas. Soyez prêts à l’application très chirurgicale de la force. Des frappes aériennes, puis des mouvements au sol très prudents. Quelques frappes aériennes de plus, et ensuite d’autres mouvements au sol plus prudents », a déclaré le général John Allen à MEE.

« Nous devons nous soucier des civils et l’intensité de la force des attaquants ne peut supporter un grand nombre de victimes. Cela ne sera pas rapide. Je ne pense pas que Daech va rompre le contact, et fuir, mais on ne sait jamais. Si nous prenons Raqqa, nous pourrions constater un affaiblissement général de leur système de commandement et de contrôle », a-t-il poursuivi.

Cependant, certains responsables kurdes craignent que, s’ils réussissent à prendre Raqqa, ils perdront le soutien des États-Unis, car les forces kurdes chercheront à poursuivre le combat et à prendre Manbij, à l’ouest de Raqqa et de l’Euphrate, avant de passer à la bataille pour la ville kurde assiégée d’Efrin dans la province d’Alep.

En dépit de ces préoccupations, un ancien haut responsable kurde a déclaré qu’ils se consacrent toujours à reprendre la ville contrôlée par l’EI.

« Tant que Raqqa est sous le contrôle de Daech, ils attaqueront Kobané, Hassaké et Tal Abyad, donc nous devons les vaincre », a déclaré Idris Nassan, un ancien haut fonctionnaire depuis Kobané.

Nassan pense que la condition pour laquelle les forces kurdes se battent pour Raqqa sera que les États-Unis acceptent qu’elles progressent en direction de Manbij.

« Une des conditions des forces de la coalition est que les FDS libèrent Raqqa, ensuite elles leur permettront d’aller à Manbij », a-t-il ajouté.

 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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