De nouveaux tanks entrent en Syrie pendant que les États-Unis appuient l’opération sur Jarablus
ISTANBUL, Turquie - Au moins neuf tanks turcs supplémentaires sont entrés au nord de la Syrie jeudi dans le cadre de l’opération visant à expulser le groupe État islamique de la ville frontalière de Jarablus et à arrêter les combattants des milices kurdes dans leur conquête de territoires.
Un officiel turc a déclaré à Reuters que plus de vingt tanks turcs se trouvaient maintenant en Syrie et que d’autres y seraient envoyés si besoin.
« Nous avons besoin de machines de chantier pour ouvrir des routes… et dans les jours qui viennent, nous aurons sans doute besoin de plus encore », a ajouté l’officiel sous le sceau de l’anonymat. « Nous disposons également de transports de troupes blindées susceptibles d’être utilisés en Syrie. Ils pourront être mis en service dès que cela sera nécessaire. »
La Turquie a reçu plusieurs coups de pouce mercredi, quand les États-Unis ont soutenu la prise d’une ville frontalière syrienne détenue par l’État islamique, et prévenu un peu plus tôt les alliés kurdes en Syrie de stopper leurs avancées sous peine de perdre le soutien américain.
Lors d’une visite à Ankara, le vice-président américain Joe Biden a déclaré que les États-Unis soutenaient l’incursion turque à Jarablus. Auparavant, il avait averti : les alliés des Américains, les Syro-kurdes des Unités populaires de protection (YPG), « ne doivent pas progresser plus avant à l’ouest de l’Euphrate... au risque de ne plus jamais recevoir de soutien américain. Point barre. »
Cette déclaration a fortement appuyé la politique de la « ligne rouge » soutenue de longue date par Ankara, selon laquelle ce franchissement créerait une enclave kurde contiguë au nord de la Syrie et renforcerait l’ennemi juré de la Turquie, le PKK kurde.
Quelques heures à peine après la déclaration de M. Biden, le site web kurde K24 indiquait que le YPG se retirait comme exigé.
« Jarablus est complètement libérée »
Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, a déclaré plus tard que les résidents de Jarablus « sont de nouveau en possession de leur ville » – suggérant que la ville était contrôlée par ses forces.
Les États-Unis ont précisé avoir utilisé des chasseurs F-16 et A-10 « démolisseurs de blindés » pour soutenir les tanks turcs, les forces spéciales et jusqu’à 5 000 soldats alliés de l’Armée syrienne libre (FSA) dans cette bataille, commencée dès l’aube mercredi.
Des images publiées jeudi après-midi montraient les rebelles soutenus par la Turquie patrouiller dans le centre de la ville. La Brigade Sultan Mourad (groupe en grande partie constitué de Syriens turkmènes), prenait les devants. Ahmad Othman, commandant de la brigade, a déclaré à l’AFP en fin d’après-midi que « Jarablus est complètement libérée ».
Certains observateurs ont rapporté que la majeure partie des forces de l’EI s’étaient retirées avant même le début de l’incursion turque.
L’agence d’informations Anadolu a recensé une seule victime dans les rangs de la FSA en une journée.
Des photos ont diffusées sur les réseaux sociaux, montrant des soldats de l’Armée syrienne libre circulant librement autour de Jarablus.
Traduction : « FSA dans Jarablus »
La rapidité de leur avance a toutefois constrasté avec les longues et laborieuses batailles menées par les forces kurdes pour reprendre à l’EI les villes au nord de la Syrie, dont Kobane et Manbij.
Ankara a tenu à souligner que l’offensive « ne visait pas l’intégrité territoriale de la Syrie ». Jarablus est la dernière grande ville détenue par l’EI le long de la frontière avec la Turquie.
Malgré le retrait apparent des Unités populaires de protection, Saleh Muslim Mohammed, co-président de son aile politique, le PYD, a promis à la Turquie que le pays serait « vaincu », tout comme l’EI.
La Russie, qui soutient le gouvernement syrien du président Bachar al-Assad, a déclaré être « profondément préoccupé par ce qui se passe sur la zone frontalière syro-turque ». L’opération aérienne et terrestre de la Turquie risque « de faire dégénérer encore plus gravement la situation dans la zone de conflit », a mis en garde Moscou.
Et malgré le soutien à la Turquie en Syrie, Joe Biden a refusé de revenir sur la politique officielle décidée sur l’extradition de Fethullah Gülen, prédicateur exilé aux États-Unis accusé par Ankara d’être le cerveau du coup d’État manqué en juillet. Le département d’État américain a confirmé mardi avoir reçu une demande formelle d’extradition de la Turquie.
Mercredi, Biden a déclaré que cette décision était du ressort des tribunaux et que les responsables américains coopéraient avec leurs homologues turcs pour veiller à ce que les documents administratifs répondent bien aux normes juridiques en vigueur aux États-Unis.
Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.
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