Alep risque de devenir un « cimetière géant »
L'armée syrienne a été accusée d'avoir tué des dizaines de civils qui tentaient de fuir une zone occupée par les rebelles ravagée par la violence pour rejoindre les districts contrôlés par le gouvernement à Alep.
L'attaque présumée est venue s’ajouter à une journée sanglante pour Alep hier, qui s’est achevée avec une demande désespérée de l'ONU au Conseil de sécurité d’aider à briser le siège de plusieurs mois sur l’est de la ville.
« Pour le bien de l'humanité, nous demandons – nous prions – les parties et les personnes influentes de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les civils et permettre l'accès à la partie assiégée de l'est d'Alep avant qu'elle ne devienne un cimetière géant », a déclaré Stephen O'Brien, le sous-secrétaire général des Nations unies pour les affaires humanitaires.
Le groupe de défense civile syrien, connu sous le nom de Casques blancs, a déclaré mercredi que des tirs d'artillerie du gouvernement avaient tué au moins 45 personnes, y compris de nombreux enfants, alors qu'ils essayaient d'échapper aux combats à Jub al-Quba, à l'est de la ville.
Des images choquantes publiées par les Casques Blancs ont montré des cadavres jonchant les rues du quartier. Jub al-Quba est l'une des nombreuses zones tenues par les rebelles qui ont connu un afflux de civils désespérés de fuir les combats dans l'est de la ville.
L’Observatoire syrien pour les droits de l'homme a affirmé que c'était la deuxième fois que Jub al-Quba avait été frappé, suite à une attaque aérienne ayant tué 25 civils mardi.
L'attaque s'est produite alors que le gouvernement syrien était accusé d'avoir arrêté et exécuté des civils parmi les dizaines de milliers ayant rejoint les zones du gouvernement cette semaine.
L'Observatoire a indiqué que des centaines de personnes avaient été arrêtées après avoir rejoint des quartiers détenus par le gouvernement et que 300 personnes étaient « portées disparues ». Il a affirmé que certains jeunes hommes pourraient être enrôlés dans l'armée, tandis que d'autres pourraient faire l’objet d’enquêtes pour déterminer leurs liens éventuels avec les rebelles.
Une source militaire syrienne a nié que des arrestations avaient eu lieu, mais a déclaré à l'agence de presse Reuters que certains civils étaient placés dans des « endroits spécifiques » et interrogés pour déterminer s'ils étaient des « terroristes ».
« Une grande quantité de personnes sont sorties », a déclaré la source. « Il y a énormément de gens qui doivent faire l’objet de vérifications et de suivi. Telle est la situation. »
Brita Hagi Hasan, le président du conseil local d'Alep qui est en exil en France, a déclaré qu'il y avait « des preuves documentées » que des hommes civils de moins de 40 ans avaient été visés par les forces gouvernementales.
« Le régime occupe certaines [nouvelles] zones d'Alep. Nous avons des preuves documentées, des preuves d'exécutions et de représailles », a-t-il déclaré. « Les civils appellent le monde à l’aide, au nom de l'humanité, laissez les civils quitter la ville, aidez les civils, protégez les civils. »
La violence a continué à faire rage dans toute la ville mercredi. Selon l'armée syrienne, huit civils ont été tués dans une zone de l’ouest d’Alep par des tirs de roquettes rebelles.
L'Observatoire a également déclaré mercredi que 50 000 personnes avaient fui les zones rebelles de la ville au cours des 72 dernières heures de combat, alors que les forces gouvernementales syriennes progressaient à travers les fronts de l'opposition, principalement dans le nord-est de la ville.
Middle East Eye n'a pas pu vérifier ce chiffre. Quelques heures plus tôt, le Comité international de la Croix-Rouge l’a pour sa part estimé comme étant plus près de 20 000. On pense que 250 000 personnes sont depuis plusieurs mois prises au piège d’un siège de l'armée syrienne dans les zones tenues par les rebelles.
Le gouvernement syrien a déclaré à plusieurs reprises qu'il offrirait une amnistie aux rebelles qui rejoindraient son territoire à Alep et qu’il accepterait les civils dans le cadre d'une « réconciliation nationale » contre le « terrorisme ».
Cependant, les rebelles et les civils ont jusqu'à cette semaine largement refusé cette offre, beaucoup craignant de se faire arrêter. Le gouvernement syrien affirme que les combattants rebelles ont empêché les civils de quitter les zones sous leur contrôle.
Mardi, le Guardian a rapporté que des loyalistes du gouvernement syrien avaient arrêté des hommes dans le quartier de Masakan Hanno après le retrait des rebelles de cette zone dimanche et qu’ils n'avaient pas été revus.
« Ils ont emmené mon neveu et mon oncle, l'un avait 22 ans et l'autre 61, a déclaré un homme. J’ignore si je les reverrai ».
Un haut responsable de l'alliance militaire pro-Damas a déclaré mardi que la Syrie et ses alliés avaient pour objectif de chasser les rebelles d'Alep avant le 20 janvier, date à laquelle Donald Trump prendra ses fonctions en tant que président américain.
Zakaria Malahifji, chef du bureau politique du groupe rebelle Fastaqim, a déclaré à Reuters que ses hommes n'abandonneraient pas la ville.
« Un retrait des factions est rejeté », a-t-il déclaré depuis la Turquie. « C'est la décision des factions, je leur ai parlé de tout ce qui a été discuté et elles ont dit qu'elles ne se retireraient pas, d'autres choses pourraient aussi arriver. »
Traduit de l’anglais (original).
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