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La Turquie fait face à deux options difficiles en Syrie. Aucune des deux n’est bonne

La Russie prévoit un projet de Constitution pour la Syrie. Washington parle de zones de sécurité dans le pays. Bonne nouvelle pour les Kurdes syriens. Mauvaise nouvelle pour Ankara

Le jeudi 26 janvier, les Turcs ont eu une surprise agréable aux nouvelles du matin.

Puis, quelques heures plus tard, des nouvelles tout aussi inattendues, mais indésirables pour la plupart des Turcs, ont suivi.

Ensemble, ces deux développements suggèrent que tout accord ferme entre la Turquie et les autres acteurs extérieurs à la guerre en Syrie pourrait être encore loin.

Ils rendent le partenariat Ankara-Moscou vulnérable à une crise, tandis que les opérations militaires de la Turquie en Syrie pourraient être mises en échec, au moins temporairement.

Washington et Moscou en désaccord

Les bonnes nouvelles, du moins initialement pour le gouvernement turc, sont venues du président américain Donald Trump, qui a annoncé qu’il avait l’intention d’aider à mettre en place des zones de sécurité en Syrie pour servir de base aux réfugiés. La Turquie préconise depuis près de quatre ans la création de zones sûres dans le nord de la Syrie, à l’origine associées à des zones d’exclusion aérienne.

Étant donné qu’un cessez-le-feu est maintenant décrété en Syrie et que les opérations contre le régime de Bachar al-Assad sont à l’arrêt, ces zones ne seraient probablement plus utilisées à des fins militaires.

Avant de lancer l’idée, Trump n’a évidemment pas consulté Moscou

Toutefois, la Turquie a fait face à l’opposition tacite mais inébranlable de l’administration Obama pendant plusieurs années, contribuant au fossé amer entre Ankara et Washington depuis 2013, principalement parce que les Américains ont refusé de soutenir une opération militaire turque en Syrie.

Les remarques de Trump suggèrent qu’il considère ces zones comme un moyen de soulager la pression des réfugiés plutôt que comme une mesure ayant une importance cruciale pour l’équilibre stratégique en Syrie.

Les forces turques ont envahi la ville syrienne de Jarablus en août 2016 (Reuters)

Avant de lancer l’idée, Trump n’a évidemment pas consulté Moscou. En l’espace d’une heure ou deux, l’attaché de presse du président Vladimir Poutine, Dmitri Peskov, a prévenu ostensiblement : « Il est important que cela n’aggrave pas la situation des réfugiés, mais toutes les conséquences devraient être pesées ».

Au cours de la journée, ce message a commencé à faire sens. Et les Turcs se sont sentis confus, peut-être même inquiets, au sujet de ce que Trump proposait réellement.

Ce qui manque : les enclaves

Le détail crucial qui manquait à ses remarques concernait son attitude envers les Kurdes syriens appartenant au Parti de l’union démocratique (PYD), qui contrôle les enclaves syriennes kurdes mais qui est affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement militant menant une campagne terroriste en règle contre le gouvernement turc.

Ankara considère les enclaves du PYD comme dangereuses et inacceptables et aimerait les voir disparaître – mais la façon dont cela pourrait se faire n’est pas claire.

Ankara considère les enclaves du PYD comme dangereuses et inacceptables et aimerait les voir disparaître

Il veut aussi que les avancées militaires kurdes syriennes contre l’État islamique (EI) soient stoppées parce que cela rapproche le spectre (pour Ankara) d’une zone kurde indépendante et forte sur le plan militaire en Syrie. Cela avait provoqué une confrontation avec Obama. En sera-t-il de même avec Trump ?

La décision de Trump de retenir Brett McGurk comme « envoyé spécial » (c’est-à-dire coordinateur de facto) de la coalition menée par les États-Unis contre l’EI a déjà déçu Ankara.

McGurk est considéré comme l’architecte d’un pacte militaire entre les États-Unis et les Unités de protection du peuple (YPG), la milice du PYD, par l’intermédiaire duquel les Kurdes syriens ont accès à un approvisionnement en armes qui pourrait être utilisé lors de confrontation avec les forces turques ou les forces d’opposition syriennes.

Sonnettes d’alarme à Ankara

Et puis, plus tard jeudi matin, les informations de la télévision turque ont rapporté les mauvaises nouvelles.

Jusqu’à la fin de la semaine précédente, presque rien n’avait été révélé au sujet du contenu des négociations entre le gouvernement syrien et les groupes d’opposition à Astana au Kazakhstan, bien que la déception semblât s’installer parmi les différents groupes de l’Armée syrienne libre adversaires du régime.

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C’est gênant pour la Turquie, qui cherche à les regrouper en une seule entité politique unifiée qui sera en mesure d’agir pour l’opposition dans tout accord à long terme concernant l’avenir de la Syrie.

Toutefois, si l’on en croit les sources russes, un projet de Constitution a été présenté aux participants à Astana par la délégation russe. Les détails qui ont été révélés sont profondément dérangeants à la fois pour les opposants sunnites du régime et pour la Turquie.

Le point vraiment litigieux du projet était la proposition selon laquelle il pourrait y avoir des régions kurdes autonomes

En vertu de ce projet, un État non arabe et non islamique serait créé. Il serait basé sur la diversité culturelle et religieuse, et le groupe non-sunnite (30 % du total basé sur la population d’avant-guerre du pays) verrait sa position bien établie.

Aucune carte n’a encore été publiée, mais évidemment Assad garderait les prospères provinces côtières tandis que la région sunnite serait probablement située dans le nord près de la Turquie.

« La diversité culturelle de la société syrienne sera assurée », indiquait le projet. Le plan établirait quasiment un fédéralisme total, dont le principe rend nerveux presque tout le monde en Turquie car il est considéré comme le prélude à une séparation permanente des enclaves syriennes kurdes connues sous le nom de Rojava, le long de la frontière turque.

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Il est peu probable que tout cela soit acceptable pour les groupes qui se sont battus pour créer un État sunnite unifié.

Le point vraiment controversé du projet et celui qui a immédiatement déclenché l’alarme en Turquie a été la proposition selon laquelle il pourrait y avoir des régions kurdes autonomes et que les deux langues, kurde et arabe, seraient traitées sur un pied d’égalité.

Qui sont les gagnants – et les perdants ?

Les PYD a été exclu de la réunion d’Astana à la demande de la Turquie, mais un groupe rival, le Conseil national kurde (ENKS), issu du gouvernement régional kurde irakien, était présent.

Contrairement à ce qu’Ankara espérait, voire attendait probablement, les objectifs de Moscou semblent maintenant se concentrer sur l’implication du PYD dans l’accord.

Une délégation du PYD a été invitée à Moscou le 26 janvier pour y être informée des résultats de la réunion d’Astana et de la nouvelle Constitution par Sergei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. Cependant, quatre jours plus tard, un porte-parole russe a fait marche arrière, démentant le soutien de la Russie à l’autonomie des Kurdes.

Ceci implique que, indépendamment de tout ce que Trump décide, la Russie n’acceptera pas une quelconque tentative de la Turquie visant à soumettre le « Rojava » alors que se dessinent les enclaves syriennes kurdes.

De plus, s’il doit y avoir un accord en Syrie selon les lignes envisagées à Astana, les groupes de l’Armée syrienne libre devront coexister avec leurs voisins kurdes.

Un soldat de l’ASL pleure son frère tué dans les combats à al-Bab en janvier (Reuters)

Depuis juillet 2015, la Turquie cherche par tous les moyens à écraser ses propres militants kurdes. Voir sur sa frontière méridionale des enclaves autonomes kurdes permanentes et favorables au PKK est un cauchemar.

La situation pourrait être différente si les forces turques en Syrie, qui assiègent la ville d’al-Bab (contrôlée par l’EI) depuis mai dernier, avaient le dessus. Alors, l’armée turque pourrait se diriger vers Afrin et Manbij, qui sont proches de sa frontière méridionale.

La Russie n’acceptera pas une quelconque tentative de la Turquie visant à soumettre le « Rojava » alors que se dessinent les enclaves syriennes kurdes

Mais jusqu’à présent, l’EI s’est révélé tenace, même si, selon des rapports, il pourrait se retirer d’al-Bab. La Turquie, qui a perdu environ 50 soldats dans le siège, n’est pas disposée à risquer davantage de victimes dans un assaut total sur une ville qui a perdu la majeure partie de son importance stratégique quand Alep-Est est tombé en décembre.

La Turquie peut maintenant se retrouver face à deux options difficiles : rester bloquée en Syrie ou conclure un accord avec la Russie, ce qui lui donnerait beaucoup moins que ce qu’elle espérait et la laisserait toujours face à l’EI et au PYD.

 

David Barchard a travaillé en Turquie comme journaliste, consultant et professeur d’université. Il écrit régulièrement sur la société, la politique et l’histoire turques, et termine actuellement un livre sur l’Empire ottoman au XIXe siècle.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des véhicules militaires turcs dans la ville rebelle d’al-Rai (Syrie), en janvier 2017 (Reuters).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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