Des jeunes hommes blancs se radicalisent. Il est temps d’en parler
La suprématie blanche a été portée au pouvoir le jour où Donald Trump a été élu président des États-Unis. Ses plus ardents partisans le soutenaient à travers le monde. Pour eux, Trump marquait la résurgence de la domination masculine blanche et ils n’avaient pas honte de la célébrer.
Le Southern Poverty Law Center a recensé 1 094 crimes de haine aux États-Unis depuis la victoire électorale de Trump
Leur influence grandit. Suite au décret de Trump visant à interdire aux citoyens de sept pays à prédominance musulmane d’entrer aux États-Unis – un décret annulé par les tribunaux fédéraux –, les nationalistes blancs se sont tournés vers le site de forums de discussions Reddit pour exprimer leur joie. Trump, semblait-il, était la bonne affaire.
Un utilisateur a même dit qu’il était si fier de Trump qu’il ne pouvait pas « lever son bras droit plus haut » – une référence au salut nazi.
Ces messages ne sont pas anecdotiques. Le Southern Poverty Law Center (SPLC) a recensé 1 094 crimes de haine aux États-Unis depuis la victoire électorale de Trump. Dans 37 % des cas, une référence directe à Trump ou à ses propos était impliquée.
Le SPLC a également dénombré 892 groupes de haine aux États-Unis, dont la grande majorité embrasse les opinions de la suprématie blanche.
Beaucoup de ces mouvements sont actifs sur les réseaux de jeux et les forums web tels que Stormfront, qui est devenu un terrain fertile pour les extrémistes de droite.
Désormais, la Maison-Blanche présente le racisme comme une idéologie acceptable, entraînant la radicalisation de jeunes hommes blancs à travers le monde.
Il est temps d’en parler.
Le visage du fascisme
Richard Spencer est un « nationaliste blanc » autodéclaré qui a fondé le mouvement Alt-Right – la droite alternative américaine – en 2010. Il a récemment lancé une tournée dans les campus universitaires pour recruter de nouveaux membres désillusionnés par l’establishment politique républicain.
En 2015, les musulmans ont connu une augmentation de 67 % des crimes de haine à leur encontre
À la base, l’Alt-Right prétend protéger les blancs d’un « génocide culturel » causé par l’autonomisation des féministes et des personnes de couleur. Mais qui est censé protéger les autres des extrémistes comme Spencer ?
En 2015, le FBI a rapporté que sur les 2 125 crimes de haine enregistrés contre des noirs, les blancs en étaient les auteurs 58 % du temps. En revanche, les blancs n’étaient victimes que dans 10 % des 5 850 incidents rapportés.
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Au cours de la même période, les musulmans ont connu une augmentation de 67 % des crimes de haine à leur encontre. Les attaques antisémites sont les plus fréquentes.
Les chiffres réels pourraient être beaucoup plus élevés puisque de nombreux États ne signalent pas les crimes motivés par la haine au FBI. Mais ce n’est qu’une partie du problème. Le fait que la Maison-Blanche diffuse des discours de haine est encore plus inquiétant.
Lecia Pickett, directrice du SPLC, a déclaré que son centre avait lancé un programme sur les campus pour essayer de protéger les jeunes hommes blancs de la radicalisation. Elle a également souligné l’importance de travailler avec les groupes républicains qui parrainent des conférences de personnes comme Spencer.
« [Les minorités] sont très préoccupées par l’augmentation de l’antisémitisme et de l’antiféminisme », a déclaré Lecia à MEE.
« [L’Amérique] ne peut pas se permettre de revenir sur ces choses. [Le SPLC] s’exprime constamment sur les campus et parle également aux administrateurs. »
Réalité ou fiction ?
Malgré les efforts déployés par des groupes comme le SPLC, la propagande est difficile à contrer.
L’an dernier, Breitbart News, un média d’Alt-Right dont Trump a fait la promotion au cours de sa campagne, a connu un pic de trafic considérable, passant de 13 millions à 19 millions de visiteurs.
La résurgence des aspirations nazies n’a pas forcé les gouvernements à réfléchir sérieusement à la façon de protéger les jeunes hommes blancs de l’extrémisme – à la différence de l’hystérie qui poursuit les personnes de couleur et les musulmans lorsqu’un crime est commis en leur nom
Ces plates-formes et les dirigeants qui les soutiennent radicalisent au-delà des États-Unis. Ce constat est ressorti très clairement lorsqu’un étudiant blanc franco-canadien est entré dans un centre culturel islamique le mois dernier et a tué six hommes sans aucune autre raison que leur foi.
Il a été révélé plus tard que le tireur était un partisan de Trump et de la femme politique française d’extrême droite Marine Le Pen.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a qualifié le massacre d’attentat terroriste. Néanmoins, la résurgence des aspirations nazies n’a pas forcé les gouvernements à réfléchir sérieusement à la façon de protéger les jeunes hommes blancs de l’extrémisme – à la différence de l’hystérie qui poursuit les personnes de couleur et les musulmans lorsqu’un crime est commis en leur nom.
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Cette tendance va certainement se poursuivre. L’administration de Donald Trump exerce déjà des pressions en vue d’éliminer les néonazis et les suprémacistes blancs du programme de lutte contre l’extrémisme du gouvernement américain. Elle souhaite se concentrer uniquement sur les « terroristes islamiques » et rebaptiser le programme de « lutte contre l’extrémisme violent » programme de « lutte contre l’extrémisme radical islamique ».
Peu importe qu’un rapport du FBI écrit il y a plus de dix ans ait mis en garde contre le fait que des groupes de suprémacistes blancs infiltraient les forces de l’ordre au niveau local et national. La vérité troublante est qu’ils n’auront pas à surveiller leurs arrières tant que Trump sera aux commandes.
Si seulement on pouvait en dire autant à propos des jeunes hommes noirs qui continuent d’être profilés, harcelés et tués par la police.
La banalité de Trump
Beaucoup de partisans de Trump, bien que lassés à juste titre par l’establishment politique corrompu, n’ont pas combattu le sectarisme de leur candidat.
Sa campagne a satisfait les préjugés les plus extrêmes de l’Amérique blanche. Le passé raciste de la nation a semblé être une arrière-pensée pour ses partisans. Peu de choses ont changé dans les premières semaines de sa présidence.
Le dernier sondage d’opinion Reuters a rapporté que les partisans du décret de Trump interdisant les musulmans d’accès aux États-Unis étaient plus nombreux que ceux qui s’y opposaient. Les opinions étaient divisées presque entièrement en fonction des partis politiques.
Cela ne revient pas à dire que tous ceux qui sont d’accord avec Trump sont radicalisés. Mais cela laisse bel et bien entendre que les gens mordent à l’hameçon des peurs dont ils sont nourris.
Trump enfonce une vision du monde dépourvue de nuances et de tolérance dans la gorge de tous ceux qui sont prêts à l’avaler.
Sa tactique n’est pas nouvelle. La théoricienne politique allemande d’origine juive Hannah Arendt écrivait autrefois : « La triste vérité est que la plupart du mal est fait par ceux qui n’ont jamais décidé d’être bons ou mauvais. »
Ces mots n’auraient pas pu être plus pertinents. L’administration Trump compte sur ses partisans les plus passifs pour approuver les décrets présidentiels tout en espérant que ceux qui résistent finissent par normaliser l’inacceptable.
Si cela vient à se produire, la suprématie blanche prospérera dans le sillage de l’indifférence.
- Mat Nashed est un journaliste qui couvre l’actualité liée au Moyen-Orient. Se concentrant sur les marchés noirs et les mouvements migratoires, il a produit des reportages depuis la Turquie, le Liban et la Tunisie ; ses travaux ont été publiés par VICE, Al-Monitor et Al-Jazeera.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Photo : des militants néonazis participent à une manifestation organisée par le National Socialist Movement à proximité de la grande cérémonie d’ouverture du Musée et centre éducatif sur l’Holocauste de l’Illinois, le 19 avril 2009 (AFP).
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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