Les chrétiens célèbrent le voyage de Marie, Joseph et Jésus en Égypte, raconté dans la Bible
Pendant les festivités et rassemblements religieux et communautaires du mois de Ramadan, l’ambiance festive chez les musulmans fait la une de la télévision nationale en Égypte et dans de nombreux médias internationaux. Par contre, la fête religieuse chrétienne commémorant le voyage biblique de Marie, Joseph et Jésus en Égypte n’est pratiquement pas couverte par la presse, et la majorité des Égyptiens ignore même l’existence de cet événement.
Chaque année, pendant toute une semaine, du 5 au 10 juin, plus de deux millions de chrétiens (selon le maire et d’autres fonctionnaires locaux) montent vers le village de Gebel al-Tayr (Montagne aux Oiseaux) près d’al-Minya, en quête de bénédictions. On raconte qu’au cours du voyage de la sainte famille en Égypte, la Vierge Marie aurait passé trois jours dans une grotte de cette montagne.
La commémoration annuelle de cet événement en Égypte remonte à des temps anciens et a été rapportée fidèlement par des historiens et auteurs du monde entier.
D’après la tradition biblique, le roi Hérode avait décrété que tous les jeunes garçons soient tués. La Vierge Marie a donc fui en Égypte avec son fils Jésus, accompagnée de Joseph, charpentier de son état, pour y trouver refuge et réconfort. Tout au long de l’année, les chrétiens d’Égypte suivent leur itinéraire avec une tendresse mêlée de fierté, et visitent les endroits où la famille a fait étape.
Gebel al-Tayr fut la première étape de la Sainte Famille en Haute-Égypte. La majorité des chrétiens égyptiens habite dans cette région, représentant le nombre le plus élevé des participants à cette fête.
La célébration se déroule dans un petit village perdu dans les montagnes avec le Nil en toile de fond, et des champs à perte de vue.
Pendant les fêtes, les rues étroites se remplissent de fidèles venus de toute la Haute-Égypte. Femmes, enfants, vieillards et familles, tout le monde achète ou troque pour se procurer jouets ou fesik – plat égyptien traditionnel à base de poisson ; au milieu de la foule et de toute cette agitation sont proposées des photos de saints chrétiens, maladroitement « photoshoppées ».
« [Je] suis venu ici pour la première fois à l’époque du (président) Nasser, donc dans les années 60, et j’y retourne tous les ans depuis », déclare Haj Reda Kamal, qui doit avoir plus de soixante-dix ans. « Le village n’existait pas, pour ainsi dire. Il n’y avait que quelques maisons serrées autour de l’église, c’est tout ; dans les années 60, beaucoup moins de gens venaient ici. »
Ces fêtes sont une source de revenus pour un grand nombre de vendeurs ambulants, et la plupart de ceux qui font le déplacement arrive ici deux ou trois jours à l’avance pour monter leurs étals et y disposer leurs marchandises. Abanoub Kamal, vendeur ambulant de 38 ans, travaille habituellement au Caire. « Pendant les fêtes, ici à Gebel al-Tayr, je gagne autant en une semaine qu’en trois mois de travail au Caire. Je travaille toute l’année et ne prends jamais de vacances. Alors ce que je gagne ici me permet de me reposer un peu, pendant les deux semaines qui suivent. »
Il poursuit : « Ceux qui viennent ici sont pour la plupart originaires des régions les plus pauvres de Haute-Égypte. En été, ils n’ont pas les moyens de partir au nord en villégiature, et ces fêtes sont donc pour eux un moyen de se divertir. »
L'Église de la Vierge Marie est très ancienne ; pour les visiteurs, c’est sans doute le lieu le plus important du village. Il date du IVe siècle et a été construit par sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin. Il a été restauré dans les années vingt, à l’époque du roi Fouad.
Les pèlerins se massent devant l’église, attendant patiemment leur tour de s’aventurer à l’intérieur, où ils vont prier et allumer des cierges, symboles de la lumière apportée au monde par Jésus-Christ ; c’est aussi un signe de repentance de leurs péchés.
Le soir, une petite scène est installée dans la cour de l’église, lieu de rendez-vous des jeunes hommes de l'Archevêché qui interprètent leurs chants religieux, très appréciés des participants.
Certains pensent que si tant de chrétiens participent à ce genre de fêtes religieuses en Haute-Égypte, c’est parce que les chrétiens ne constituent qu’une petite minorité en Égypte.
Ishak Ibrahim, journaliste et chercheur œuvrant pour l'Initiative égyptienne pour les Droits Personnels, explique : « La plupart de ceux qui ont participé à la célébration viennent de Haute-Égypte. » Il ajoute que les chrétiens de Haute-Égypte « prennent le prétexte de ce genre de fête religieuse pour se réunir en communauté et aussi éprouver un sentiment d’appartenance ».
« Bon nombre des familles ici ne mettent jamais les pieds à l’église d’habitude », explique-t-il. « Ce genre d’événement religieux est simplement une occasion de rencontrer d'autres gens et essayer d’entretenir le sentiment de faire partie d’une grande communauté. »
Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.
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