Libye : les Émirats arabes unis enfreignent l’embargo de l’ONU en fournissant des armes à Haftar
Middle East Eye est en mesure de révéler que les Émirats arabes unis (EAU) ont violé un embargo de l’ONU sur les armes en fournissant des hélicoptères et des avions de combat ainsi que des véhicules blindés à la milice de l’Armée nationale libyenne fidèle au général Khalifa Haftar.
Les détails de ces opérations sont contenus dans un rapport du Conseil de sécurité de l’ONU obtenu par MEE. Ce rapport de 300 pages, qui devrait être publié dans les prochains jours, documente les transferts d’armes à destination de toutes les parties au conflit libyen, en violation d’une résolution de l’ONU.
Bien que la Libye soit soumise à un embargo sur les armes depuis le soulèvement de 2011 qui a entraîné la chute de Mouammar Kadhafi, le rapport de l’ONU fait état d’une « augmentation générale du soutien étranger direct aux factions armées en Libye ».
Les auteurs du rapport ont eu la preuve que des hélicoptères, notamment un appareil de combat Mi-24 Hind fabriqué en Russie, et un avion de combat léger ont été déployés dans l’est de la Libye après avoir été transférés des EAU à l’Armée nationale libyenne.
Le rapport confirme également la livraison à l’Armée nationale libyenne de plus de 90 véhicules blindés de transport de troupes et de plus de 500 autres véhicules dans la ville orientale de Tobrouk en avril 2016. Les véhicules provenaient des EAU via un navire de marchandises en partance d’Arabie saoudite.
L’hélicoptère Mi-24 Hind, lourdement armé, est l’un des quatre modèles exportés par le Bélarus vers les Émirats arabes unis en 2014. Le groupe d’experts de l’ONU à l’origine du rapport a constaté que l’avion se trouve à présent dans l’est de la Libye et qu’il est utilisé par l’Armée nationale libyenne.
Il opère aux côtés d’un avion de combat léger fabriqué par les États-Unis. L’AT-802i, initialement conçu pour lutter contre les incendies, a été converti en appareil de combat contre-insurrectionnel. Le fabricant, Air Tractor Inc, basé au Texas, a exporté 48 avions vers les Émirats arabes unis, et l’un d’entre eux au moins est parvenu jusqu’à la Libye, selon le rapport de l’ONU.
Ce n’est pas la première fois qu’il est indiqué que des avions de combat sont exploités par les forces de Haftar. Toutefois, le rapport de l’ONU est la première confirmation fiable de leur origine.
La Libye est en proie au chaos depuis que les forces soutenues par l’OTAN ont renversé Kadhafi.
Les puissances occidentales sont de plus en plus préoccupées par le fait que le groupe État islamique (EI) ait désormais une présence dans ce pays nord-africain. Les États-Unis ont réagi en menant des frappes aériennes contre le groupe.
Le résultat des élections parlementaires tenues en 2014 a été contesté. Ceux qui détenaient le pouvoir ont refusé de l’abandonner et sont restés dans la capitale, Tripoli. Le parlement nouvellement élu a déménagé dans la ville portuaire de Tobrouk afin de mettre en place un gouvernement rival. Enfin, un gouvernement d’unité s’est installé à l’est du pays et Haftar a constitué autour de lui un autre centre de pouvoir.
Le général libyen se présente comme un ennemi de l’extrémisme islamiste et est devenu la figure dominante dans l’est de la Libye depuis le lancement, il y a trois ans à Benghazi, d’une campagne militaire contre les groupes islamistes et les anciens rebelles. Nombreux sont ceux qui soupçonnent que son ambition est de prendre les rênes du pays.
Selon le rapport de l’ONU, la puissance aérienne fournie aux forces de Haftar par les Émirats arabes unis a permis à celles-ci de gagner du terrain et de prendre le contrôle de vastes zones de l’est de la Libye.
Les puissances rivales en Libye ont demandé à plusieurs reprises au Conseil de sécurité de l’ONU de lever l’embargo sur les armes afin qu’elles puissent s’attaquer à l’EI et à d’autres milices. Toutefois, en juin 2016, l’ONU a approuvé un nouveau tour de vis contre la contrebande d’armes dans les eaux libyennes.
Les Émirats arabes unis n’ont pas répondu aux résultats de l’enquête de l’ONU, ont déclaré ses auteurs. MEE a pour sa part contacté l’ambassade des EAU à Londres ainsi qu’un porte-parole de Haftar pour les inviter à commenter ces révélations.
Ce rapport survient au moment où l’ostracisme contre le Qatar décidé par l’Arabie saoudite et de puissants États arabes, y compris les Émirats arabes unis, accentue les divisions entre leurs alliés respectifs qui s’opposent dans les guerres et luttes politiques secouant la Libye.
Les Émirats arabes unis et le Qatar, qui ont tous deux joué un rôle clé dans le soutien apporté aux rebelles lors du soulèvement qui a renversé Kadhafi, sont apparus comme des rivaux sur le champ de bataille libyen, mus par des intérêts et des visions contradictoires.
Les Émirats arabes unis et l’Égypte ont soutenu Haftar, nommé par un gouvernement et un parlement basés dans l’est du pays. Le Qatar et la Turquie ont soutenu des factions rivales islamistes dans l’ouest de la Libye.
Les amis du Qatar qui conservent une chance plausible de diriger le pays sont peut-être ceux qui ont le plus à perdre de cette dispute.
Les partisans de Haftar pensent que le conflit avec le Qatar justifie leur position anti-islamiste, tandis que leurs forces ont gagné du terrain et que le gouvernement de Tripoli soutenu par l’ONU et rejeté par Haftar est en difficulté.
Tout durcissement de la position du camp de Haftar pourrait compliquer les efforts de médiation des voisins de la Libye à l’Ouest, à savoir l’Algérie et la Tunisie, qui s’efforcent de trouver une solution négociée et inclusive.
« Faire un exemple du Qatar […] signifie que Haftar, l’Égypte et les EAU connaîtront beaucoup moins de résistance diplomatique alors qu’ils accélèrent leur campagne militaire à l’intérieur de la Libye », a commenté vendredi Jalel Harchaoui, chercheur à l’Université Paris 8.
Traduit de l’anglais (original).
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