Après la Syrie, les ambitions du groupe militaire privé Wagner pour la Libye
ALGER – Le 7 novembre, le service de presse de l’Armée nationale libyenne (ANL) a publié une vidéo de l’arrivée de son commandant en chef, le maréchal Khalifa Haftar, en Russie pour une rencontre avec le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou.
Moins d’une semaine avant la rencontre interlibyenne à Palerme, la visite de Haftar à Moscou était déjà un signal fort dirigé vers ses adversaires. Pourtant, quelque chose de plus important était en préparation.
La vidéo montre de manière classique l’arrivée de la délégation libyenne au siège du ministère russe de la Défense. À son arrivée, le maréchal est accueilli par le chef d’état-major des forces armées russes, Valeri Guerassimov, qui l’escorte vers la salle de réunion.
Pendant cette séquence, un énigmatique personnage apparaît de manière brève en arrière-plan : il s’agit de Yevgeny Prigozhine, le très discret propriétaire de la compagnie militaire privée russe, Wagner Group.
Comme il a été annoncé par Interfax (agence de presse privée russe), cette rencontre portait principalement sur « la lutte contre le terrorisme et la résolution de la crise en Libye ».
En octobre dernier, un média russe, citant des sources du ministère de la Défense, avait fait état de la présence d’un contingent militaire russe sur le sol libyen, sans préciser s’il s’agissait de militaires ou de membres d’une société de sécurité privée.
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Cette présence russe était liée à la protection des intérêts dans le secteur des hydrocarbures : la protection des sites de la compagnie pétrolière nationale libyenne (NOC), mais aussi ceux des compagnies pétrolières italiennes.
Cette information a été donnée le 9 octobre dernier par The Sun, qui citait des sources gouvernementales libyennes. Selon le tabloïd britannique, en envoyant des troupes se positionner en Libye, la Russie entendait influencer les pays occidentaux.
Le « cuisinier de Poutine »
Yevgeny Prigozhine est avant tout un homme d’affaires. Il a fait fortune dans le catering de luxe et la restauration. Son entreprise, Konkord, décroche depuis plusieurs années les contrats de traiteur pour les événements du Kremlin.
Prigozhine est d’ailleurs surnommé le « cuisinier de Poutine ». Pourtant, derrière cette dénomination candide, se cache un redoutable businessman ayant des activités parfois obscures.
En novembre 2017, il nomma Dimitri Outkine, ancien colonel des Spetsnaz (forces spéciales) et fondateur de Wagner Group, directeur général de Konkord, ce qui marquait pour de nombreux observateurs le rachat par Prigozhine de l’enseigne de mercenariat russe.
Yevgeny Prigozhine est avant tout un homme d’affaires. Il a fait fortune dans le catering de luxe et la restauration. Son entreprise, Konkord, décroche depuis plusieurs années les contrats de traiteur pour les événements du Kremlin
En 2016, Prigozhine a figuré dans la liste des treize Russes sanctionnés par les États-Unis dans le cadre de l’affaire dite de « l’usine à trolls de Saint-Pétersbourg » (une société attaquait les opposants russes sur les réseaux sociaux avec des milliers de faux comptes).
L’insécurité en Libye a attiré de nombreuses entreprises de sécurité privées qui regroupent parfois plusieurs centaines d’hommes.
En 2011 en pleine guerre civile pour la destitution de Mouammar Kadhafi, un Français, Pierre Marziali, ancien militaire, avait trouvé la mort à Benghazi dans des combats. Sa société, Secopex, entendait lever 2 000 hommes mobilisables pour des missions de sécurité.
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En mars 2017, selon le blog russe BMPD, la société militaire russe RSB aurait déjà envoyé une équipe de déminage dans la région de Benghazi.
La même source ajoute que des agents privés russes ont entraîné des militaires du maréchal libyen Khalifa Haftar sur la base égyptienne de Sidi Barrani, proche de la frontière libyenne.
Finalement, il se pourrait bien que les hommes de Wagner, déjà présents en Afrique, puissent jouer un rôle plus actif en Libye dans les prochains mois, préparant peut-être une répétition du scénario syrien avec une stabilisation par la force et l’arrivée d’un comité russe pour la déconfliction et le dialogue entre les parties.
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