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Conflit israélo-palestinien : les belles paroles de l'Union européenne

Si l’UE veut être prise au sérieux comme intermédiaire en faveur de la paix, elle doit prendre des décisions dérangeantes pour faire pression sur Israël, tout comme l’ont fait les États-Unis contre les Palestiniens...

Ces dernières semaines ont beaucoup évolué quant aux perspectives, ou plutôt l’absence de perspectives, pour la paix entre Israël et la Palestine.

Le vice-président américain Mike Pence a joyeusement confirmé dans un discours à la Knesset israélienne que l’ambassade de son pays déménagerait à Jérusalem d’ici à fin 2019, alors que le gouvernement américain annonçait qu’il diffèrerait le versement de 65 millions de dollars à l’UNRWA, l’agence des Nations unies qui fournit des services aux réfugiés palestiniens.

Cette situation, ajoutée au fait que le président américain Donald Trump a laissé entendre que des millions de dollars d’aide américaine à l’Autorité palestinienne devraient être supprimés suite à la rebuffade « irrespectueuse » subie par Pence, confirme la partialité du gouvernement actuel en faveur d’Israël, et souligne la conclusion de l’AP : les Américains ne sont pas en position de jouer un rôle dans un quelconque processus de paix futur.

Les Palestiniens soumis à intimidation et chantage 

Husam Zomlot, l’ambassadeur palestinien aux États-Unis, a déclaré dans un discours à l’Institut du Moyen-Orient que Trump avait poignardé les Palestiniens dans le dos, non seulement en retirant la question de Jérusalem des négociations de paix, mais aussi en prenant « toute la table ».

Les Américains continuent de prétendre qu’ils sont en train de mettre au point « l’accord du siècle » tout en utilisant une combinaison d’intimidation et de chantage pour tenter de forcer les Palestiniens à revenir s’assoir à la table des négociations, dont ils pensent avoir retiré Jérusalem et le droit au retour des réfugiés.

À LIRE : EXCLUSIF : Pour les Palestiniens, l’« accord ultime » de Trump est un ultimatum 

Dans son discours très analysé devant le Conseil central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), le président palestinien Mahmoud Abbas a réaffirmé que les négociations et la résistance populaire pacifique étaient les deux piliers stratégiques pour permettre aux Palestiniens de récupérer leurs droits.

Mais l’AP a fait preuve de peu de leadership dans l’élaboration d’une stratégie nationale pour la résistance populaire et poursuit sa coopération en matière de sécurité avec Israël – ce qu’Abbas a qualifié de « sacré ».

La réalité, c’est que l’UE dispose des outils nécessaires pour traduire ses paroles en actes, mais elle a jusqu’à présent hésité à utiliser l’un d’entre eux

Le Conseil central a recommandé la suspension de cette coopération en matière de sécurité et, pour la première fois, a exhorté le comité exécutif de l’OLP à adopter le mouvement du Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour faire pression sur Israël. Il a également recommandé la suspension de la reconnaissance d’Israël par l’OLP et annoncé l’expiration des accords d’Oslo.

Le comité exécutif de l’OLP s’est récemment réuni à Ramallah pour discuter des recommandations du Conseil central. Il a convenu de créer un comité de haut niveau pour étudier la recommandation visant à suspendre la reconnaissance d’Israël. Aucune date n’a été fixée pour rendre compte de cette importante décision.

Bruxelles, le 19 novembre 2012 : devant le Conseil de l’Union européenne des militants déploient un drapeau palestinien géant en faveur de la création d’un État palestinien (Reuters)

Il n’a pas été fait mention de la recommandation – formulée pour la deuxième fois – de suspendre la coopération en matière de sécurité avec Israël. Quant aux changements de stratégie de l’AP pour récupérer les droits des Palestiniens, les réunions du conseil central ou du comité exécutif n’ont pas donné grand chose.

Réitération d'une position de longue durée

Le principal changement serait que l’AP rechercherait un sponsor alternatif aux États-Unis pour de futures négociations de paix. L’Autorité palestinienne a d’abord envisagé que le principal organe chargé de remplacer les États-Unis serait l’Union européenne (UE). Peu après son discours à Ramallah, Abbas s’est rendu à Bruxelles pour rencontrer Federica Mogherini, la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Ce qu’il a entendu fut une réaffirmation de la position de longue date de l’UE. Federica Mogherini a déclaré : « Je tiens tout d’abord à rassurer le président Abbas et sa délégation quant à l’engagement ferme de l’Union européenne en faveur de la solution à deux États, avec Jérusalem comme capitale commune aux deux... fondée sur les accords d’Oslo et le consensus international incarné dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies. »

La cheffe de la diplomatie européenne a également réaffirmé l’opposition de l’UE aux « activités de peuplement, que nous considérons comme illégales aux termes du droit international ». Elle a rappelé à Abbas que l’UE a « déjà beaucoup investi dans le projet de construction d’un État palestinien » et a promis que le soutien financier de l’UE se poursuivrait, « y compris en faveur de l’UNRWA ».

Pour sa part, M. Abbas a remercié l’UE pour son soutien financier et demandé qu’elle continue à jouer un rôle politique dans le processus de paix au Moyen-Orient. Il a réaffirmé l’engagement des Palestiniens à combattre « le terrorisme, la violence et l’extrémisme ».

Abbas a directement fait affront au Conseil central de l’OLP, en affirmé son engagement en faveur des accords signés antérieurement – en clair les accords d’Oslo – auxquels il a déclaré que les Palestiniens avaient adhéré, et exhorté Israël à assumer les responsabilités qui lui incombent en vertu de ces accords. Il a également appelé les États membres de l’UE à reconnaître l’État de Palestine.

Loin d’être à la hauteur de cette opportunité et de profiter de ses liens historiques et financiers avec Israël et la Palestine pour jouer un rôle politique plus important dans la formulation d’une issue à l'impasse actuelle, l’UE maintiendra simplement le statu quo

Dans une annonce ultérieure, Federica Mogherini a promis que l’UE verserait aux Palestiniens une contribution supplémentaire de 42,5 millions d’euros suite à la décision de Donald Trump de réduire son aide, dont 14,9 millions d’euros pour « préserver le caractère palestinien de Jérusalem-Est ».

Sur le plan politique, Mogherini a déclaré aux journalistes bruxellois que tout cadre de négociations doit impliquer « tous les partenaires ». Elle a ainsi envoyé un message fort : les États-Unis ne sauraient en être exclus : « Jamais sans les États-Unis, jamais avec les seuls États-Unis ».

Maintien du statu quo

Loin d’être à la hauteur de cette occasion et de profiter de ses liens historiques et financiers avec Israël et la Palestine pour jouer un rôle politique plus important dans la formulation d’une issue à l'impasse actuelle, l’UE maintiendra simplement le statu quo.

Neuf États européens, dont la Suède, reconnaissent déjà la Palestine comme un État et il semble que la Slovénie pourrait être le prochain – mais l’UE dans son ensemble n’a donné aucun signe qu’elle pourrait faire de même. L’UE continue de soutenir les universités israéliennes par le biais de son programme de recherche Horizon 2020, mais elle fait un distinguo entre les institutions situées de part et d’autre de la Ligne verte. Elle pense que les colonies de peuplement israéliennes sont illégales en vertu du droit international, sans assortir sa position de mesures correspondantes.

Il a fallu de nombreuses années à l’UE pour en arriver seulement à décider que les marchandises provenant des colonies illégales devaient être étiquetées comme telles. Pour contrer la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël, l’UE aurait pu exiger l’interdiction des marchandises importées des colonies et obliger entreprises et banques à cesser toute activité contribuant à leur survie grâce au commerce. Or, elle ne donne aucun signe en ce sens.

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Suite à la décision de Tel Aviv de refuser l’accès à Israël aux militants des droits humains (dont des élus européens) venus des États membres de l’UE pour manifester leur solidarité et soutien aux BDS, l’UE aurait pu imposer un régime de visa plus strict ou même interdire l’accès aux pays de l’UE aux colons, pour violation du droit international. Cela concernerait tous les hauts responsables politiques israéliens et membres du gouvernement israélien extrémistes qui ne sont pas attachés à une solution à deux États et qui ont demandé l’annexion de la Cisjordanie.

Action douce contre action dure

L’UE pourrait interdire de vendre à Israël des armes, car elles pourraient servir à enraciner l’occupation par la force et à attaquer Gaza.

Il est un fait que l’UE dispose des outils nécessaires pour traduire ses paroles en actes, mais elle a jusqu’à présent hésité à les utiliser. Sa politique peut être considérée comme une action douce.

En revanche, le soutien de l’Amérique à Israël est une action dure – politiquement par son recours au veto au Conseil de sécurité de l’ONU ; et financièrement en lui fournissant la moitié de son budget d’aide annuel, tout en menaçant de réduire la maigre pitance octroyée aux Palestiniens pour les intimider lors les négociations.

Si l’UE veut être prise au sérieux comme intermédiaire en faveur de la paix, elle doit prendre des décisions dérangeantes pour faire pression sur Israël – des initiatives d’une ampleur égale à la reconnaissance par l’Amérique de Jérusalem comme capitale d'Israël.

L’UE va-t-elle enfin joindre le geste à la parole ou continuer de discourir ?

- Kamel Hawwash est un professeur britannico-palestinien d’ingénierie à l’Université de Birmingham et un militant de longue date pour la justice, en particulier pour le peuple palestinien. Il est vice-président du British Palestinian Policy Council (BPPC) et membre du Comité exécutif de la Campagne de solidarité avec la Palestine (PSC). Hawwash apparaît régulièrement dans les médias comme commentateur sur les questions du Moyen-Orient. Il dirige le blog www.kamelhawwash.com. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @kamelhawwash. Il a rédigé cet article à titre personnel.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : Federica Mogherini, haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, accueille le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah lors d'une réunion au siège de l'UE à Bruxelles le 31 janvier 2018 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.

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